Tessouat croyait-il réellement réussir là où son prédécesseur avait échoué, c'est-à-dire à rétablir la relation directe avec les Français amorcée à Tadoussac en 1603, et qui échappait de plus en plus aux Algonquins depuis une trentaine d'années ? C'est un peu ce qui ressort des propos qu'il tint alors aux jésuites. Comme il avait dû s'installer avec ses compagnons à quelque distance de la « réduction », il prit la peine de rendre visite aux missionnaires pour leur faire part de sa déception et leur laisser entendre qu'ils avaient tout intérêt à établir de bonnes relations avec lui. Sans doute qu'il en mettait un peu trop, mais les jésuites eux-mêmes en feraient à sa mort un éloge qui ne s'éloignerait pas tellement de ses propos. Cependant, ils préféreraient alors mettre ceux-ci sur le compte de l'« orgueil »et de la « superbe », et en profiteraient pour se déchaîner sans aucune retenue contre le nouveau chef : « Voir un homme tout nu, qui n'a ni chaussure au pieds, ni autre habit qu'un méchant bout de peau qui n'abrie que la moitié de son corps, disgracié de la nature n'ayant que la moitié de ses yeux, car il est borgne, sec comme un vieil arbre sans feuille, voir, dis-je, un squelette, ou plutôt un gueux, marcher en président, et parler en roi, c'est voir l'orgueil et la superbe sous des haillons. »
Parce que les travaux d'histoire ont tendance à refléter les besoins et les préoccupations aussi bien des producteurs d'archives que de leurs utilisateurs, la distorsion affectant les façons anciennes d'expliquer les toutes premières relations entre Autochtones et Européens se retrouve aussi dans la plupart de celles d'aujourd'hui. Si nos informateurs d'hier devaient justifier leur traitement des peuples qu'ils étaient venus dominer, nous cherchons aujourd'hui à nous sentir à l'aise aussi bien avec la représentation de notre passé qu'avec les aspects économiques et sociaux de notre situation présente.