Vivre pour des idées
Il était à Teruel et à Guadalajara
Madrid aussi le vit
Au fond du Guadarrama
Qui a gagné, qui a perdu ?
Nul ne le sait, nul ne l'a su
Qui s'en souvient encore ?
Faudrait le demander aux mort
Leny Escusdero
Pas pleurer est un roman de coeur fort et beau, un texte à la fois sensible et violent. Il donne une nouvelle profondeur à la guerre civile Espagnole.
Quand l'histoire révèle ses bas instincts, l'oppression des plus faibles, la férocité des lâches ...
Les idées révolutionnaires arrivent et bousculent l'ordre des choses : Apprendre que l'on peut refuser, que l'on peut dire non !
Car elles percutent un monde immuablement rythmé par les saisons et les récoltes :
"Un village où les choses infiniment se répètent à l'identique, les riches dans leur faste, les pauvres dans leur faix, où la destinée de chacun est notifiée dès la naissance ! un monde "lent, lent, lent comme le pas des mules", un monde où les pères imposent leur autorité "à coup de ceinturon".
« C'est comme ça et pas autrement"
La mémoire, la transmission c'est ce qu'il reste quand les événements sont passés, quand ces évènements ont bouleversé des vies. Quand la mémoire vacille, « la mettre en sureté » et se souvenir !
Se souvenir d'une jeunesse perdue et de cet « été radieux » à 15 ans en 1936.
Elle va raconter, Montse, qui est maintenant une vieille dame, transmettre à sa fille la seule année épargnée de sa mémoire ! On est en Espagne, la guerre civile est sur le point d ‘éclater.
Lydie Salvayre narre ce que sa propre mère lui raconte
La petite histoire dans la grande.
« Je l'écoute remuer les cendres de sa jeunesse »
Celle où emportée par la ferveur libertaire, elle quitte avec son frère Josep, anarchiste, ses parents, son village. Ils vont rejoindre à Barcelone les révolutionnaires venus de l'Europe entière, basculer dans un autre temps, pour changer le monde.
le fougueux Josep au coeur pur qui s'enflamme pour des rêves utopiques : il apprend à lever le poing et chanter Hijos del Pueblo
Mais très vite il a conscience que son engagement dans les milices est vain il comprend que ces jeunes Don Quichotte de 18 ans partent au combat « chaussés de pauvres espadrilles » et ne connaissent rien de l'atroce sauvagerie de la guerre.Il sont ignorants en matière militaire. Ils partent au front pour se faire massacrer.
Il sait que « l'esprit ne vainc pas la matière »
Il se demande à présent ce qu'il fout là
Et il veut vivre !
Son rival Diego, animé d'une volonté de contrôle sur les événements prend le pouvoir du village et ironie du sort va épouser sa soeur Montse
L'autre vision, celle de
Georges Bernanos catholique fervent, pro franquiste, écoeuré par la répression sous l'oeil complaisant de l'Eglise. Il dénoncera cette barbarie, "les petits arrangements avec le ciel espagnol qui blanchit les crimes commis
contre les rouges, Comme si de rien n'était !
Toute l'Europe catholique « ferme sa gueule »
Elle raconte, Montse….
Avec l'âge, la langue maternelle reprend ses droits et le récit de Montse n'y échappe pas Lorsque les sentiments sont trop forts, alors elle parle espagnol et au lecteur de se débrouiller … mais on ne peut que lui pardonner et s'imprégner de la puissance de ces souvenirs.
Pour ne
pas pleurer lorsqu'on se fait traiter de mauvaise pauvre avec « l'air bien modeste »
alors « on ouvre sa gueule »
Car elle parle ainsi cette vieille dame de 90 ans
Elle parle cru ! Comme les enfants, elle prend plaisir à dire des grossièretés !
C'est une revanche sur une vie cadenassée dans une
famille puritaine, persuadée que toutes les épouses devaient la boucler, que tous les pères de
famille étaient autorisés à cogner femme et enfants parfaitement dressée à obéir et se soumettre
Alors elle se lâche !
Elle récupère cette liberté !
J'ai aimé recueillir le témoignage de cette époque
Dans toute sa force, entre brutalité et finesse
partagé la vie d'une femme pendant l'été 36
Son histoire familiale, sa langue !....
Un roman intime et bouleversant
Merci Judith pour ce conseil !
Rum Bala rum ba la El paso del Ebro
Et ce titre «
pas pleurer » me suggère :
Pas pleurer pour l'Haïtien, le Palestinien, l'Ukrainien
Pas pleurer pour une enfance saccagée, une femme violentée
Pas pleurer pour l'immigré, l'opprimé, le discriminé
Toujours, toujours et encore, chercher la petite lumière de l'espoir !