Ce roman, à travers une enquête menée par un vieux policier proche de la retraite sur un double assassinat, nous dresse le portrait d'Alger pendant la "sale guerre" des années 1990 à 1998. Deux décennies de gestion socialiste ont appauvri le pays et démantelé les infrastructures industrielles. L'économie est exsangue : industrie sinistrée, agriculture mal gérée, la pauvreté règne en maître ainsi que la corruption et l'analphabétisme. Les hommes sont sans scrupules, brutaux et empreint d'une religiosité de surface sans relation avec une quelconque moralité ; les femmes sont asservies et maltraitées, presque animales. Les enfants errent, miséreux. L'agglomération d'Alger et ses quartiers périphériques ne sont plus qu'un terrain vague encombré de détritus et de squelettes d'usines abandonnées.
L'armée, dès le début de 1992 a mis fin au processus démocratique qui allait porter le Front Islamique du Salut au pouvoir. Ce dernier est interdit et contraint de rentrer dans une clandestinité violente qui se transforme rapidement en guerre civile. Les attentats ciblent d'abord les policiers et fonctionnaires, représentants du régime usurpateur, puis peu à peu ensanglantent toute la population civile qui subit d'effroyables pertes et une pauvreté galopante.
Le commissaire est terrassé par le chagrin de voir son pays mis en coupe réglée par des militaires et des religieux sans scrupules et adeptes des pratiques mafieuses les plus sordides. Il subit la pression de ses supérieurs désireux de clore l'enquête au plus vite : le FIS, ou n'importe laquelle des autres organisations terroristes qui pullulent sur le territoire, est un coupable tout désigné ; et comme ce coupable-là ne craint pas la mort, il est difficile à appréhender : inutile donc de s'attarder dans des recherches qui pourraient s'avérer dangereuses.
Malgré les mises en garde de sa hiérarchie, notre enquêteur s'entête à poursuivre des investigations qui le mènent à un cimetière chrétien, où il note de bien étranges allées et venues. Que va-t-il découvrir ?
Ce roman est servi par une écriture riche, trépidante dont le style s'apparente au réalisme hystérique. Il n'est pas toujours de lecture aisée. Ce qui le caractérise c'est l'apparente jubilation avec laquelle
Boualem Sansal dépeint cette traversée des horreurs, qu'il a connue et qu'il a choisi de rendre truculente pour la tenir à distance, tant on devine qu'il partage le désenchantement du policier enquêteur.