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3,67

sur 1569 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
“L'ete radieux de ma mere, l'annee lugubre de Bernanos dont le souvenir resta plante dans sa memoire comme un couteau a ouvrir les yeux : deux scenes d'une meme histoire, deux experiences, deux visions qui depuis quelques mois sont entrees dans mes nuits et mes jours, ou, lentement, elles infusent.”


Cette meme histoire c'est la guerre civile espagnole. J'ai lu de nombreux romans sur cette guerre, ses antecedents, ses peripeties, ses heros et ses victimes, son denouement et ses consequences. Celui-ci ne sera pas inscrit dans mes annales personnelles comme l'un des meilleurs, bien que j'aie aime de nombreux aspects, de nombreux passages.


J'ai aime que le cadre de l'intrigue, de l'action, soit un petit village, ou tout le monde se connait et ou de vieilles inimities, de vieilles rancoeurs, deviennent antagonismes politiques et nourrissent des hostilites meurtrieres a l'echelle locale.

J'ai aime l'eblouissement de jeunes gens devant des idees nouvelles, qui les font rever a des lendemains qui chantent. Comment dans les villages les plus arrieres ils ont vecu l'engouement pour une future societe, anarchiste ou communiste, en tous cas differente de celle de leurs peres.

J'ai beaucoup aime “l'ete radieux" de Montse, la mere de l'auteure (ou de la narratrice). Sa decouverte, yeux ecarquilles, d'un nouveau monde, un monde ou elle a pu sans crainte parler, rire, s'amuser, s'etonner de tout et s'etonner d'elle-meme, aimer, jouir. Un monde qui n'aura dure qu'un ete mais dont le souvenir illuminera sa vie, estompant ceux passes, effacant carrement les plus tardifs.

J'ai beaucoup aime son esquisse en quelques courtes pages de la “retirada", le douloureux exode vers la France (douce France?) de nombreux republicains espagnols. Un exode raconte a l'echelle humaine, a l'echelle de sa mere.

Et j'ai surtout aime (riant bien de fois) que l'auteure seme son texte des expressions metisses de sa mere, son francais espagnolise, bien que je sois conscient que ca peut gener ceux qui meconnaissent l'ultrapyreneen.


Mais…

Je n'ai pas aime quand l'auteur se pare des habits de l'historien, en de lapidaires comptes-rendus, ou pire, nous assene in extenso des documents qui ne font qu'alourdir le texte et ennuyer le lecteur, comme quand elle donne la liste de tous les eveques signataires de la lettre appuyant la “croisade" de Franco (deux pages!).

Et je n'ai pas aime les passages sur Bernanos. Ce qu'il a vu, ce qu'il a ressenti, ce qu'il a ecrit. Qu'on me comprenne: moi aussi, comme Salvayre, j'admire le courage intellectuel qu'a eu Georges Bernanos en ecrivant “Les grands cimetieres sous la lune". Je le venere moi aussi comme une des consciences de son temps. Mais pourquoi l'introduire de force dans un roman qui traite d'un village d'Aragon (loin, tres loin de cette Majorque dont Bernanos a temoigne) et du destin particulier d'une villageoise? Que vient-il faire dans cette galere? Pourquoi accoler la tres chretienne indignation de Bernanos face a l'ignoble attitude des hauts dignitaires de l'Eglise espagnole aux illusions et desillusions, aux affrontements de jeunes villageois aragonais? Evidemment, comme le dit l'auteure, ce sont “deux scenes d'une meme histoire", l'histoire d'une atroce guerre fratricide, mais “deux experiences" differentes, qui ne se marient pas de maniere heureuse en un meme texte. Cela donne deux recits qui ont en commun un pays et une guerre, mais, mal cousus entre eux, decousus pour le dire clairement, ils desservent ce roman.


Mais bon, il y a quand meme de beaux passages, et un langage savoureux. Ce sont mes marottes de lecteur, devenant des fois mes travers, qui m'ont empeche de l'apprecier entierement.
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Non pas pleurer en-effet mais beaucoup rager.

