Citations sur Lélia (62)
Mais hélas! déjà vous me pétrifiez avec ce sourire amer et froid qui condamne ou raille toutes mes paroles, qui réprime toutes mes sensations, qui repousse tous mes désirs. Pourquoi tout à l'heure étiez-vous penchée sur moi avec un regard brûlant, avec des lèvres entrouverts, avec une indolence excitante et cruelle? Est-ce donc que vous me méprisez au point de jouer avec moi comme avec un enfant? Vous permettez vous cet abandon parce que vous oubliez que je suis un homme? Etes-vous si peu femme que vous ne compreniez pas le désordre et la souffrance que vous pouvez causer?
Si je doutais de la bonté divine au point d'espérer autre chose que le néant, pour lequel je suis fait, je lui demanderais d'être l'herbe des champs, que le pied foule et qui ne rougit pas, le marbre, que le ciseau façonne et qui ne saigne pas, l'arbre, que le vent fatigue et qui ne le sent pas.
Sténio
Plus je vous vois, et moins je vous devine.
Vous me ballottez sur une mer d’inquiétudes et de doutes.
Vous semblez vous faire un jeu de mes angoisses. Vous m’élevez au ciel, et vous me foulez aux pieds. Vous m’emportez avec vous dans les nuées radieuses, et puis vous me précipitez dans le noir chaos!
Ma faible raison succombe à de telles épreuves.
Laissez l'enfant croître et vivre, n'étouffez pas la fleur dans son germe. Ne jetez pas votre haleine glacée sur ses belles journées de soleil et de printemps. N’espérez pas donner la vie, Lélia: la vie n'est plus en vous, il ne vous en reste que le regret; bientôt, comme à moi, il ne vous en restera plus que le souvenir.
Aimer, c’est vivre à deux.
L’homme fort ne craint ni Dieu, ni les hommes, ni lui-même. Il accepte toutes les conséquences de ses penchants, bons ou mauvais. Le mépris du vulgaire, la méfiance des sots, le blâme des rigoristes, la fatigue, la misère n’ont pas plus d’empire sur son âme que la fièvre et les dettes. Le vin l’exalte et ne l’enivre pas, les femmes l’amusent et ne le gouvernent pas, la gloire le chatouille au talon quelquefois, mais il la traite comme les autres prostituées et la met à la porte après l’avoir étreinte et possédée, car il méprise tout ce que les autres craignent ou vénèrent (...)
O femme ! tu n’es que mensonge ! homme ! tu n’es que vanité ! A de si insolentes prétentions Dieu devait bien le châtiment de ces déceptions misérables ! Lélia, c’est ton sourire qui m’a égaré ! Don Juan, c’est ton exemple qui m’a perdu !...
Si tu as nourri un seul instant cette absurde espérance, tu n’étais qu’un fou, ô don Juan ! Si tu as cru un seul instant que la femme peut donner à l’homme qu’elle aime autre chose que sa beauté, son amour et sa confiance, tu n’étais qu’un sot : si tu as cru que ses caresses éteindraient impunément l’ardeur de tes sens, que sa patience ne s’endormirait jamais et attendrait, sans se lasser, le réveil de tes désirs grossiers, qu’elle te prêterait son épaule pour t’assoupir, son cœur pour reposer ta tête et qu’elle ne s’indignerait pas lorsque ta main la repousserait comme un vêtement inutile, tu n’étais qu’un esprit aveugle et ignorant.
Console-toi, Sténio, ton épreuve est finie et la mienne continue. Tu n’entends plus la foule imbécile bourdonner à tes oreilles ; tu n’as plus devant toi le spectacle importun des joies qui se mentent à elles-mêmes et qui s’étourdissent du bruit de leurs mensonges.
Adieu, Sténio, adieu, adieu, toi seul que j’ai aimé d’un amour noble et fort. Plains-moi, je vais vivre.