Citations sur La rivale (31)
Cette pauvre madame Butterfly guette le navire qui lui ramènera son amoureux...Un bel di...Un beau jour, il viendra. Il n'est jamais arrivé ce beau jour. Je l'ai attendu toute ma vie. Aujourd'hui, quatre décennies après, je poireaute toujours. Un beau jour, quelle blague ! Jeune, on attend de vivre, vieille, on attend de mourir. Chienne d'existence !
(p.23)
Deux institutions règnent sur le coeur des Italiens : l'Eglise et l'opéra. Quand ils ne sont pas émus par les vitreaux, ils le sont par les rideaux.
Carlotta Berlumi représentait le passé lyrique, une ringarde à la musicalité fainéante qui se préoccupait juste d'émettre des sons harmonieux, tandis que Maria Callas réinventait la tragédie chantée en incarnant des personnages frénétiques, en s'impliquant corps et âme.
(p.59)
– Moi, j’ai manqué de courage, je le déplore : lâchement, j’ai vieilli. Aujourd’hui, c’est trop tard.
– Trop tard pour quoi ?
Le nez de Carlotta se plissa, rayé de ridules.
– Pour mourir jeune !
Les atouts de la Scala ? Son public et son passé ! s'exclama Enzo. Son public chevronné, expert, exigeant - certains diront injuste. Tous les grands chanteurs, toutes les grandes chanteuses, mesdames et messieurs, ne caressent qu'un rêve : fouler les planches de la Scala. Un engagement ici équivaut au prix Nobel de l'art lyrique ! Ces murs ont acceuilli Caruso, Gigli, Flagstad, Del Monaco, Schwarzkopf, Pavarotti, Sutherland, Caballé, Domingo... et surtout, maintes et maintes fois, la Divine, la sublime Callas !
Un étrange bruit retentit au parterre. Quelque chose comme un crachat.
Les gens se retournèrent, seule une vieille femme se trouvait là, assise, fixant le rideau de scène.
(p.12)
Acculée, elle se persuada qu'il s'agissait d'un phénomène de mode, intense parce qu'éphémère.
-Callas ? Ca ne durera pas! Vous verrez : bientôt plus personne n'en parlera...
D'un tempérament oisif, indolent, qui l'incitait à oublier, non à ruminer, Carlotta, certaine que Callas se réduisait à une contrariété passagère, n'y
pensa plus, d'autant que ses amours se portaient à merveille.
(p.55)
- Foutez-nous la paix avec la Callas ! Dans ma vie, j'ai croisé au moins cent cantatrices qui possédaient une voix plus belle que celle de Callas! Certes, elle avait de la puissance, sinon aucun directeur n'aurait balancé cette Grècque sur scène, mais elle était tonitruante comme une sirène de pompiers ! Aussi vilain, ca ne s'appelle pas une voix, plutôt une pétoire ! Oui, une pétoire, rien d'autre. Au niveau du timbre, un jambon trop fumé, noir, faisandé, épicé. Rien du laiteux, du lumineux, du miellé qu'on escompte d'une soprano.
(...)
-Qui êtes vous, madame ?
- J'étais la rivale de Maria Callas.
'pp.16-17)
Elle en vint même à rechercher les localités ou la Grècque n'aurait pas l'idée d'étendre sa puissante main,les salles de fêtes, les opéras reculés,les salons de bourgeois se piquant d'art qui possédaient un piano à queue. Plus elle exerçait son métier dans des endroits retirés, souvent mal équipés, parfois minables, plus elle jubilait d'avoir échappé à son adversaire.(...) Sa dégringolade de théatres peu renommés en lieux obscurs se transformait en une sorte de victoire.
(p.95)
De temps en temps, elle se demandait pourquoi ses élèves, à l'exception de deux sopranos en trois décennies, ne réussissaient ni à intégrer une troupe d'opéra ni à entrer dans un conservatoire supérieur (...) Jamais elle ne remettait en question sa pédagogie.Carlotta avait bénéficié d'un don, une voix naturelle, et, ignorant au fond comment elle avait acquis ce talent, elle n'avait pas grand'chose à transmettre. On enseigne aux autres ce que l'on a soi-même appris.
(pp.116-117)
Selon une boutade qui circulait dans le métier, pour un chanteur, le metteur en scène est comme un préservatif : avec c’est bien ; sans, c’est mieux.
Carlotta avait bénéficié d’un don, une voix naturelle, et, ignorant au fond comment elle avait acquis ce talent, elle n’avait pas grand-chose à transmettre. On enseigne aux autres ce que l’on a soi-même appris.