En revanche, l’appropriation, proche de la possession, qu’elle vouait à Marcel était-elle si encombrante et si lourde à porter que, malgré l’amour qu’elle lui prodiguait, et l’envie de lui donner un équilibre durable, elle lui avait transmis les feux tournants de la jalousie ? Sinon, d’où lui venait cette hantise d’être happé, puis trahi ?
Dans sa prime adolescence, il ébauche quelques textes avec le désir d’être un jour romancier – ce dont il doutera longtemps – et se rabat sur de brefs récits et des lettres tendres destinées à Jacques Bizet : Je trouve toujours triste de ne pas cueillir [la] fleur délicieuse, que bientôt nous ne pourrons plus cueillir.
Il n’y a pas de hasard. Il s’appelait Marcel Proust, il a supporté ce nom trop bref, souvent raillé, pendant un demi-siècle et l’a inscrit dans l’univers. Parallèlement, il l’a introduit dans un monde intellectuel représentant la seule réalité, celle de la Littérature. À travers son œuvre, il nous a montré « ce qui lui est arrivé ». Ses romans sont ouverts, on peut y entrer, on « participe ». On pourra même y circuler.
Il est unique. « Supposons qu’un homme n’ait lu qu’une seule œuvre, celle de Proust, on pourrait imaginer qu’il pourrait lui-même en passer à l’écriture à partir de cette œuvre. Il serait pour ainsi dire contaminé, illuminé mais par lui-même, par sa propre existence et par la puissance, la lucidité de son esprit tout à coup. »
J’aurais aussi bien écrit : « supposons qu’une femme ». Peut-être est-ce d’une telle évidence que je ne l’ai pas précisé. « Écrire c’est tout de suite. Donc, l’écriture doit se ressentir de cette impatience […]. Cette idée de la négligence de l’écrit ne me déplaît pas. »
Proust a tout vu, tout décrit du corps des femmes, particulièrement leur buste ; mais ce terme évoquant davantage un romantisme désuet qu’une image charnelle, il préférait appeler « seins » ces attributs fascinants, tout simplement.
Ne les a-t-il pas connus dans la petite enfance, non par sa mère, jeune bourgeoise fortunée qui, en dépit de l’hommage au lait maternel, n’aurait sans doute pas dérogé aux habitudes en donnant la tétée à son bébé, mais par une jeune femme de chambre qui aurait pu lui donner le biberon ?
Pour sa première "Carte blanche" Jocelyne SAUVARD, auteur en résidence à La Ferté-sous-Jouarre à présenté un hommage à Léo Ferré à la médiathèque Samuel-Becket.
Luc VIDAL, poète, éditeur parle de Léo Ferré.