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EAN : 9782246853787
Grasset (16/08/2017)
3.4/5   183 notes
Résumé :
Tout commence avec une adolescente somalienne, Habiba, rescapée d'un naufrage sur les côtes maltaises. Elle sera, avec Grimaud, archéologue français résidant en Tunisie, et Harry, jeune orphelin d'une banlieue parisienne, l'un des trois fils rouges de cette fresque qui nous conduit en Somalie, en Ethiopie, en Turquie, en Irak, en Lybie, en Algérie, en Egypte et surtout en France ? A Paris, dans le secret des services, Bruno tente d'infiltrer les réseaux terroristes.... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (41) Voir plus Ajouter une critique
3,4

sur 183 notes
«  Il n'y a que deux puissances au monde, le sabre et l'esprit : à la longue, le sabre est toujours vaincu par l'esprit », cette constatation de Bonaparte hante Daniel Rondeau qui suit ses traces à Malte et en Egypte, et médite sur la destinée d'Alexandre le Grand et Frédéric Barberousse.

Primé par l'académie française en 2017, cet essai exigeant demande un réel effort au lecteur mais l'éclaire sur les rapports entre les deux rives de la Méditerranée, les conflits opposant les croyants, les traces laissées par les luttes coloniales et les menaces actuelles.

Ambitieux, ce roman brasse une multitude d'acteurs, sur deux continents dans un espace temps débutant le 8 mai 1945 à Sétif qui permet de suivre deux générations, celles des pères luttant pour rejeter les français à la mer et celles de leurs enfants revendiquant le droit à devenir français. Une génération de laïcs turcs engendrant une génération d'islamistes avec pour seul lien … la corruption.

Daniel Rondeau fut ambassadeur de France à Malte de 2008 à 2011 (nommé par Bernard Kouchner, sous la présidence Nicolas Sarkozy) où il était aux premières loges pour observer le chaos en Syrie et en Libye puis les trafics déversant en Europe, depuis les cotes libyennes, des armes, des drogues et des être humains. Cette expérience donne à ses pages un bouleversant réalisme pimenté de violence.

Alternant réflexion historique, méditation philosophique, observation archéologique, intrigue policière, romances amoureuses, cet ouvrage est une mécanique dont les multiples rouages nécessitent de l'attention mais ne laisse pas le lecteur indemne.

Le sabre est toujours vaincu par l'esprit … mais notre Europe est elle inspirée par un esprit autre que mercantile ?

« Le pire n'est pas toujours sur ; le ciel t'entende » conclut l'académicien.
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Ce roman est assez particulier car d'une certaine manière je crois que son auteur avance masqué. C'est essentiellement un thriller à plusieurs voix.
Le contexte : notre société soi-disant en guerre contre le terrorisme.
Les lieux : côté négatif : les cités, la Libye, côté positif : Malte, le quartier général secret d'un service de la DGSE.
Les acteurs : innombrables et ratissant large : flic en mal-être, diplomate jouant double ou triple jeu, archéologue à la limite de la pédophilie, prostituée désabusée mais jeune et belle et aristocratique, djihadiste allumé, indic surdoué, caïd de la drogue, chargé d'affaire espion etc etc...
Voilà, c'est un peu le point faible de ce livre : il y a trop de personnages, tous brossés forcément hâtivement, même si c'est suffisant pour en percevoir la complexité.
C'est en fait un faux thriller. Délibérément construit ainsi. Car c'est justement la réflexion sur les motivations des uns et la non-motivation des autres qui est mise en exergue par l'auteur : il n'y a pas réellement de personnage détestable dans cette galerie protéiforme : que des solitudes baladées par la vie... Enfin pas seulement...
Dans ce bestiaire disparate, une figure sort du lot. Une seule.
En refermant le livre, je n'ai pas pu m'empêcher de rapprocher ce roman d'un essai de Michel Onfray sur notre société occidentale qui n'a plus de boussole idéologique.
Je crois que ce livre en brosse un portrait parmi d'autres possibles.
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Mécaniques du chaos pourrait appartenir à la catégorie des docufictions tant Daniel Rondeau met sous nos yeux un par un les rouages qui conduisent au terrorisme djihadiste. Lesdits rouages s'adaptent l'un à l'autre jusqu'à constituer l'engrenage qui broie les corps des victimes, la liberté et l'humanité.