J'ai aimé cette étude comparative de l'année 36 vécue par deux personnes différentes et dont la résonance l'est aussi : histoire et Histoire mêlées.
J'ai aimé cette découverte de la guerre civile espagnole si peu connue, si peu étudiée encore de nos jours.
J'ai aimé les portraits dessinés par Lydie Salvayre : l'austère Doña Pura, le fougueux José et le jaloux Diego.
J'ai salué l'hommage rendu à Georges Bernanos qui a osé décrire les exactions dont il était témoin, qui a osé dénoncer ce qu'il voyait et qui n'a pas reçu le soutien qu'il attendait.
J'ai apprécié l'hommage rendu à la mère de l'auteure, elle dont la mémoire reste figée à cette année-là, cette année si précieuse au cours de laquelle elle a connu la liberté et l'amour.
J'ai aimé l'usage du "fragnol" qui rend le récit si vivant.

Mais bon sang ce que j'ai pu maugréer sur ces passages écrits en espagnol, moi qui ne possède pas un traître mot de la langue de Cervantes. Je me suis sentie frustrée, trahie même. Pourquoi me refuser l'accès à ces paroles ? Si elles ne méritaient même pas une traduction en fin de livre, alors autant ne pas les inclure. Ah, je rage de si peu d'attention...
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Juillet 1936, la guerre civile espagnole éclate. Elle va s'éterniser pendant près de trois ans pour voir la victoire des nationalistes menés par Franco qui, de général devient dictateur-président de l'Espagne durant plus de trois décennies.

La guerre n'est ni "drôle" ni "grande", elle est toujours barbarie et horreur.

Et pourtant, Montsé a 15 ans à l'été 36. Et c'est le plus beau souvenir de sa vie : elle a rencontré la liberté, l'amour et la possibilité d'une vie autre que misère et exploitation.

L'originalité de Lydie Salvayre réside dans la double vision qu'elle nous donne des événements : d'un côté, sa maman raconte son idée du bonheur et son entrée dans une famille riche, de l'autre Georges Bernanos dénonce les exactions dont il a été témoin à Palma de Majorque dans Les Grands Cimetières sous la Lune.

Une vision solaire des premiers émois amoureux , une vision apocalyptique de la violence des hommes.

Ces luttes tragiques des républicains contre les nationalistes ont été remarquablement brossées par Ernest Hemingway dans Pour qui sonne le Glas et par André Malraux dans son magistral Espoir.

La version de Lydie Salvayre est plus familiale et personnelle même si elle relate fort bien l'ambiguïté et les questions que se posent les protagonistes. Pour ma part, je n'ai pas apprécié l'écriture dont les phrases sont souvent longues et embrouillées, surtout quand il y a des parenthèses et je reconnais avoir sauté quelques longueurs.



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Avec Pas pleurer, Lydie Salvayre livre deux regards, ceux de l'ignorante et du lettré et donne deux visions d'une même guerre.

En 1936, une jeune fille espagnole un peu naïve, désireuse de s'émanciper, ne voit pas une guerre fratricide et barbare. Alors qu'au même moment, Bernanos, sans abandonner ses convictions religieuses, dénonce les atrocités perpétrées par les nationalistes avec la bénédiction de l'Eglise.

Lydie Salvayre, comme pour marquer le contraste de ces deux perceptions, alterne le baragouinage de sa mère avec une écriture parfaite. Mais la guerre d'Espagne racontée par une vieille femme amnésique, maîtrisant mal le français, a de quoi surprendre et, parfois même, agacer. Par le manque de rythme que cela induit, la lecture est souvent fastidieuse.

