« Il est d’étranges soirs où les fleurs ont une âme » (Albert Samain).
Les sirènes
Les Sirènes chantaient… Là-bas, vers les îlots,
Une harpe d’amour soupirait, infinie ;
Les flots voluptueux ruisselaient d’harmonie
Et des larmes montaient aux yeux des matelots.
Les Sirènes chantaient… Là-bas, vers les rochers,
Une haleine de fleurs alanguissait les voiles ;
Et le ciel reflété dans les flots pleins d’étoiles
Versait tout son azur en l’âme des nochers,
Les Sirènes chantaient… Plus tendres à présent,
Leurs voix d’amour pleuraient des larmes dans la brise,
Et c’était une extase où le coeur plein se brise,
Comme un fruit mûr qui s’ouvre au soir d’un jour pesant !
Vers les lointains, fleuris de jardins vaporeux,
Le vaisseau s’en allait, enveloppé de rêves ;
Et là-bas – visions – sur l’or pâle des grèves
Ondulaient vaguement des torses amoureux.
Diaphanes blancheurs dans la nuit émergeant,
Les Sirènes venaient, lentes, tordant leurs queues
Souples, et sous la lune, au long des vagues bleues,
Roulaient et déroulaient leurs volutes d’argent.
Les nacres de leurs chairs sous un liquide émail
Chatoyaient, ruisselant de perles cristallines,
Et leurs seins nus, cambrant leurs rondeurs opalines,
Tendaient lascivement des pointes de corail.
Leurs bras nus suppliants s’ouvraient, immaculés ;
Leurs cheveux blonds flottaient, emmêlés d’algues vertes,
Et, le col renversé, les narines ouvertes,
Elles offraient le ciel dans leurs yeux étoilés !…
Des lyres se mouraient dans l’air harmonieux ;
Suprême, une langueur s’exhalait des calices,
Et les marins pâmés sentaient, lentes délices,
Des velours de baisers se poser sur leurs yeux…
Jusqu’au bout, aux mortels condamnés par le sort,
Choeur fatal et divin, elles faisaient cortège ;
Et, doucement captif entre leurs bras de neige,
Le vaisseau descendait, radieux, dans la mort !
La nuit tiède embaumait…Là-bas, vers les îlots,
Une harpe d’amour soupirait, infinie ;
Et la mer, déroulant ses vagues d’harmonie,
Étendait son linceul bleu sur les matelots.
Les Sirènes chantaient… Mais le temps est passé
Des beaux trépas cueillis en les Syrtes sereines,
Où l’on pouvait mourir aux lèvres des Sirènes,
Et pour jamais dormir sur son rêve enlacé.
Toute rose au jardin s’incline, lente et lasse,
Et l’âme de Schumann errante par l’espace
Semble dire une peine impossible à guérir…
Quelque part une enfant très douce doit mourir…
O mon âme, mets un signet au livre d’heures,
L’Ange va recueillir le rêve que tu pleures.
L’Heure passe comme une femme sous un voile ;
Et, dans l’ombre, mon cœur s’ouvre pour recueillir
Ce qui descend de rêve à la première étoile.
La Chimère (Evocations)
La chimère a passé dans la ville où tout dort,
Et l’homme en tressaillant a bondi de sa couche
Pour suivre le beau monstre à la démarche louche
Qui porte un ciel menteur dans ses larges yeux d’or.
Vieille mère, enfants, femme, il marche sur leurs corps…
Il va toujours, l’oeil fixe, insensible et farouche…
Le soir tombe… il arrive; et dès le seuil qu’il touche,
Ses pieds ont trébuché sur des têtes de morts.
Alors soudain la bête a bondi sur sa proie
Et debout, et terrible, et rugissant de joie,
De ses grilles de fer elle fouille, elle mord.
Mais l’homme dont le sang coule à flots sur la terre,
Fixant toujours les yeux divins de la Chimère
Meurt, la poitrine ouverte et souriant encore.
Emeraude (Evocations)
Vision de forêts dans l’eau glauque – Émeraude.
Étangs luisant dans les jardins comme des yeux,
Beaux yeux cruels pareils aux bois mystérieux
Où la panthère d’or, Amour, ondule et rôde.
Printemps de la couleur. Rêve sentimental
De feuillée en fraîcheur mirée à la rivière
Et d’âme rebaignée en la candeur première
De la verdure peinte en un vierge cristal.
