Drelin, drelin !
Vous poussez la porte de la graineterie : pour ceux qui n'ont pas vingt ans aujourd'hui mais un peu plus, c'est un souvenir que vous avez peut-être gardé.
Je me souviens de franchir une porte lourde, la main glissée dans celle calleuse de mon grand-père et de respirer immédiatement cette odeur de papier-végétaux-
graines-herbier-tourbe-poussière qui faisait le parfum de l'antre du jardinier ! Une fois les yeux à nouveau ouverts, repue des odeurs qui en disent déjà long sur le décor qui s'offre à nous, c'était une symphonie de couleurs ! Parce que, pendant que je humais, mon grand-père m'avait traînée pour s'approcher du présentoir, celui qui émet un petit crissement comme un cri de souris quand on le tourne et là, ô merveilles : tous ces légumes, toutes ces fleurs, ce chatoiement de couleurs, ces illustrations toutes porteuses des plus folles promesses, on pouvait faire en sorte que beaucoup d'entre eux (et elles !) peuplent et colorent le potager autant qu'ils "arc-en-cielisaient" déjà le présentoir.
Le jardinier ne conçoit que très rarement que la graine qu'il dépose en sol ne donne pas ces laitues joufflues et couleur de reinettes, ou ces poireaux costauds et barbus. Pas plus qu'il n'imagine ses zinnias autrement que multicolores et têtes dressées, ou ses dahlias occupés à japoniser un coin de campagne et distillant un peu d'exotisme dans un parterre du jardin
.
C'est la promesse d'enchanter les sillons, de faire fleurir pour attirer les pollinisateurs, c'est l'instant du choix, du rêve - le jardinier fait et refait le plan de semis dans sa tête quitte à ajouter un ou deux légumes non prévus : on serrera un peu plus les "Merveilles de Kelvedon" pour laisser une place à l'Italie et ses choux "Noir de Toscane", on groupera les orpins, et on sèmera les dames capucines, ces fleurs de feu qui aimantent tant les bourdons et qu'on glisse pour embellir la salade avant de la présenter à table...
C'est décidé, le jardin est garni...en pensées (!!), ne reste qu'à se mettre à l'ouvrage, ah, oui, des petites étiquettes pour marquer les rangs et le raphia pour lier les grimpants aux tuteurs !
Drelin, drelin !
La porte s'ouvre et nous voilà tout orphelins de retrouver le monde "normal" les rêves sont restés dans les allées de la graineterie, mais qu'importe, le sachet porteur de tous les espoirs dans les bras, il nous reste à travailler, sarcler, biner, semer, arroser... pour reproduire les promesses du présentoir, à notre porte, dans le coin du potager.
Si vous avez aimé ces moments, si vous ne les avez pas connus mais rêvez de les faire, un peu, vôtres, alors ce livre est pour vous...
Après avoir redécouvert l'histoire des jardins potagers, leur évolution, et aussi celle de la définition de celui qui y officie, on reste béat devant les photos de légumes qui sont tellement belles, tellement réalistes qu'on tendrait presque la main pour les "cueillir" ou les croquer.
Pour chacun, quelques - oui mais alors très peu ! -conseils pour la culture et ensuite son histoire, son origine, une ou deux anecdotes drôles ou surprenantes et pour terminer quelques différentes variétés présentées à part pour mettre en avant la beauté de l'une ou le caractère prolifique de l'autre...
Tout est présenté de façon vieillotte, comme si la clochette de la graineterie venait de tinter à nouveau à vos oreilles... on a rajeuni, l'enfance est là, mon grand-père me tient toujours par la main et le bonheur est partagé !
Ce livre, c'est une escapade dans un lieu qui n'existe plus, la clochette ne tintinnabule plus, mais c'est une visite du potager rendue toujours possible au plus froid de l'hiver, une autorisation à s'enthousiasmer pour les semis que nous projetons en Février, c'est laisser divaguer l'imagination et rêver des paniers remplis que nous remonterons avec fierté...
Feuilleter ce livre, c'est une visite comme autrefois la main dans celle de celui qui m'a tant appris, pour projeter le potager sans quitter le fauteuil, pour imaginer la récolte sans se fatiguer, mais en fait, il n'y a qu'un pas du rêve à la réalité, enfin c'est ce que se répète tout jardinier espiègle !
Alors, semons... !!