L'Enfant de Noé

C'est difficile, l'amour, on ne peut ni le provoquer, ni le contrôler, ni le contraindre à durer.

"Ne me demandez pas à quoi ressemblait ma mère : peut-on décrire le soleil ? De maman venaient de la chaleur, de la force, de la joie. Je me souviens de ses effets plus que de ses traits. Auprès d’elle je riais, et jamais rien de grave ne pouvait m’arriver."

- Joseph, tu aimerais savoir laquelle des deux religions est la vraie. Mais aucune des deux! Une religion n'est ni vraie ni fausse, elle propose une façon de vivre.
- Comment voulez-vous que je respecte les religions si elles ne sont pas vraies ?
- Si tu ne respectes que la vérité, alors tu ne respecteras pas grand chose. 2 + 2 = 4, voilà ce qui sera l'unique objet de ton respect. À part ça, tu vas affronter des éléments incertains : les sentiments, les normes, les valeurs, les choix, autant de constructions fragiles et fluctuantes.

Les juifs et les chrétiens croient au même Dieu, celui qui a dicté à Moïse les Tables de la Loi. Mais les juifs ne reconnaissent pas en Jésus le Messie annoncé, l'envoyé de Dieu qu'ils espéraient...
Les chrétiens sont ceux qui se souviennent et les juifs ceux qui espèrent encore.

- Joseph, tu aimerais savoir laquelle des deux religions est la vraie.Mais aucune des deux ! Une religion n'est ni vraie ni fausse, elle propose une façon de vivre.

Je t'apprendrai tout ce que je sais, Joseph. Et même ce que je ne sais pas.

Pourquoi étais-je si excité de me rendre à la messe ? Sans doute sentais-je qu’il y avait un fort bénéfice à devenir catholique : cela me protègerait. Mieux : cela me rendrait normal. Être juif pour l’instant, signifiait avoir des parents incapables de m’élever, posséder un nom qu’il valait mieux remplacer, contrôler en permanence mes émotions et mentir.

Une Religion n'est ni vraie, ni fausse, elle propose une façon de vivre.

- Maman revient toujours. Pourquoi elle ne reviendrait pas ?
- Elle pourrait être arrêtée par la police.
- Qu'est-ce qu'elle a fait ?
- Elle n'a rien fait. Elle est...
Là, la comtesse exhala une longue plainte de poitrine qui entrechoqua les perles de son collier. Ses yeux se mouillèrent.
- Elle est quoi ? demandai-je
- Elle est juive
- Ben oui. On est tous juifs dans la famille. Moi aussi, tu sais.
Parce que j'avais raison, elle m'embrassa sur les deux joues.
- Et toi, tu es juive, madame ?
- Non. Je suis belge.
- Comme moi.
- Oui, comme toi. Et chrétienne.
-Chrétienne, c'est le contraire de juif ?
- Le contraire de juif, c'est nazi.
- On n'arrête pas les chrétiennes ?
- Non.
- Alors c'est mieux d'être chrétienne ?
- Ca dépend en face de qui. Vient Joseph, je vais te faire visiter ma maison en attendant que ta maman revienne.
- Ah! tu vois qu'elle reviendra !

_ Mon Josephélé...
Comme j'étais comblé de retrouver le yddish , cette langue si tendre qu'on ne peut même appeler un enfant par son prénom sans y ajouter une caresse , un diminutif , une syllabe douce à l'oreille , telle une sucrerie offerte au coeur du mot ...