Comme il était difficile de satisfaire tous les désirs d’un homme !
La beauté d’une saison lui faisait oublier la précédente. Tout à son bonheur devant le printemps, elle chassait de son esprit la lourde austérité de l’hiver, et une fois l’hiver installé, rayait de sa mémoire le souvenir des fleurs printanières.
Ce matin- là, elle se réveilla plus tôt qu’elle ne l’aurait souhaité, voguant d’un sommeil délicieux vers un éveil tout aussi doux. Elle s’étira en glissant nonchalamment ses mains sous les oreillers duveteux éparpillés sur son lit sa tête, ses épaules s’enfonçaient dans ce nid douillet. Elle aimait en avoir beaucoup , c’était un de ses petits luxes personnels, d’ailleurs elle en faisait souvent la remarque : qu’est- ce qu’une maison, sinon le lieu où l’on s’autorise tous les petits luxes possibles ?
Un tel bonheur était presque une souffrance. Il n’y avait pas de mots pour le dire. Elle ne pouvait pas hurler ni chanter, il lui faudrait enfermer l’inexprimable au fond d’elle. Cependant, l’emprisonner était aussi une douleur. Exquise.
C’était beaucoup plus simple, dans la plupart des cas, de tout laisser tomber, sans perdre de temps, sans se justifier d’aucune manière, s’échapper très loin du bruit et de la fureur, là où il serait certain de ne plus jamais entendre parler de rien.
On ne connaît jamais autrui aussi bien que soi-même.
Les idées nouvelles avaient toujours un peu de mal à se faire une place dans son réseau de pensées, mais une fois adoptées, elles ne s’en évadaient pas facilement.