Alors qu'une nouvelle tragédie vient de s'abattre sur Paris, rallongeant la liste des drames qui jalonnent l'Humanité, l'ouvrage "
La part de l'autre" revêt des aspects obsédants. Qu'est-ce qui se serait passé si... Est-ce qu'un détail, un léger détail aurait pu tout changer ?
Voilà le point de départ de la réflexion d'
Eric-Emmanuel Schmitt : si Adolf avait été reçu aux
Beaux-arts de Vienne, évitant ainsi les rebuffades et l'humiliation, les choses auraient-elles été différentes ?
Roman ? Biographie ? Essai philosophique sous couvert de la fiction ? Qu'il est difficile de faire entrer cet ouvrage dans une case... Mais quel bonheur d'échapper à ces fameuses cases! "
La part de l'autre" est un récit déstabilisant, criant de vérité, qui conduit, au-delà du récit de ces Hitler qui évoluent en parallèle, à une véritable réflexion instrospective sur ce que nous sommes, sur notre essence, sur cette part d'ombre que nous portons tous en nous.
Bon, méchant. Gentil, cruel. Généreux, égoïste. Désintéressé, égocentrique. Doué, humilié... Les chapitres concernant cet Adolph H. au talent reconnu, alternent avec l'Hitler que nous connaissons, pour plonger dans la psyché de ce personnage honni de l'Histoire. Tantôt émouvant, tantôt pathétique, parfois drôle, le récit flirte avec la vérité historique pour nous amener vers notre propre vérité.
L'Histoire a crée ses monstres, mais qu'en est-il de notre propre part d'ombre ?
Même si l'on s'en défend, nous hébergeons tous en nous cet être de noirceur tapi, assoupi, qui n'attend qu'un déclencheur pour s'éveiller, s'étirer et peut-être, absorber cette lumière qui nous guide. Et tout peut être différent, tout aurait pu être différent.
Dans le cas d'Hitler, ma grand-mère n'aurait pas connu l'humiliation réservée aux femmes qui ont aimé un allemand, elle l'aurait rencontré lors de vacances entre amis dans le centre de la France, ils se seraient aimés, lui l'aviateur, elle la jeune femme qui se sacrifiait pour son père. Mon père aurait été le fruit de l'amour, le vrai, et non celui de la honte qui a suivi ses pas jusque dans sa tombe.
L'Humanité n'aurait pas subi l'un de ses génocides les plus atroces, on n'aurait pas eu de choix à faire, de camp à choisir, on aurait pas eu à survivre, le quotidien aurait été suffisant. On n'aurait pas appris à pleurer nos morts, à tenter de soigner le traumatisme de notre âme. Je ne suis pas naïve, la vie n'aurait pas été un océan de bonheur, mais on n'aurait pas connu cette horreur qui fait encore verser des larmes de peine mais aussi de haine.
Si j'avais rédigé cette chronique hier, j'aurais mis en avant la virtuosité de la plume d'
Eric-Emmanuel Schmitt tout en déplorant quelques longueurs. J'aurais dit que j'avais apprécié cette lecture, qu'elle m'avait parfois arraché des sourires, et que j'avais trouvé
Adolf Hitler pathétique parfois, que c'était même amusant finalement de se moquer de lui.
Aujoud'hui, je frisonne devant la pertinence de cette réflexion. Comme d'habitude, les mots d'
Eric-Emmanuel Schmitt sont justes et s'imbriquent parfaitement dans la dualité qui nous définit.
La part de l'autre est en chacun d'entre nous... Cet autre, lové dans un petit coin de notre être, qui peut tout faire basculer...
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