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98 pages
L'Association (01/07/2021)
2.5/5   1 notes
Résumé :
Points & Contrepoints est la résurrection d’une revue qui naquit de l’émeute et agonisa de la décadence.

Les générations qui la fleurirent des fleurs d’acier damasquinées de la poésie, en prose et en vers, ne sont plus que poussière.

Mais nous autres, héritiers de l’esprit galliciste, ne nous résolvons pas à la laisser périr.

Alors, ces fleurs d’acier, nous les portons à la boutonnière, comme un révolver.

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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La jeune revue Points&Contrepoints (ou plutôt, apparemment, sa réédition récente) constitue un bon exemple, selon moi, de ce qui doit être tenté en matière de littérature contemporaine et en l'occurrence de poésie, ainsi que de ce à quoi notre époque d'indigence créative ne permet plus d'accéder.
M. Scotto d'Apollonia a réuni en recueil une douzaine de poètes de notre siècle assez méconnus et offerts au jugement du lecteur ; il y a adjoint des travaux d'analyse poétique, une petite anthologie d'un poète célèbre sur lequel il arrête une focalisation, et l'interview d'un critique littéraire dont il interroge son rapport avec la poésie dans le monde. L'ensemble figure sous l'égide d'un manifeste ferme qui ambitionne de terminer enfin par de brillants exemples la période de nullité poétique que nous vivons aujourd'hui et depuis des décennies.
C'est exactement, à ce que je prétends, la méthode qu'il faut. Je ne ferais pas autrement un tel magazine si je me sentais l'initiative d'en constituer.
Ce directeur y a aussi un peu superfétatoirement ajouté sa traduction nouvelle d'un texte en prose de Lovecraft, le fameux « Dagon », au prétexte que ce récit aurait quelque légitimité à passer pour un poème (admettons) – il se trouve que je connais presque par coeur « Dagon » dans la traduction de Paule Pérez, et il ne m'a pas paru évident que cette nouvelle version, dont la facture insiste davantage sur l'ampoule classique et aristocratique, apporte une révolution de l'abord ou de la compréhension ; je l'ai néanmoins lu avec un certain intérêt curieux, le texte étant assez puissant pour susciter sans ennui une attention renouvelée –, plus sa critique du tableau « Olympia » de Manet qui se justifie encore plus difficilement, n'ayant pas directement trait à la poésie, et qui fait ici un peu « remplissage ». Cet aspect de « comblement » se discerne aussi à ce que, parmi les poètes élus pour figurer dans la revue, certains ne se cachent nullement, dans la présentation qui en est faite à la fin, d'être des dilettantes voire des amis du directeur, au point qu'on peut lire qu'un d'entre eux ne veut rien faire savoir de lui-même sinon qu'il est « né à une date inconnue et sous un autre nom », qu'un autre révèle les deux premiers chapitres d'un poème en prose « en cours d'écriture », et qu'un autre y livre, dans son analyse de François Villon, « l'extrait en avant-première » d'un essai sur le monde de la prostitution.
L'interview de Juan Asensio, dont j'ai déjà parlé par ailleurs, constitue une réjouissance à tous ceux qui ont pressenti, sans oser le formuler, que la littérature est devenue un désastre lénifiant : Asensio est toujours d'une pointe acérément juste à l'encontre de ce qui fait le vice intrinsèque du bouquin d'à présent, et son propos sur la poésie me semble aussi exact que sur la prose, fustigeant la pédanterie satisfaite des incompréhensibles plumitifs du vide et de la pavane pâmée qui s'abandonnent et qui « partagent », bien sûr. le plus grand inconvénient de ce critique se situe, en revanche, en une certaine autocomplaisance à disserter longtemps de ce qui ne mérite que quelques mots lapidaires : on discerne chez Asensio le plaisir trop appesanti de celui qui goûte les duretés qu'il multiplie à l'envi mais sans apport très nécessaire. À force, je crois qu'Asensio pourrait lasser de ne répéter qu'un dégoût presque stercoraire : la jubilation s'essouffle au sujet rebattu, il y faut une pensée novatrice et inédite – mais il est bien vrai qu'en l'occurrence, ce n'était pas son intention, dans une simple interview.
