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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Comme à chaque fois que je lis un ouvrage sur la Palestine, je reste abasourdie et hagarde après de nombreux sursauts de révolte au cours de la lecture.

Palestine rassemble les neuf chapitres ou épisodes parus aux États-Unis en neuf fascicules de 24 ou 32 pages entre début 1993 et fin 1995, suite à un voyage en Palestine de Joe Sacco alors jeune plein de fougue - même si un peu peureux - qui forme son premier projet de grande ampleur.

Le premier chapitre est un peu foutraque dans sa structure mais les suivants sont parfaitement organisés. Dans chacun, l'auteur raconte ses expéditions et rencontres dans différentes villes palestiniennes, camps de réfugiés etc. le fait de le suivre dans de nombreux détails de la vie quotidienne permettent une immersion dans les conditions de vie réelles du lieu mais également dans les modes de vie.

Le dessin, souvent en cases larges, permet de visualiser le décor majoritairement fort triste de ces lieux, ainsi que les visages, les silhouettes, l'énergie et les émotions des habitants. J'ai beaucoup apprécié la dimension très réaliste du récit et cette attention aux détails visuels.

Par ailleurs, le texte se fait tour à tour révolté, informatif, caustique mais aussi quelque peu égoïste, préoccupé qu'il pouvait être de trouver la personne ou l'événement qui lui permettrait de faire sensation dans sa BD - ce qui est une des problématiques de l'écriture journalistique, et le mentionner sans fard me semble une forme d'honnêteté qui évite un angélisme fallacieux.

J'ai trouvé très intéressants le chapitre IV sur la prison d'Ansar III, expliquant comment les Palestiniens s'y organisent pour conserver leur dignité, et les chapitres VI, VII et VIII qui présentent une certaine variété des conditions de vie dans la bande de Gaza. J'aurais aimé que la partie accordée aux femmes dans le chapitre V soit plus importante.

Globalement, on voit toutes les générations témoigner de ce qu'elles ont subi (depuis 1948 notamment) et subissent encore au quotidien à l'époque venant des forces israéliennes (en faisant une mise à jour quelques 25 ans plus tard, je ne crois pas que cela ait beaucoup changé, en tout cas j'y ai retrouvé beaucoup de choses lues dans un autre témoignage journalistique qui date de 2010, Jours tranquilles à Gaza de Karim Lebhour) : les arrestations et emprisonnements abusifs, les méthodes d'interrogatoire pour le moins musclées, le harcèlement moral, les expulsions, les agressions par les colons, le développement économique sapé, la répression destructrice et qui semble disproportionnée (jet d'un cocktail Molotov : 15 ans de prison ; un désigné coupable : sa maison rasée, peu importe le nombre de personnes qui y vit etc.).

L'auteur précise bien qu'il ne présente presque que le point de vue palestinien parce que les médias américains, où il publie son ouvrage, se chargent amplement du point de vue israélien, et que son souhait est de présenter un témoignage de ce qu'il a vu pour faire changer les préjugés sur la situation et sur ces deux peuples.

Deux excellentes introductions ouvrent cette compilation, la première par Edward Saïd, intellectuel américain d'origine palestinienne, qui détaille très bien les caractéristiques de l'oeuvre de Sacco, la deuxième par Joe Sacco lui-même, qui explique son projet et comment il a travaillé (le passage des notes au dessin, quel type de dessin selon la visée narrative, descriptive ou dramatique etc.), joignant des pages de son carnet de notes, des photos prises sur place, des brouillons de plan et de planches.

Pour moi, un objet important.
Je ne remercierais jamais assez les bibliothèques qui font oeuvre de transmission.
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J'ai pris cette BD à la bibliothèque sans savoir ce qui c'était, dans en connaître un l'auteur ou l'histoire. Je ne recommande pas de lire cette BD "à l'aveugle" comme cela. Voici ce que j'ai appris entre temps :

Cette BD est considérée comme l'invention de la BD-reportage, du journalisme graphique. le dessin est brouillon et chaotique, il faut un moment pour s'y habituer, mais on réalise en cours de lecture que cela sied parfaitement le sujet.