Une multiplicité de personnages jaillit dès les premières pages, chacun avec une histoire propre et un rôle dans le mécanisme. L'auteur dépeint la mise en place de systèmes et de filières alliant banditisme, intégrisme et capitalisme basé sur l'écoulement de drogues, d'armes, de femmes, d'informations et de trésors archéologiques et artistiques mis en péril par le fanatisme des fous d'Allah. Ce qui frappe dans ce roman, entre autres, c'est l'importance de la corruption et d'un cynisme abject faisant rimer religiosité exacerbée et profits engrangés.

En face, il y a ceux qui luttent, comme Bruno, le flic miné par son divorce, le jeune Harry qui souffre de voir sa cité gangrenée par la peste verte alliée au caïd du quartier, l'archéologue Grimaud, narrateur des chapitres où il apparaît et qui s'efforce de sauvegarder ce qui peut l'être, etc.

L'ensemble conséquent des protagonistes de premier plan est criant de vérité, à l'image du roman. En cela, il est d'une lecture éprouvante, non par la difficulté du texte mais par les coups de couteau qui déchirent toujours plus l'esprit humaniste dont Grimaud apparaît comme l'étendard. Loin de tout simplisme manichéen, Daniel Rondeau s'attèle à développer ses personnages avec toutes les nuances et la profondeur possible.

De plus, par son choix de mettre en avant un archéologue ou encore un flic ancien étudiant puis professeur d'histoire-géographie, il montre l'importance capitale du poids de l'Histoire dans ce qu'il se passe actuellement. L'exemple de "l'incident" de Sétif, le 8 mai 1945, en est un exemple probant dans ce récit. Mais pas que. L'auteur porte aussi son attention, se référant d'ailleurs aux thèses de l'éminent historien Lucien Fèbvre, sur le temps long de l'Histoire, celui des civilisations qui croissent, prospèrent et chutent. Il aurait tout aussi bien pu citer l'essayiste Jared Diamond. Sommes-nous à un tournant civilisationnel de grande envergure? Si oui, quelle évolution et quelle(s) direction(s) suivra-t-il? lecture de Mécaniques du chaos renvoie également au triptyque de l'Académicien Amin Maalouf : Les identités meurtrières, le dérèglement du monde et le récent La chute des civilisations.

Beaucoup de réflexions, par conséquent, attendent le lecteur de ce roman d'une grande qualité tant narrative que de fond. Je ne peux qu'imaginer la somme documentaire et le travail de recherche qu'a dû réclamer l'écriture de ce livre. Un ouvrage nécessaire qui permet via des personnages de fiction de mieux comprendre la situation actuelle sur de multiples plans, à commencer le fondamentalisme djihadiste et ses réseaux.
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En écrivant Mécaniques du Chaos, Daniel rondeau, signait non seulement un roman sur notre histoire contemporaine, mais aussi un panorama original et très fouillé du terrorisme d'origine principalement djihadiste, déjà un grand livre de référence.


J'imagine la masse des archives que Daniel Rondeau a dû explorer, pour ne pas se limiter à des événements récents, pour éviter les amalgames, pour ne pas tomber dans le spectaculaire, mais pour ancrer son récit dans l'histoire la plus ancienne de ces terres du proche et du Moyen-Orient.


L'ancrage de Mécanique du Chaos, passe aussi par le choix de certaines villes ou lieux particuliers où se sont déroulés des événements symboliques, ou prémonitoires. On découvre par exemple l'île de Malte mais aussi Sétif, Kobané, Carthage, des lieux et des villes où des peuples se sont croisés et recroisés, dans la haine, le partage ou l'indifférence.


