Avant de t'oublier est un roman de 480 pages publié par Milady en février 2016. Il s'agit d'une romance, mais pas que. On y rencontre des femmes fortes et touchantes, les Armstrong sur trois générations.
Je ne suis pas vraiment une accro de du genre romance… j'ai lu deux
Marc Lévy, il y a dix ans maintenant, et je n'ai jamais réussi à ouvrir un
Guillaume Musso. Mais ce livre semblait avoir quelque chose en plus, mon instinct ne m'a pas trompée puisque c'est un véritable coup de coeur pour moi.
avant de touviler
Claire est une femme à qui la vie sourit : son métier d'enseignante la comble, elle a deux filles magnifiques et brillantes et un mari aimant. Elle n'a que quarante ans, quand une forme précoce de la maladie d'Alzheimer se déclenche. Son esprit la lâche. D'abord, ce ne sont que pendant de brefs instants, puis de plus en plus, jusqu'à n'avoir plus que de très courtes phases de clairvoyance. Les mots lui échappent, les noms, les visages, et finalement c'est même l'amour pour son mari qui se fane.
Le roman est composé notamment d'extraits du journal que Claire et sa famille rédige pour entretenir les souvenirs de Claire : la rencontre de Claire et son mari, la naissance de ses filles, … autant de moments clés que l'on se doit de ne pas oublier. En plus d'aider Claire et sa famille au quotidien, c'est un véritable atout narratif pour reconstruire le passé et le présent des personnages.
Les souvenirs de Claire sont matérialisés par des petits objets qu'elle colle dans son journal : une photo, un bouton de robe…qui sont ses points d'ancrage dans la réalité.
Ce roman nous amène comprendre les liens qui unissent une famille. Ces liens sont soumis aux épreuves du temps, de la vie mais aussi de la mort. La maladie remet en jeu tout ce qui avait pu être construit. Il y a une véritable réflexion sur le lien familial et l'identité. Mais par-dessus tout c'est un roman qui parle d'Amour : Amour familial, amour maternel, amour tout court, et c'est magnifiquement bien écrit.
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Les liens mère/fille sont altérés. Claire redevient une petite fille qu'il faut protéger aux yeux de sa mère alors qu'elle doit pourtant continuer à remplir son rôle de mère auprès de ses propres filles : Esther, 3ans, qui a besoin que l'on s'occupe d'elle et qu'on lui raconte des histoire et Caytlin, une jeune femme à la dérive.
« Je vois son expression changer, et je suppose qu'elle est effrayée par un phénomène qui me semble pourtant complétement rationnel. C'est l'essence même de cette maladie et de ce qu'elle inflige aux gens : le gouffre grandissant entre ma réalité et celle des personnes de ma vie. J'essaye, chaque jour, de le franchir mais arrive le moment où je n'y parviens plus et eux non plus. D'ailleurs ils n'essaient même pas car mon monde est le mauvais. »
L'amour entre Claire et son mari est mis à l'épreuve. L'histoire entre Claire et Greg (son mari) était digne d'un conte de fées jusqu'à ce que la maladie ne se déclare. Les souvenirs se dérobent dans la tête de Claire et elle ne parvient même plus à se souvenir des sentiments qu'elle éprouvait pour son mari. On assiste à un véritable déchirement où les deux sont complétement impuissants face à la maladie. D'autant qu'un étranger fait irruption dans la vie de Claire dans les moments où la maladie prend le dessus : il la fait sentir vivante, libre et heureuse.
« Il est gentil et me parle comme à une personne. Non, ce n'est pas ça : je suis une personne. Je suis encore une personne. Ce que je voulais dire, c'est qu'il me parle comme si j'étais moi, et j'aime bien. Ca me réchauffe toute entière et je me sens étrangement bien.
Ca me manque, de me sentir heureuse, simplement heureuse, sans cette sensation que chaque instant de joie que je traverse désormais doit obligatoirement être teinté de tristesse »
Outre le journal, le recours à plusieurs personnages pour remplir le rôle de narrateur permet d'aborder le récit et les différents aspects de la maladie sous une multitude de facettes. Cela permet aussi au lecteur d'avoir accès à la réalité de l'histoire car, même si les chapitres racontés par Claire sont cruciaux, la maladie l'empêche de raconter avec précision voire clairvoyance les événements.
L'empathie prend le pas sur notre lecture et nous sommes amenés à nous demander ce que nous ferions dans une telle situation. Epoustouflant et touchant.
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Les derniers chapitres ont été pour moi les plus bouleversants (le maquillage qui coule sur les joues en étant la preuve….). J'ai vraiment trouvé la fin parfaite. Un moment de bonheur suspendu dans le temps, un petit retournement de situation. On se sent soulagé et en même temps, on sait que tout ceci est éphémère car la maladie est toujours là et elle n'a pas encore fini son travail.
On finit par appréhender la maladie comme un démon qui vole la vie d'une femme et de sa famille. Mais ces femmes et ces hommes luttent contre elle pour grapiller, comme ils peuvent, quelques précieuses minutes de bonheur ensemble.
Ce roman est un véritable hymne à la vie et au bonheur, (le bon vieux Carpe Diem) et cette citation illustre parfaitement mon propos :
« …Ne gâche pas une seconde de plus à te soucier de ce qui aurait pu se passer ou de ce qui risque de se passer. Fais confiance à ton coeur, ton esprit, eux, ils resteront fidèles à ce que tu es. C'est ce qui te définit. Et quand elle sera suffisamment grande pour le comprendre, explique-le à Esther aussi. Dis lui que ce qui restera de nous tous, c'est l'amour que nous aurons donné et reçu. »
Bref, on ne ressort pas indemne, il y a un avant et un après. C'est un livre qui donne profondément envie d'aimer ses proches et d'aimer tout court.