La lecture d'un des livres de
Chahdortt Djavann m'a permis de découvrir Marjane Satrapis auteure de
Persepolis...Je ne connaissais que Marjane Satrapis cinéaste primée au Festival de Cannes et "césarisée" Je ne savais pas que le film était né de quatre albums de BD, regroupées dans le livre que j'ai lu.
D'ailleurs est-ce une BD ou un roman graphique? En tout cas c'est un livre qu'on dévore, surtout quand on se passionne pour l'histoire contemporaine.
Marjane Satrapis a suivi les cours de l'Université des Arts Graphiques, mais les dessins de
Persepolis apparaissent à première vue d'une grande banalité, indigne de sa formation, d'une grande uniformité. Toutes les filles, ou presque, se ressemblent, tous les hommes, ou presque, se ressemblent, tous les barbus islamistes ont la même tête de barbu islamiste...peu ou pas d'émotion, pas d'expression sur les visages, peu de sourires...une grande tristesse, une grande uniformité, une pour décrire ce monde noir, très noir dans lequel aucune tête ne dépasse, cette austérité, ce monde triste qu'est devenu l'Iran des Ayatollah. le noir des foulards, le noir des barbes, celui des tenues de ces ayatollahs, des robes des femmes.
Une grande monotonie en noir et blanc pour accompagner ce texte, ces quinze ans de révolution, de répressions rythmées par des exécutions, d'emprisonnements, de guerres contre l'Irak, de martyrs. Quinze ans avec les gardiens de la révolution, les gardiens des moeurs, les gardiens de la supériorité masculine, les gardiens du rejet des femmes, les gardiens du foulard.
Même les pages du livre ne sont pas numérotées...aucune ne sort la tête, aucune n'est mise en avant ....toutes sur le même plan
Un texte pas du tout larmoyant, loin de là, mais une dérision permanente, un humour féroce pour rire jaune parfois, pour dénoncer le ridicule, les relations hommes-femmes, la politique internationale, la propagande, les slogans islamiques, les martyrs des guerres, le rationnement, les jeunes qui tentent de s'affranchir des règles islamiques pour faire la fête, se maquiller, s'habiller comme les jeunes occidentaux...souvent au péril de leur vie. Les petites phrases, bulles de cette BD-roman sont très souvent de petites pépites percutantes.
Le livre prend toute sa force dans la complémentarité entre le dessin et le texte qui l'accompagne.
Sa famille fait partie des familles aisées de l'Iran, son grand-père a été premier ministre du Shah, son père roulait en Cadillac, et malgré leur position, ils ont été peu inquiétés par la Révolution. Marjane Satrapis a pu quitter l'Iran pendant plusieurs années pour suivre des études dans un lycée français en Autriche
Un témoignage fort, chronologique, précis, quinze ans d'autobiographie de Marjane Satrapis vivant cette révolution iranienne, depuis la destitution du Shah d'Iran jusqu'à son exil en France. Quinze ans de la vie de l'Iran, de l'Irak.
Un dérèglement de cette partie du monde qui fait toujours l'actualité, la noirceur des uniformes des martyrs et des tchadors a changé de territoire; le texte conserve toute son actualité et sa pertinence dans ces nouvelles frontières, dans ce Moyen-Orient.
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