La qualité du récit vient sans doute du choix des personnages qui vont devenir au fil des pages des acteurs attachants pour lesquels Daniel rondeau sera en total empathie. Je pense notamment au vieil homme de Sétif, Bouhadiba fasciné par les recherches archéologiques, et qui garde pour la France une profonde tendresse, je pense à Harry celui qui deviendra l'indic privilégié du grand patron Lambertin, je pense à cette jeune femme sauvée, après un naufrage sur une plage de Malte, Habiba, qui n'aura pas eu la chance d'épargner son frère.


Habiba ou Noelle à qui est dédié ce livre.

Il faut se rappeler dans le détail le déclenchement des événements de Sétif, quand pendant une manifestation populaire pour la paix, seuls les drapeaux français ou des pays alliés étaient autorisés, Saâl Bouzid, 26 ans, brandit un drapeau algérien, signe indépendantiste.
Il sera abattu.
Daniel rondeau nous parle des documents d'archive où les européens furent massacrés de façon insoutenable, et de la riposte sanglante qui a suivi dans les populations indigènes, à "l'effroi, l'incompréhension, la stupeur', page 298, suivent ces mots, "la France n'a pas lésiné non plus sur les atrocités," page 299.


Et pourtant sur ce même territoire des populations venues de multiples horizons ont cohabité avec d'autres populations, comme à Sétif en témoignent les fouilles ( des fresques du 6ème siècle mises à jour , page 101) , conduites par Grimoud, que suivait le grand homme émacié Bouhadiba.
Pourquoi le geste d'un extrémiste, en1945, justifie la guerre sainte et le djihad en 2018 ?

La lucidité de Daniel Rondeau est de poser ces jalons, de rappeler les faits, et de décrire la complexité de notre monde où classer, juger, condamner est aussi dérisoire que de vouloir faire passer un chameau, fut-il de Sétif, par le chas d'une aiguille.
L'autre grande leçon de l'ouvrage de Daniel Rondeau est d'avoir, bien démontré
que derrière le terrorisme, se cache la corruption, une lutte sans merci pour le pouvoir.


La mécanique du chaos, se développe, s'insinue, dans toutes les failles de nos sociétés, à travers toutes les dérives de dirigeants corrompus, animateurs de leur propres réseaux de corruption.
Aucun pays ne peut se croire à l'abri de ces trafics maffieux, ou la finance en col blanc, celle qui achète à bon compte les trésors du passé, flirte allègrement avec des chefs Djhadistes sans scrupules, ou de mouvances diverses.


Entre une France souvent déboussolée, et ses friches urbaines où règnent trafics et délinquance, et les états du Sud en déliquescence comme la Syrie ou la Libye, une mauvaise graine se propage.

Dans ce climat en jachère, à travers une fiction trépidante, menée par deux flics, Bruno et Lambertin, et leur fidèle compagnon chercheur Grimaud, Daniel Rondeau a bâti depuis une banlieue fictive, qui a pour nom Taurbeil-Tarte et son Patron mafieux M'Bilal, un fabuleux thriller, qui vous tient en haleine, et vous fait voyager d'Istanbul à Tanger d'Alexandrie à Tripoli en passant par Malte, et pour aboutir à la fameuse Villa fantôme.

Je suis sorti de ce livre groggy, comme d'un véritable combat, pour savoir qui allait sauver sa peau. Ce livre est un peu un sésame, un pass, une clé indiscutable, non pour tout comprendre, mais pour mieux se déplacer, dans ce labyrinthe aux multiples senteurs, souvent nauséabondes, aujourd'hui le terrorisme.