Et mauvais rêve aussi de la femme mauvaise
Dont le lourd regard vert, brûlant comme la braise,
Au coeur ensorcelé distille le poison.
Mers vertes – vision de naufrages tragiques…
Émeraudes. Grands yeux fascinants et magiques
Du vieux sphynx allongé – fatal – à l’horizon.
CHAPITRES :
0:00 - Titre
M :
0:06 - MÉCHANCETÉ - Henry Becque
0:16 - MÉDECINE - Jean de Villemessant
0:28 - MÉDISANCE - Gabriel Hanotaux
0:39 - MÉNAGE - Claude Roy
0:51 - MODESTIE - Laurent de la Beaumelle
1:01 - MONDE - Comte de Oxenstiern
1:11 - MOQUERIE - Léon Brunschvicg
1:21 - MORT - Alphonse Rabbe
1:31 - MOT - Michel Balfour
N :
1:42 - NAISSANCE ET MORT - Alexandre Dumas
1:55 - NÉANT - Villiers de L'Isle-Adam
O :
2:07 - OISIVETÉ - Noctuel
2:21 - OPINION DES FEMMES - Suzanne Necker
2:41 - OPTIMISME - André Siegfried
P :
2:52 - PARAÎTRE - André Gide
3:02 - PARLER - Maurice Donnay
3:14 - PARLER SANS BUT - Oscar Comettant
3:26 - PAROLE - Pierre Dac
3:38 - PASSION - Comte de Saint-Simon
3:49 - PÈRE - Francis de Croisset
4:00 - PERFECTION DE LA FEMME - Alfred Daniel-Brunet
4:12 - PESSIMISME - Ernest Legouvé
4:24 - PEUPLE - Gustave le Bon
4:35 - PHILOSOPHIE - Georges Delaforest
4:49 - PLEURER - Malcolm de Chazal
4:57 - POSE - Jean Commerson
R :
5:16 - RAISON - Albert Samain
5:28 - RÉCEPTION - Fernand Vandérem
5:45 - RÉFLÉCHIR - Julien Benda
5:56 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE :
Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION :
Henry Becque : https://libretheatre.fr/wp-content/uploads/2017/02/Becque_Atelier_Nadar_btv1b53123929d.jpg
Jean de Villemessant : https://www.abebooks.fr/photographies/Disdéri-Hippolyte-Villemessant-journaliste-patron-Figaro/30636144148/bd#&gid=1&pid=1
Gabriel Hanotaux : https://books.openedition.org/cths/1178
Claude Roy : https://www.gettyimages.ca/detail/news-photo/french-journalist-and-writer-claude-roy-in-1949-news-photo/121508521?language=fr
Laurent Angliviel de la Beaumelle : https://snl.no/Laurent_Angliviel_de_La_Beaumelle
Léon Brunschvicg : https://www.imec-archives.com/archives/collection/AU/FR_145875401_P117BRN
Alexandre Dumas : https://de.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Dumas_der_Ältere#/media/Datei:Nadar_-_Alexander_Dumas_père_(1802-1870)_-_Google_Art_Project_2.jpg
Villiers de L'Isle-Adam : https://lesmemorables.fr/wp-content/uploads/2020/01/2-Villiers-jeune.jpg
Noctuel : https://prixnathankatz.com/2018/12/08/2008-benjamin-subac-dit-noctuel/
Suzanne Necker : https://www.artcurial.com/en/lot-etienne-aubry-versailles-1745-1781-portrait-de-suzanne-necker-nee-curchod-1737-1794-huile-sur#popin-active
André Siegfried : https://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/02/09/31001-20160209ARTFIG00272-andre-siegfried-figure-tutelaire-de-la-geographie-electorale-contemporaine.php
André Gide : https://www.ledevoir.com/lire/361780/gide-et-le-moi-ferment-du-monde
Maurice Donnay : https://www.agefotostock.com/age/en/details-photo/portrait-of-charles-maurice-donnay-1859-1945-french-playwright-drawing-by-louis-remy-sabattier-from-l-illustration-no-3382-december-21-1907/DAE-BA056553
Oscar Comettant : https://fr.wikipedia.org/wiki/Oscar_Comettant#/media/Fichier:Oscar_Comettant-1900.jpg
Pierre Dac : https://www.humanite.fr/politique/pierre-dac/presidentielle-1965-pierre-dac-une-candidature-moelle-732525
Saint-Simon : https://www.britannica.com/biography/Henri-de-Saint-Simon
Francis Wiener de
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