AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Mécaniques du chaos (40)

«En préparant la messe, ce matin, je me suis souvenu d'un détail qui m'avait échappé.

— Je vous en prie.

— Ça n’a peut-être aucune importance, mais... Voilà, le jour où j'ai découvert le corps à l'hôpital Mater Dei, en arrivant, j’ai vu un homme courir, entrer dans sa voiture et démarrer en trombe.. .

— Vous n’avez pas noté le numéro...

— C'était une Range Rover d'un modèle ancien, couleur marron, assez fatiguée. Et sa plaque: MAT 2 11.

— Pour un homme qui ne se souvenait de rien. ..

— Ce matin, j’ai cherché une référence à l'Évangile de saint Matthieu, l'histoire des mages, qui arrivent dans la maison où Marie vient d'accoucher, et lui offrent de l'encens, de la myrrhe et de l’or. Pour nous, ce texte est référencé Mat, 2-11. J'ai repensé à cette voiture... »
Commenter  J’apprécie          303
L'employée, une petite brune de son âge, cheveux courts, assez forte, l'accueille avec un demi-sourire professionnel, adapté aux circonstances :

«Vous avez réfléchi au cercueil ? Quel âge avait votre père?

— Soixante-quatorze ans.

— Nous avons des cercueils pour les baby-boomers. En général, ils aimaient le rock et le football. Nous avons un modèle Azur foot, qui touche avec brio les amoureux du stade. Un modèle Gibson éternité, très étonnant, pour les fans de guitare... Dans le même genre, nous avons un modèle Vagabond, en forme de camping-car, les gens de cette génération aimaient les voyages et la liberté. Ils avaient raison d'ailleurs...

— Je préférerais plus classique.

— Nous avons un modèle très simple, il s'appelle Papa.

— Papa conviendra.
Commenter  J’apprécie          300
À l'intersection du decumanus et du cardo, je me suis arrêté sous l'arc de triomphe édifié en 203 à l'occasion d'une visite de l'empereur Septime Sévère dans sa ville natale.

Leptis Magna vivait alors à l'heure de Rome, et sur le même tempo. Leptis est l'un de ces «îlots d'orgueil civique dont les Romains avaient parsemé l'Afrique du Nord», comme l'écrit Peter Brown. Big business, art de vivre, thermes, salute per aqua (spa), orateurs, juristes, gladiateurs. L'autre arc de Septime, l'une des merveilles de la Ville éternelle, au pied du Capitole, avait d'ailleurs été construit exactement la même année, en 203.

Rome s’était choisi un prince africain. Carthage était vengée.
Commenter  J’apprécie          300
Lambertin s'exprime d'une voix un peu éraillée, bienveillante, sans arrogance, en jouant de son physique d'homme à la fois énergique et las, qui en a vu beaucoup et qui sait qu'un certain désespoir est le prix à payer pour accepter la réalité. Il commence par faire un point rapide sur le débat juridique qui pollue tous les esprits depuis la mise en place de l'état d'urgence.

«Vous savez tous que nous avons deux armes juridiques à notre disposition. La justice administrative, qui agit de façon préventive, la justice pénale, qui se met en branle après le passage à l'acte criminel. Au fil des décennies, la justice administrative a été vidée de son contenu au profit du juge pénal qui serait seul garant des libertés individuelles. Admissible en temps de paix, cet équilibre ne répond plus à la situation à laquelle nous contraint l'urgence terroriste. »

Le Premier ministre, qui l'écoute avec des hochements de tête approbateurs, l'interrompt :

«Monsieur le conseiller spécial, vous voulez dire que nous les connaissons mais nous ne les arrêtons ou mettons hors detat de nuire qu'une fois qu'ils ont commis leurs crimes ?

— Affirmatif, monsieur le Premier ministre. »
Commenter  J’apprécie          250
Jeannette appelle du bus son collègue de l’AFP à Rome, côtoyé à Libé dans les années héroïques. Elle lui explique la situation. Il la laisse parler sans faire de commentaire.
«Ça vaut peut-être une dépêche, non ? conclut-elle.

— Tu me réveilles pour deux clandestins, qui sont vivants en plus ? Franchement, où est l'info ?

— Tout le monde les pensait morts depuis une semaine, c'est un miracle.