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Une archéologie de notre époque finissante, puisqu'elle a égaré le secret de la vie.
Tout commence avec une citation d'Honoré de Balzac tirée de son roman « le père Goriot » « Ah! sachez-le: ce drame n'est ni une fiction, ni un roman. All is true, il est si véritable, que chacun peut en reconnaître les éléments chez soi, dans son coeur peut-être. » Si les personnages crées par Daniel Rondeau sont de pures fictions, la loi de la jungle devenue mondiale est bien réelle, et le tableau qu'il en tire, est apocalyptique. On ne veut pas croire que nous campons sur une bombe à retardement, entre « Soumission » de Houellebecq et « Katiba » de Rufin. Sur fond de chaos intégral : culturel, langagier et comportemental. 1984, d'Orwell, à côté de cela passe pour une lecture académique. Mécaniques du chaos a obtenu le Grand Prix du Roman de l'Académie Française 2017.
Grimaud, le narrateur principal est un archéologue spécialiste de Leptis Magna, une des villes importantes de la république de L'ancienne Carthage, déclarée Site du patrimoine mondial de l'UNESCO en 1982. Grimaud est porteur des multiples expériences de l'écrivain et de l'ancien diplomate. Son moteur personnel est fait de plusieurs facettes qui raniment le courage, la probité, l'émerveillement, la joie et l'énergie. Laissant la truelle et le pinceau, à lui de rebâtir une fresque de notre époque, sorte de tapisserie où l'on prend de plein fouet la vue d'ensemble mais aussi les mille et un détails. En particulier, un de ces « détails » de l'HISTOIRE qui a sombré dans l'oubli. le 8 mai 1945, à Sétif, une manifestation nationaliste est autorisée dans la liesse de la fin de la deuxième guerre mondiale. Dès 8h à plus de 10 000 personnes envahissent les rues et défile avec des drapeaux des pays alliés. Vers 8 h 45, tout dérape. Des pancartes « Vive l'Algérie libre et indépendante » surgissent. En tête de la manifestation, Aïssa Cheraga, chef d'une patrouille de scouts musulmans, arbore un drapeau vert et rouge. Un jeune s'empare du drapeau mais est abattu par un policier. L'émeute fait dans les deux camps de nombre de morts et de blessés. Dans le même temps, des émeutes éclatent aux cris du « djihad » dans la région montagneuse. Des fermes européennes isolées et des maisons forestières sont attaquées et leurs occupants assassinés, dans des conditions atroces… Voilà ! le mot et lancé ! La force de destruction du djihad est sortie de la boîte de Pandore. le fardeau de ces événements est porté humblement par un personnage émouvant du roman: Bouhadiba, ancien pied noir. » On revoit aussi les avions du 11 Septembre, ce Pearl Harbour du djihad?
Chaque époque n'est-elle qu'une succession de cercles dans l'eau? Passant par les guerres puniques, Daniel Rondeau retrouve la pierre fatale sur laquelle sont gravés les massacres de Sétif. Grimaud, l'archéologue examine le terreau qui a engendré cette mécanique du chaos, le terrorisme islamique, dont on ne parlait pas il y a 40 ans. Il braque l'éclairage sur d'autres mécaniques délétères : l'absence de repères, le nihilisme général engendré par la destruction du paysage spirituel de l'Europe après le passage destructeur du nazisme et du communisme dont nos générations ne sont toujours pas remises. Mais comment pourrions-nous encore rayonner en 2016, si on ne croit pas en soi? Sans l'eau de l'histoire, de la poésie et de la culture… peu d'espoir est permis ! « Je suis Habiba et je vis… »