Reste la vision de l'auteur d'une guerre qu'elle n'a pas connue, mais dont elle maîtrise la complexité sans prendre parti et un bel hommage rendu à sa mère. Un avis mitigé donc.
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Je suis déçue. Je me suis trompée. Je cherchais un livre qui m'aurait éclairée sur la guerre civile espagnole, sur les tenants et les aboutissants de cette guerre fratricide qui a mené ce peuple à vivre l'horreur. Je vais tenter d'être objective malgré mon désappointement.
C'est plutôt un témoignage personnelle sur fond de guerre civile espagnole.
Le récit de Montse, la maman de l'auteure, relate plutôt son existence de jeune fille qui va découvrir, dans cette révolution, la liberté et va s'émanciper du carcan familiale et sociétale. Dans cette période bouillonnante qu'elle vit comme une aventure, elle rencontrera le grand amour d'une nuit. Delà, le lecteur suivra son histoire jusqu'à l'exode qui la mènera en France.
Son témoignage est touchant, il est retranscrit en "fragnol" ce qui ne m'a pas gênée, bien au contraire, il lui donne encore plus de consistance, de réalité. Mon reproche (encore me direz-vous!) : l'auteure met trop de distance dans son écriture : ce qui a pour conséquence de mettre une barrière entre les protagonistes et le lecteur.
J'ai, dernièrement, lu des témoignages sous forme de roman comme celui de Jiri Weil ou de Steve Sem-Sandberg, leurs récits sont extrêmement vivants et poignants, détaillés et foisonnants d'indices sur la période concernée. Leur style a le don de projeter le lecteur dans leur roman.
En un mot, je suis restée sans surprise, sans émotion et je n'ai rien appris sur la guerre civile espagnole que je ne savais déjà : les communistes, les libertaires, les nationalistes, l'Eglise!
Nonobstant mon dépit, j'ai trouvé le style de Lydie Salvayre embrouillé, confus. Elle relate les dialogues sans retour à la ligne, tout est mélangé. Dans la même phrase, elle écrit plusieurs fois "ma mère" : il faut relire la phrase pour comprendre qu'une première fois c'est Montse qui parle de sa mère et une autre fois, c'est l'auteure qui parle de la sienne. Elle écrit comme elle parle, "fermer sa gueule" par exemple. Je suis trop attachée à la langue française et la lire maltraitée comme le fait Lydie Salvayre, j'ai eu du mal! Bref, vous l'aurez compris, ce n'est pas Camus!
Autre motif de ma déception, il y a énormément de phrases en espagnol sans traduction, quid des personnes n'ayant pas appris cette langue!
En un mot, Galligraseuil a encore frappé!

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Déroutant, c'est ce qui me vient d'abord à l'esprit car mon avis est mitigé ...

J'ai aimé la façon dont Lydie Salvayre fait raconter à sa mère, au moment où des pans entiers de sa mémoire disparaissent, l'épisode marquant de sa vie : cet été 1936 en Espagne, lorsque jeune fille campagnarde, ignorante de tout, Montsé part avec son frère à Barcelone où elle découvre, comme une illumination soudaine, la vraie vie, l'amour et la liberté; bonheur bien bref car la guerre civile a débuté et ,passé l'enthousiasme de cette nouvelle existence, les événements déchirants vont rapidement ramener la jeune fille à la brutale réalité puis à son village natal.

J'ai moins apprécié le style: si le mélange des langues française et espagnole qu'elle appelle le fragnol est coloré et vivant , les phrases souvent interrompues , le débit verbal et les phrases en espagnol m'ont beaucoup plus gêné .

Le parallèle avec les écrits de Bernanos m'a paru intéressant en soi car ce grand écrivain catholique qui avait tout pour adhérer au mouvement nationaliste a su avoir un regard très critique vis à vis des atrocités qu'il a vues et remettre en cause ses idéaux. le livre qu'il a consacré à cette période: Les grands cimetières sous la lune vient d'être judicieusement réédité et mérite sans doute, une lecture à part entière ...

Cette double vision permet de mieux appréhender cette lutte fratricide où chaque famille s'est déchirée , où l'église , omniprésente en Espagne à cette époque, a eu un rôle peu glorieux et où une partie de la population a quitté son pays natal dans des conditions difficiles .