— Je crois que tu es complètement déconnectée. Tu sais combien de migrants ont crevé en mer depuis dix ans ? Tu le sais ? Non tu ne le sais pas ! Eh bien je vais te le dire : vingt mille ! Tu sais combien j'ai fait de dépêches pour l'Agence ? Trois ! Alors, avec tes deux enfants du miracle ! Je te le répète : tu ne sais plus ce que c'est que le journalisme ! Déconnectée, t'es complètement déconnectee. AFP, cela ne veut pas dire Agence Femme Presse. »

Une façon de lui rappeler qu'elle est une has been. Quand je pense qu’à Libé, ce minable me léchait les bottes pour arriver à passer un petit papier, la plupart du temps sans intérêt, dans les pages du service étranger.
Commenter  J’apprécie          250
Je veux qu'elle respire les odeurs de la terre à l'endroit où trente siècles auparavant, une femme a fondé une ville neuve, Qart Hadasht, dont nous avons fait Carthage. Carthage, cette branche de l'histoire des hommes qui a été coupée et n’a jamais repoussé, est un bon sujet de méditation pour une jeune fille qui grandit dans un pays menacé par les djihadistes.

Assis l'un contre l'autre sur une pierre, dans les vibrarions de la lumière, nous progressons sans effort dans les renverses du temps. Je lui raconte l'histoire d'un écrivain nommé Thibaudet qui n'avait emporté que trois livres dans son sac de soldat, en 1914. Elle m’a fait répéter plusieurs fois cette phrase tirée de La Campagne avec Thucydide: «Un soldat de 14 pouvait être un homme qui vit avec poésie un moment important de l'Histoire, et comme à l'étape, on puise dans sa main l'eau des sources, confondues ici avec des essences éternelles, en Montaigne, je puisais l'eau de la vie, en Virgile l'eau de la poésie, en Thucydide l'eau de l'Histoire. »
Commenter  J’apprécie          220
Une civilisation a prospéré sur cette ile, elle savait naviguer, connaissait le mouvement des astres, était capable de bâtir avec des pierres colossales, de sculpter des corps de femme à la Botero, et elle s'était évanouie.

«Tu crois que l'on se souviendra de la Tunisie dans cinq mille ans ? Et de la France ? » me demanda Rim quand nous faisions la queue sur le parking pour reprendre le ferry du retour. «Peut-être que des archéologues, les Maspero de l’avenir, fouilleront les ruines des Tamaris. Ils retrouveront une photo de nous deux, et ils tenteront d'écrire notre vie.

-Je suis curieuse de savoir ce qu'ils pourront raconter ! »
Commenter  J’apprécie          211
Le mystère des temples, de leur destination, de leur rencontre préméditée, scientifiquement organisée avec le premier soleil de solstice, nous sautait à nouveau à la gorge et réveillait nos vies intérieures.

L'intelligence des inconnus qui les avaient déplacées, poinçonnées, forées, assemblées, s'adressait directement à nous. Ces hommes avaient fait sourdre un monde nouveau. Ils nous parlaient, leur langage enjambait les siècles, même s'il nous restait opaque. Ce dialogue avec les ombres avait été celui de toute ma vie. J'avais pu vérifier ce matin-là que j'étais loin d'être blasé.

Aussi attentif qu'au jour de mon arrivée comme stagiaire au musée du Caire, je m'étais mis à tendre silencieusement des fils entre les époques, méditant les chemins qui rattachaient ces batisseurs de temples venus d'Orient aux Phéniciens, aux cercles sacrés des villes romaines, aux premiers rois de Sicile salués comme le Christ et bien sûr à mon nouvel ami, ce cher Frédéric.

L'année qui venait de s'écouler n'était qu'une poussière dans l'infini des jours, mais nous avions pu mesurer son impact sur nos existences minuscules. Nous évoluions dans les mêmes paysages, les mêmes émotions revivaient en nous, mais nous étions différents.
Commenter  J’apprécie          150
L'année qui venait de s'écouler n'était qu'une poussière dans l'infini des jours, mais nous avions pu mesurer son impact sur nos existences minuscules. Nous évoluions dans les mêmes paysages, les mêmes émotions revivaient en nous, mais nous étions différents. De tels retours en arrière sont peut-être nécessaires pour prendre la mesure de nos métamorphoses, que le quotidien maquille avec habileté dans les pages de notre calendrier intérieur, et comprendre à quel point nous sommes dans la main du temps des marionnettes changeantes, presque frivoles parfois. (p445)
Commenter  J’apprécie          140
Le jour le plus triste de sa vie, c'est celui où il est allé à l'école.
Il s'est senti attaché comme une mule à un piquet.
p 116
Commenter  J’apprécie          70






    Lecteurs (402) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Quelle guerre ?

    Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

    la guerre hispano américaine
    la guerre d'indépendance américaine
    la guerre de sécession
    la guerre des pâtissiers

    12 questions
    3182 lecteurs ont répondu
    Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

    {* *}