J'exulte ; non ! Je suis voluptueusement mélancolique.
La présence charnelle est toujours excédentaire.
p 77
[…] Mes infortunes ne seraient jamais que des épreuves, que des moyens de faire un livre.
J’ai passé beaucoup de temps à fignoler cet épisode et cent autres que j’épargne au lecteur.
On écrit pour ses voisins ou pour Dieu. Je pris le parti d'écrire pour Dieu en vue de sauver mes voisins.
Si je range l'impossible Salut au magasin des accessoires, que reste-t-il? Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n'importe qui.
«Quand beaucoup d’hommes sont ensemble, il faut les séparer par des rites, ou bien ils se massacrent.»
Jusqu'à 10 ans, je restai seul entre un vieillard et deux femmes.
Ma famille m'avait entretenu quelques temps dans cette illusion; on m'avait répété que j'étais un don du ciel, très attendu, indispensable à mon grand'père, à ma mère.
Ils me font bien rire, aujourd’hui, ceux qui déplorent l’influence de Fantômas ou d’André Gide : croit-on que les enfants ne choisissent pas leurs poisons eux-mêmes ?
"Terroriste, je ne visais que leur être : je le constituerais par le langage ; rhétoricien, je n'aimais que les mots : je dresserais des cathédrales de parole sous l’œil bleu du mot ciel. Je bâtirais pour des millénaires. Quand je prenais un livre, j'avais beau l'ouvrir et le fermer vingt fois, je voyais bien qu'il ne s'altérait pas. Glissant sur cette substance incorruptible ; le texte, mon regard n'était qu'un minuscule accident de surface, il ne dérangerait rien, n'usait pas. Moi, par contre, passif, éphémère, j'étais un moustique ébloui, traversé par les feux d'un phare ; je quittais le bureau, j'éteignais : invisible dans les ténèbres, le livre étincelait toujours, pour lui seul. Je donnerais à mes ouvrages la violence de ces jets de lumière corrosifs, et, plus tard, dans les bibliothèques en ruine , ils survivraient à l'homme."