En rassemblant les points de vue des nombreux personnages du roman, tous des naufragés, de la journaliste française et petite amie de Kadhafi à l'étudiante bretonne anarchiste passée par la prostitution de luxe, la mosaïque s'éclaire. le délitement des valeurs familiales a aussi créé l'absence de repères. Bruno, le policier anti-terroriste flotte dans sa vie, perdu par son divorce et l'éloignement de ses filles. La peinture de l'époque passe par la sphère toute puissante de l'argent qui a englouti notre planète et ses états de droit avec tous les trafics illicites du trafic humain, migrants et esclaves, à celui des oeuvres d'art millénaires, à celui de la drogue, et jusqu'aux détrousseurs de cadavres dans les hôpitaux. Assiste-ton à la « grosse domination du sabre sur l'esprit ? »
L'écriture se fait à coups de sabre, de déflagrations, de valse d'informations aussitôt interrompue, dans un immense zapping mondial de la violence. Comment, à travers les cascades d'événements sans transition, et les lieux brûlants d'actualité ne pas se retrouver piégé par la barbarie, cloué d'angoisse, stupéfait devant les personnages déboussolés, aux quatre coins de la Méditerranée, notre berceau millénaire devenu fosse commune. Autour de Malte, il n'y a qu'un pas pour la Lybie, la Tunisie, la Somalie, Istanbul… Et puis la frileuse Europe aux fondements dévastés se déploie, fragilisée par la corruption et le crime, de Londres, à Paris, au Quai Matignon et dans une banlieue infecte nommée Taurbeil-Paradis la Grande Tarte. Au début les images et les personnages sont bien difficile à suivre et on se perd dans les cercles de l'enfer… Puis la mosaïque contre la domination du sabre sur l'esprit, prend forme et on ne lâche plus le livre, de peur de perdre le fil infernal! Et au passage, -ouf!- on se permet de savourer les apartés de l'archéologue, Grimaud, qui n'est avare ni de recul, ni d'érudition, ni de sagesse. « Les peuples se font et se défont de leur énergie propre s'engendrant de leur âme et de leurs actes incessants pendant que le temps s'écoule à son rythme imperturbable. » comme disait Michelet.
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critiques presse (2)
Actualitte
14 avril 2020
Dans quelle mesure l’expérience de la guerre a-t-elle influencé son œuvre future ? C’est la question que se sont posés Emmanuel Beaudry et Corentin Lecorsier, tous deux originaires de la Somme qui fut le théâtre de la bataille la plus meurtrière de la Première Guerre mondiale.
Lire la critique sur le site : Actualitte
LeFigaro
29 septembre 2017
Daniel Rondeau croit au pouvoir des mots. Sa fresque crépusculaire et polyphonique brasse l'histoire et l'actualité, interrogeant les dérèglements de notre société.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (40) Voir plus Ajouter une citation
Lambertin s'exprime d'une voix un peu éraillée, bienveillante, sans arrogance, en jouant de son physique d'homme à la fois énergique et las, qui en a vu beaucoup et qui sait qu'un certain désespoir est le prix à payer pour accepter la réalité. Il commence par faire un point rapide sur le débat juridique qui pollue tous les esprits depuis la mise en place de l'état d'urgence.

«Vous savez tous que nous avons deux armes juridiques à notre disposition. La justice administrative, qui agit de façon préventive, la justice pénale, qui se met en branle après le passage à l'acte criminel. Au fil des décennies, la justice administrative a été vidée de son contenu au profit du juge pénal qui serait seul garant des libertés individuelles. Admissible en temps de paix, cet équilibre ne répond plus à la situation à laquelle nous contraint l'urgence terroriste. »

Le Premier ministre, qui l'écoute avec des hochements de tête approbateurs, l'interrompt :

«Monsieur le conseiller spécial, vous voulez dire que nous les connaissons mais nous ne les arrêtons ou mettons hors detat de nuire qu'une fois qu'ils ont commis leurs crimes ?

— Affirmatif, monsieur le Premier ministre. »
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Jeannette appelle du bus son collègue de l’AFP à Rome, côtoyé à Libé dans les années héroïques. Elle lui explique la situation. Il la laisse parler sans faire de commentaire.
«Ça vaut peut-être une dépêche, non ? conclut-elle.

— Tu me réveilles pour deux clandestins, qui sont vivants en plus ? Franchement, où est l'info ?

