En l'an 5o avant Jésus-Christ la Gaule était devenue romaine. Elle n'avait pu acquérir la finesse du monde grec, dont elle avait eu pourtant le contact et senti la séduction; mais elle adopte avec allégresse la civilisation que lui apportent ses maîtres. Elle a laissé échapper l'élégance, on lui offre la majesté. Jusqu'à la désagrégation de l'Empire sous la poussée des barbares au Ve siècle, durant cinq cents ans de paix heureuse elle s'imprègne de latinité. Jamais elle n'en perdra le goût. Le renouveau roman du XIIe siècle et la Renaissance seront pour une part le réveil des ferments classiques un peu troubles déposés en nous par le peuple-roi au moment où il penchait déjà vers son déclin.
Mais il va sans dire qu'avec de pareils goûts c'est l'art de l'orfèvrerie qui prime. Que pèse alors une statue, même un édifice, à côté d'un bijou qui pare la personne? Le luxe est chose « barbare », et le luxe barbare est toujours raffiné. Les sépultures mérovingiennes ont rendu à la lumière celui qui faisait chatoyer les fibules, les plaques de ceinturons et les poignées d'épées: la verroterie cloisonnée. Dans ses menus compartiments de métal un grenat est pris; parfois une goutte d'émail rouge est figée comme une goutte de sang.
L'art mérovingien, c'est la fin de l'art impérial et le timide début de l'art roman. Le renouveau s'affirme avec la période carolingienne (VIIIe-Xe siècles), surtout avec Charlemagne, qui relève peu à peu le prestige de l'antiquité. Dans l'éternelle lutte, Orient ou Rome, voici que lentement la Ville qui ajoute au souvenir des Césars la majesté apostolique et pontificale, redresse l'humanisme.
La première expression de notre génie national, c'est l'art des XIe et XIIe siècles: l'Art roman. Celui qui le précède, à l'époque carolingienne, est en un sens moins à nous:il ne fait que préparer, dans le chaos des influences étrangères et le réveil un peu trouble de l'esprit latin, la double renaissance qui inaugure franchement l'art français: celle de l'Architecture et de la Sculpture.
L'art de Limoges ose même encore, comme à l'époque romane, sceller sur les défunts illustres des tombes émaillées. Mais l'art le plus complet est le reliquaire.