Magnifique numéro : Raphaël, la beauté, Rome et ses fouilles archéologiques, le Vatican et ses secrets, Florence, la Renaissance, les appartements pontificaux et l'Ecole d'Athènes…. plein les yeux.
Un magazine sur Raphaël et son temps qui n'a rien à envier à un bouquin du même nom… à conserver en bonne place.
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Sûre de sa force et de ses racines, Rome attira en son sein les plus grands génies vivants afin de reconstruire sa puissance et d’assurer un rayonnement incomparable. Elle devient ainsi, selon l’expression du biographe des plus illustres artistes de la Renaissance, Giorgio Vasari, « la ville des merveilles », un foyer où « les gens affluent comme des fous ». Au Quattrocento, ce fut Florence, vaillante cité de 90 000 âmes qui, sou l’effet de la culture humaniste et de celle de la « magnificence » devenait un grand chantier à ciel ouvert et un centre d’attraction exceptionnel. Le concours de la richissime famille Médicis, à commencer par Cosme 1er, accouche de prodiges par centaines : les bibliothèques publiques, le couvent San Marco, la basilique San Lorenzo, les fabuleux retables de Fra Angelico ou Filippo Lippi… Mais Rome, un temps supplantée, rattrape son retard et se dresse face à la cité toscane … Là, de façon quasiment simultanée, Michel-Ange achève le décor de la chapelle Sixtine (à l’exception du Jugement dernier qu’il ne reprendra qu’en 1532) et Raphaël signe celui des chambres du Vatican. L’excitation soulevée par ce double tour de force, l’engouement suscité par cette fracassante explosion de beauté érigent Rome en centre du monde moderne.
Raphaël connaîtra à Rome deux chefs d’Eglise flamboyants. L’un et l’autre marqueront leur époque par leurs excès. Entre décadentisme et sens visionnaire.
Jules II, la foi dans la guerre et le sexe.
Giuliano della Rovere, dit Jules II, pape en 1503, est un chef de guerre, un condottiere, qui adore les bras de fer avec les rois voisins ou avec les Etats italiens refusant de passer sous sa coupe. Les armes que lui procure son statut : l’excommunication et le commerce des indulgences qui lui rapporte tant d’argent pour payer ses troupes suisses…
Léon X, monnayeur des péchés qui lui succède en 1513 est d’une bien autre nature. Sa culture est exceptionnelle…. Ce n’est pas un ange, c’est un Médicis : il ne dédaigne pas de manigancer l’assassinat discret de ses ennemis pour parvenir à ses fins. … Le train de vie de ce pape-là est aussi phénoménal. 1200 serviteurs, record battu. …. Lui aussi cultive des rapports privilégiés avec les grands artistes de son temps. A Raphaël, il demande tout.
Michel-Ange, le meilleur ennemi de Raphaël
Michel-Ange s’agaçait des emprunts de Raphaël et se plaignait surtout de son succès auprès des papes, criant au plagiat là où il s’agissait d’hommage flatteur. Récit d’une rivalité à sens unique.
…
Cela étant, les inclinations personnelles de Raphaël et de Michel-Ange ne les portent ni vers les mêmes matériaux ni vers les mêmes techniques : si le Florentin n’a jamais caché sa préférence pour le marbre, il n’en a pas moins peint à fresque la Sixtine en dépit du « je ne suis pas peintre » du sonnet inscrit dans un coin du plafond. En outre, dans un mot maintes fois rapporté jusqu’à Stendhal, Buonarroti aurait revendiqué ne pratiquer que la fresque, jugeant la peinture à l’huile propre aux femmes et au paresseux –celle-là même qu’affectionnait Sanzio !
Ils étaient donc une cinquantaine, aux côtés de Raphaël, à l’assister dans les innombrables tâches que supposaient ses fonctions. Répondre à des commandes de portraits, de fresques, de tapisseries et d’expertises archéologiques exige des forces. Beaucoup de forces. Depuis le broyage des couleurs, jusqu’à la réalisation de parties entières des compositions… Heureusement, Raphaël sut s’entourer. Notamment d’un certain Giulio Pippi, mieux connu sous le nom de Giulio Romano, ou Jules Romain en version francisée. Laura Angeluci et Roberta Serra, qui lui consacrent une exposition au Louve, soulignent : « Il a en commun avec Raphaël la pluridisciplinarité puisqu’il excelle comme architecte et comme peintre de décorations extérieures et intérieures »…
(voir article et œuvres de Romano pp suivantes)
Raphaël, pour sa part, travaille et pense de concert avec son grand ami Baldassare Castiglione. Ils partagent le même point de vue sur la question des ruines et leur binôme a eu une importance considérable dans l’élaboration de la pensée actuelle sur la conservation des œuvres. Certes, ils ne sont pas les inventeurs du musée, mais ils sont incontestablement ceux de la préservation du patrimoine. ….
Raphaël prend la plume et somme Léon X de veiller sur les reliques de cette « mère de la gloire et de la grandeur italienne ». … il conçoit sa mission d’archéologue avec une ambition historique, sociale et politique beaucoup plus vaste : retrouver la monumentalité de l’antique et l’offrir comme cadre quotidien aux Romains.