— Tout le monde les pensait morts depuis une semaine, c'est un miracle.

— Je crois que tu es complètement déconnectée. Tu sais combien de migrants ont crevé en mer depuis dix ans ? Tu le sais ? Non tu ne le sais pas ! Eh bien je vais te le dire : vingt mille ! Tu sais combien j'ai fait de dépêches pour l'Agence ? Trois ! Alors, avec tes deux enfants du miracle ! Je te le répète : tu ne sais plus ce que c'est que le journalisme ! Déconnectée, t'es complètement déconnectee. AFP, cela ne veut pas dire Agence Femme Presse. »

Une façon de lui rappeler qu'elle est une has been. Quand je pense qu’à Libé, ce minable me léchait les bottes pour arriver à passer un petit papier, la plupart du temps sans intérêt, dans les pages du service étranger.
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«En préparant la messe, ce matin, je me suis souvenu d'un détail qui m'avait échappé.

— Je vous en prie.

— Ça n’a peut-être aucune importance, mais... Voilà, le jour où j'ai découvert le corps à l'hôpital Mater Dei, en arrivant, j’ai vu un homme courir, entrer dans sa voiture et démarrer en trombe.. .

— Vous n’avez pas noté le numéro...

— C'était une Range Rover d'un modèle ancien, couleur marron, assez fatiguée. Et sa plaque: MAT 2 11.

— Pour un homme qui ne se souvenait de rien. ..

— Ce matin, j’ai cherché une référence à l'Évangile de saint Matthieu, l'histoire des mages, qui arrivent dans la maison où Marie vient d'accoucher, et lui offrent de l'encens, de la myrrhe et de l’or. Pour nous, ce texte est référencé Mat, 2-11. J'ai repensé à cette voiture... »
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L'employée, une petite brune de son âge, cheveux courts, assez forte, l'accueille avec un demi-sourire professionnel, adapté aux circonstances :

«Vous avez réfléchi au cercueil ? Quel âge avait votre père?

— Soixante-quatorze ans.

— Nous avons des cercueils pour les baby-boomers. En général, ils aimaient le rock et le football. Nous avons un modèle Azur foot, qui touche avec brio les amoureux du stade. Un modèle Gibson éternité, très étonnant, pour les fans de guitare... Dans le même genre, nous avons un modèle Vagabond, en forme de camping-car, les gens de cette génération aimaient les voyages et la liberté. Ils avaient raison d'ailleurs...

— Je préférerais plus classique.

— Nous avons un modèle très simple, il s'appelle Papa.

— Papa conviendra.
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Je veux qu'elle respire les odeurs de la terre à l'endroit où trente siècles auparavant, une femme a fondé une ville neuve, Qart Hadasht, dont nous avons fait Carthage. Carthage, cette branche de l'histoire des hommes qui a été coupée et n’a jamais repoussé, est un bon sujet de méditation pour une jeune fille qui grandit dans un pays menacé par les djihadistes.

Assis l'un contre l'autre sur une pierre, dans les vibrarions de la lumière, nous progressons sans effort dans les renverses du temps. Je lui raconte l'histoire d'un écrivain nommé Thibaudet qui n'avait emporté que trois livres dans son sac de soldat, en 1914. Elle m’a fait répéter plusieurs fois cette phrase tirée de La Campagne avec Thucydide: «Un soldat de 14 pouvait être un homme qui vit avec poésie un moment important de l'Histoire, et comme à l'étape, on puise dans sa main l'eau des sources, confondues ici avec des essences éternelles, en Montaigne, je puisais l'eau de la vie, en Virgile l'eau de la poésie, en Thucydide l'eau de l'Histoire. »
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Vidéo de Daniel Rondeau
Daniel Rondeau vous présente son ouvrage "Arrière-pays" aux éditions Grasset. Entretien avec Sylvie Hazebroucq.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2254081/daniel-rondeau-arriere-pays
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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