Ernest Hemingway avec Pour qui sonne le glas et André Malraux avec L'Espoir nous avaient déjà fait connaitre les tragiques événements de la guerre d'Espagne, voilà un témoignage émouvant et une bel hommage d'une fille à sa mère exilée.
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Pas pleurer, dernier prix Goncourt, est un roman qui fera parler. Autant par son histoire que pas son style et surtout à mon avis son aspect clivant.
Pourquoi dis je cela? Car selon moi, c'est le genre de livre qu'on aime ou qu'on déteste. Et moi dans tout cela me direz-vous? Pour une fois je vais être normand: ni l'un ni l'autre!
Je n'ai pas aimé le style: longues phrases, absence de ponctuation, fragnol (français espagnolisant), expressions espagnoles non traduites... tout cela fait que ce roman est difficile à lire, compliqué de s'approprier l'histoire et de rentrer à l'intérieur de cette dernière. Je ne doute pas que pour d'autres, cela sera le point fort du roman. de même, je n'ai pas adhéré au parallèle avec Georges Bernanos. Clairement je ne vois pas l'intérêt de ces passages dans le récit de Montsé raconté par sa fille.
Par contre, je reconnais que l'histoire aussi difficile et dure soit elle est merveilleusement narrée. le récit est très émouvant et très dynamique. Autant je regrette l'absence de traduction de certains passages, autant j'applaudis des deux mains leur insertion pour dynamiser le récit.
Il n'est jamais facile d'évoquer la guerre et ses horreurs. Encore moins quand c'est une guerre civile où forcément on retrouve des oppositions fortes entres familles, amis... Et pourtant, les joies, les rêves, les mirages de la révolution et les déceptions associés... le soutien massif et inacceptable de l'église espagnole... les assassinats sauvages, l'exode final.. sont superbement décrit. C'est le gros point fort de ce roman.
En conclusion, je n'ai pas été emballé par le style qui fait que le roman est difficile et assez long à lire. En refermant la dernière page, j'étais loin d'être emballé.
Avec une nuit de recul, la sensation est un peu différente mais je reste néanmoins un peu déçu par ce Goncourt 2014. D'où la critique mi figue mi raison. Et ma note 3/5.
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Il y a des années que je n'avais pas pris la peine de lire un roman ayant reçu le Prix Goncourt pour la simple et bonne raison que je me fiche royalement des prix littéraires. Mais le soir de la récompense, j'ai vu une interview de Lydie Salvayre au JT qui m'a touchée. J'ai vu une femme émue non pas tant à cause du prix que par le souvenir de sa mère.

Je me suis donc procurée rapidement le livre et j'ai été très surprise par le style de l'auteur : rythmé, incisif, mélangeant le français et l'espagnol et non dénué d'humour. Mais assez vite le style m'a lassée parce qu'il prenait le pas sur l'histoire elle-même comme si Lydie Salvayre se regardait écrire.
J'ai donc mis le livre de côté pendant un certain temps pour, en fin de compte, lui redonner une chance ces derniers jours.

J'avoue sans honte avoir lu en diagonal certains passages : ceux consacrés à Bernanos ne m'ont pas passionnés même s'ils permettent de mettre en parallèle deux visions différentes d'un même événement. J'étais bien plus intéressée par le récit de Montse, la mère de Lydie Salvayre, jeune fille naïve emportée par le tourbillon des événements. D'ailleurs le livre prend sa véritable ampleur et devient émouvant lorsque l'auteur entre dans l'intimité de sa mère et nous parle de sa rencontre avec un jeune Français, de sa grossesse non désirée, de son mariage arrangée, de la mort qui s'est abattue sur sa famille et de son exil en France.
J'ai regretté que l'ensemble du roman ne soit pas de cette teneur.

Il n'en demeure pas moins que Pas pleurer est un livre qui m'a appris beaucoup de choses sur la guerre d'Espagne et sur les atrocités que les hommes sont capables de commettre au nom d'une «juste cause».

«[... ] Schopenhauer déclara en son temps que la vérole et le nationalisme étaient les deux maux de son siècle, et que si l'on avait depuis longtemps guéri du premier, le deuxième restait incurable.»
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La guère d'Espagne à travers plusieurs voix. Celle de Montse, la mère de l'auteure, celle de Lydie Salvayre qui précise, corrige ou apporte ses propres réflexions et celle de Bernanos qui, je l'avoue, m'a plus touchée et qui me donne une envie furieuse de le découvrir.

Quand l'Histoire se mêle à l'histoire de cette famille, aux rivalités, aux lâchetés de la religion, aux idées et idéaux déçus, aux bruits des bottes et des assassinats et tortures.

J'ai découvert Lydie Salvayre avec son récent essai sur le monde littéraire et qui m'a poussé à en savoir un peu plus sur elle, la manière dont elle retrace l'histoire de sa mère, de sa famille au coeur d'une des guerres internes les plus monstrueuses annonciatrice d'une autre guerre encore plus monstrueuse.