L'auteur est vient d'une famille aisée de banlieue américaine (même s'il n'est pas né aux USA). Son idée était d'aller en Palestine peu après la première intifada, pour recueillir les témoignages et les rapporter avec une rigueur toute journaliste, tout en les dessinant sans aucun filtre. Plusieurs fois, pendant l'histoire, il s'interroge sur ses propres motivations. Il veut des récits de tortures et des crimes de guerre pour faire une récit qui choquera, qui fera parler. Quel genre de personne cela fait-il de lui?

Il remet en question aussi la façon la plupart des médias abordent (en 1994), les conflits israélo-palestiniens. Ce désir qu'ont les journalistes, le maintenir une façade d'impartialité, de parler des crimes des deux côtés comme étant d'une ampleur et d'une importance égale.

Sa propre position semble vaciller au fil du récit. Dès les premières de la BD, on est mal à l'aise avec les témoignages de palestiniens qui en appellent à l'extermination des Juifs.

L'auteur est aussi mal à l'aise. Il tente de raisonner ses interlocuteurs. Il en appelle à la paix.

Et à mesure qu'il en apprend sur la réalité du terrain, sa vision change. Il rejette toujours, avec raison, la haine. Il désir encore ardemment la paix. Mais dire à quelqu'un qui a été expulsé de sa terre natale pour être entassé dans un terrain entouré de barbelés, avec des services déficients, des couvres feu et une quasi impossibilité de sortir et de travailler, qu'il doit cesser d'haïr son oppresseur est au dessus de ses forces.

Les derniers chapitres de la BD sont à Tel Aviv, avec des interlocuteurs israéliens. L'auteur en tire ces conclusions : Souvent, lorsqu'un palestinien parle de paix, ce qu'il veut, c'est gagner la liberté et le respect de sa dignité. Que des droits humains soient respectés. Souvent, lorsqu'un israélien parle de paix, c'est qu'il veut continuer les déportations et la colonisation sans entendre parler des victimes qui risquent de miner son confort.
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Superbe BD journalistique, basée sur les interview faites par Joe Sacco au début des années 1990 parmi la population des territoires occupés en Palestine.
C'était en pleine première intifada, mais c'est malheureusement toujours d'actualité.
Dessin grinçant, des remarques justes, beaucoup de recherches pour comprendre la situation, le comment et le pourquoi, pas spécialement réjouissant... Mais absolument à lire!
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Joe Sacco décide, en 1991-92, de se rendre dans les Territoires occupés pendant 2 mois afin de se faire sa propre représentation du conflit Israélo-Palestinien.
La propagande pro-israélienne des États-Unis l'irrite et il se forme à d'autres visions, comme celles de Edward Said ou Noam Chomsky.

Il arrive en fin de première intifada (guerre des pierres de 87 à 93) et récolte un maximum de témoignages à charge sur la violence des soldats et des colons israéliens, sur l'impossibilité de travailler, commercer, étudier, circuler, se soigner, cultiver la terre, voyager… quand on est palestinien.
Tous les témoignages se recoupent, jusqu'à l'overdose, car tous ces hommes, instruits ou non, racontent la même histoire: une vie faite de laid, de violence, de coups, de boue, d'humiliation.

Joe Sacco n'a pas pour objectif d'être impartial, d'interroger les deux camps, de se battre pour la paix ou de nous faire un cours d'histoire: il nous plonge au coeur des territoires occupés, nous emmène d'un camp à l'autre, cherche là où ça saigne en claquant des dents.

Le graphisme est sombre, le trait est ambiance "cartoon", Joe Sacco peint la laideur des lieux à travers la laideur de ses personnages.

"Palestine", publié en fascicules entre 1993 et 1995, est une BD journalistique de qualité que je vous recommande de découvrir si ce n'est pas déjà fait.
25 ans plus tard, on en est toujours au même point.

Demain on me sortait de chez moi pour prendre ma maison ou raser mon village, deviendrais-je "terroriste" ou "résistante"?
Je continue mon exploration de ce conflit en regardant, écoutant et lisant d'autres points de vue que celui asséné par les médias.

Traduit de l'anglais par Professeur A.
Joe Sacco est né en 1960 et est considéré comme une référence dans la BD documentaire.
Lien : https://carpentersracontent...
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S'il fallait trouver une définition à la BD-journalisme, Confucius avec son « Une image vaut mille mots » nous a déjà mâché le travail. Palestine de Joe Sacco n'y fait pas exception.