L'histoire d'une jeune femme, d'un pays, d'idéaux dont l'auteure s'attache à retranscrire avec le parler écorché de sa mère et dont j'aurai aimé avoir la traduction lorsqu'elle s'exprime dans sa langue natale.

Touchée mais pas transportée.
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J'ai peur de dire des banalités sur ce livre couronné par la plus prestigieuse distinction littéraire française, car il me semble que tout ce que je vais écrire a déjà été entendu ou lu dans la presse et la blogosphère. Une femme élue, c'est assez rare pour le souligner : Lydie Salvayre est, selon mes comptes, la onzième après Elsa Triolet, Béatrix Beck, Simone de Beauvoir, Anna Langfus, Edmonde Charles-Roux, Antonine Maillet, Marguerite Duras, Pascale Roze, Paule Constant, Marie NDiaye. Un prix que l'ensemble de l'oeuvre semble justifier, alors que Pas pleurer n'est pas sa meilleure réussite, mais je n'en jugerai pas pour n'avoir lu que lui.

C'est un bon livre, avec des thèmes de choix. Histoire de la mère affectionnée Montse (pour Montsita) sur fond de la guerre civile espagnole, ennoblie des tourments de Bernanos à Palma de Majorque, qu'épouvantent les exactions des nationalistes bénies des évêques : "L'été radieux de ma mère, l'année lugubre de Bernanos dont le souvenir resta planté dans sa mémoire comme un couteau à ouvrir les yeux : deux scènes d'une même histoire, deux expériences, deux visions qui depuis quelques mois sont entrées dans mes nuits et mes jours, où, lentement, elles infusent." L'été radieux de Montse, c'est une brève liaison avec un Français qui lui offrira le souvenir impérissable de toute une vie. La villageoise, éblouie par la ville et l'amour, éprouva une joie qui la soulevait de terre como si tuviera pájaros en el pecho, comme si elle avait des oiseaux dans la poitrine. Elle en revint seule et enceinte de la demi-soeur de Lydie.

Salvayre allègue Bernanos, alors occupé à élaborer "Les grands cimetières sous la lune", pour, sans mâcher les mots, dénoncer l'église espagnole qui tapinait avec les militaires, tandis que toute l'Europe catholique ferme sa gueule. Elle adopte aussi une forme d'engagement en écrivant, à l'évocation du goût des hommes d'argent pour la corruption : "...mon intérêt passionné pour les récits de ma mère et celui de Bernanos tient pour l'essentiel aux échos qu'ils éveillent dans ma vie d'aujourd'hui."

Contrairement à ce que certaines critiques reprochent, je n'ai pas trouvé que l'auteure propose une vision simplifiée de cette guerre compliquée, bien qu'elle condamne avant tout le clan franquiste. À juste titre, semble-t-il, puisque les historiens ne renvoient pas dos à dos les deux camps et des charniers de la Terreur blanche sont encore découverts de nos jours en terre d'Espagne.

La langue espagnole est au coeur du roman, parce que cette fille de républicains tient à sa langue maternelle, avec son baroque, sa «charge», son «mauvais goût» – celui qui s'assume – qu'elle estime trop négligés par la littérature française, son beau parler et son classicisme. Elle explique très bien cela dans une interview lors de l'excellente émission "Des mots de minuit". Ceci dit, les nombreuses phrases en version originale malheureusement non traduites (l'épigraphe non plus, merci l'éditeur) irriteront sans doute le lecteur non bilingue, – Bernard Pivot a lui-même souligné ce point – tandis que le fragnol, mélange des deux langues du parler de Montse, est compréhensible, délicieux et comique.

Autant la première partie du livre est très «espagnole», bousculée, vivante, presque désordonnée, autant l'auteur «s'assagit» ensuite pour se livrer à une narration des plus classiques, menant soigneusement le récit à son terme. D'où une impression générale d'asymétrie qui m'a un peu surpris.
J'aurais sans doute préféré être surpris par le scénario lui-même, l'histoire de maman Montse loin d'être banale ne m'a pas transporté, mais le roman est original, audacieux et, tour de force de l'écrivaine, c'est un livre joyeux, jubilatoire, malgré la gravité des sujets.

Curieusement, "La compagnie des spectres" avait reçu en 1997 l'anti-Goncourt, le prix Novembre (alias prix Décembre).

Lien : http://christianwery.blogspo..
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