En 1992, Joe Sacco, irrité par la vision occidentale du conflit israélo-palestinien, décide de partir en Palestine parce qu'il dit s'être senti obligé. Prenant petit à petit conscience de la souffrance des Palestiniens mais aussi d'un Israël pas si innocent qu'on voudrait le faire croire, il avait le sentiment de devoir faire quelque chose. Joe Sacco est né à Malte mais ses parents ont très vite déménagé en Australie, puis à Los Angeles. Il étudiera le journalisme à l'université mais abandonne assez vite l'idée de travailler dans la presse traditionnelle. Il raccroche donc à la BD, "la passion d'une vie", et déménage à Berlin pour y travailler. C'est là-bas que son idée de parler de la Palestine via le média de la bande dessinée va germer et que finalement, il décide que la meilleure façon d'en parler et d'aller sur place.

Dans sa méthodologie, Joe Sacco est très proche de Art Spiegelman. Tous deux font de la BD-journalisme, Spiegelman interview son père pour raconter l'oppression du peuple juif et les camps de concentration pendant la Seconde Guerre Mondiale, Joe Sacco lui parcourt les territoires occupés, rencontres des Palestiniens, vit autour d'eux, avec eux pour rendre compte d'une réalité enterrée derrière des journaux télévisés. Dans ce titre, "Palestine", l'auteur dit déjà beaucoup de choses. Ici, il s'agit bien (pratiquement) d'un seul point de vue. Comme il l'explique à la fois dans le récit mais aussi dans une série de (très bons!) documents précédant la bd, il estime que le point de vue israélien est parfaitement représenté dans les médias nord-américains.

Pourtant, l'histoire parle très peu de politique. Si les noms de partis ou personnalité sont évoqués régulièrement, jamais Joe Sacco ne donne une vraie dimension politique à sa bd. Exit propagandes (des deux côtés), discours et autres endoctrinements. Ce qui l'intéresse, ce sont les gens. Au fur et à mesure de l'histoire, on découvre le quotidien de ces oubliés. Les récits se suivent et se ressemblent souvent mais après tout, les souffrances, elles, ne s'arrêtent pas!. Les Palestiniens vivent dans la terreur et la haine, chaque famille a son lot d'injustices où tortures, justice à deux vitesses et violence démesurée se croisent régulièrement. Condamnés bien souvent à des vies misérables et pauvres, ils subissent la colonisation armée de leurs terres. Joe Sacco s'immerge totalement, il n'hésite pas à visiter les zones "sensibles", il côtoie souvent malgré lui des situations de panique en pleine rue. Pédagogique et instructif, ce livre nous en apprend plus que 10 ans de journaux télévisés. Bien sûr, ce que nous raconte l'auteur a déjà 20 ans, et pourtant, le conflit ne faiblit pas.

Première "vraie" BD de Sacco, cela se ressent particulièrement au début où le style "cartoon" est parfois trop caricatural, mais moins par la suite. L'histoire manque également de fil conducteur. Les interviews et lieux s'enchainent sans vrai raccord, mais Sacco se rattrape largement sur sa mise en scène avec des contre-plongées ou encore une déstructuration des cases (même si parfois un peu trop brouillonnes).

Joe Sacco ne se contentera pas de ce reportage. Il va aussi écrire et dessiner Gaza 1956, en marge de l'histoire, qui finira certainement rapidement dans ma bibliothèque. Mais il voyagera dans d'autres pays également. En Bosnie alors que la guerre touche presque à sa fin, dans son pays d'origine, à Malte, où les immigrants africains sont vu d'un très mauvais oeil par la population locale. Dernièrement, il a illustré Jours de destruction Jours de révolte avec les textes de Chris Hedges.
Lien : http://blog.spaceshipgraphic..
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Une BD-reportage engagée qui montre la réalité de ce territoire martyrisé.
L'auteur est parti en Palestine lassé de la propagande américaine, pour être au coeur du conflit et auprès des Palestiniens pour offrir au monde la vérité.
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Tout simplement un "must" de la BD-Reportage, sans doute ma BD préférée de Joe Sacco...
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