André Chénier, dont la revue dresse un court dossier, m'était un poète ignoré, et, après l'avoir lu, je ne saurais beaucoup m'en repentir : c'est un auteur qui, dans la brève anthologie de textes ici choisis, me paraît assez inutile et niais, comportant un éloge (nuancé) de la France, toutes sortes de veules gentillesses sur l'amour et l'abandon, et maintes élégies sur la nécessité d'être amoureux pour se sentir du bonheur. Entendons que c'est bien rimé, à la façon rigoureuse et classique qui caractérise le genre poétique jusqu'à la fin du XIXe siècle, et que cela constitue un témoignage au moins formel de ce qu'est un travail appliqué au service d'une moindre idée, mais quant à la profondeur, cela manque autant, je crois, que de volonté puissante et révélatrice chez un Rousseau.
Les autres analyses – sur Villon et sur Manet – ne sont pas mauvaises, quoique un peu laudatives par principe comme ça se rencontre beaucoup.
Quant aux poèmes récents qui constituent tout logiquement l'essentiel de la curiosité du lecteur – parce qu'enfin des interviews et des analyses, on peut en lire ailleurs –, il faut en dire une chose aussi cruelle que vraie, et c'est qu'ils correspondent assez exactement à deux citations d'Asensio : « Ils choisissent le vers libre ou plutôt ne choisissent rien du tout et se laissent dévaler le long de leur paresse » (page 73), ainsi que : « une parole autiste qui tourne à vide, n'a d'autre sens qu'elle-même, n'en finit pas de tomber dans une extatique giration autour du Neutre absolu. » (page 75)
Il me faut régler son compte, moi aussi, à l'espèce de « poésie » qu'on trouve encore ici, et, pour cela, je dois m'expliquer clairement de façon à ne laisser aucun malentendu. Cette tâche sera d'autant plus périlleuse que j'ai adressé à M. Scotto d'Apollonia une anthologie de mes propres poèmes à dessein de publication dans sa revue, ce qui, on le comprend d'emblée, ne sera peut-être pas aisé à obtenir après une critique aussi sévère que celle que je m'apprête à rendre.
Surtout et en préambule, je ne veux pas blâmer le directeur éditorial : j'imagine qu'il a lancé quelque part un appel à textes, et, après plusieurs mois d'une semblable entreprise au sein des éditions Les Féaux, j'ai constaté, avec près de 200 manuscrits reçus, que la presque totalité des Contemporains qui se figurent une capacité d'écriture consistent en fait en de très maladroits amateurs qui rédigent à l'imitation de ce qui se vend bien aujourd'hui (« Les Féaux » ont cessé, notamment, faute de trouver quoi publier) ; or, c'est sans doute encore plus rare de rencontrer un bon poète, parce que la forme minutieuse à laquelle on est légitimement en attente pour ce genre se distingue plus évidemment, je trouve, dans ses défaillances et facilités. La prose admet communément – je le déplore déjà – une approximation lexicale et une pauvreté de réflexion qui peut toujours, dans le nombre des phrases et l'illusion « d'enchantement » d'une intrigue, passer inaperçue au dilettante, mais le vers bancal et creux, en ce que le poème se définit comme une concentration de style, saute aux yeux et élimine aussi vite une prétention à la poésie qu'une multiplicité de fautes d'orthographe, pour le connaisseur. Combien M. Scotto d'Apollonia a-t-il dû lire de stupidités ampoulées et d'imbécile fadaises avant de proposer cette sélection ? C'est ce que j'ignore, mais l'élimination fut certainement facile et consternante, et bien davantage je le plains pour la désespérance de son travail que je ne le blâme d'un choix final assez médiocre.
Ce que je reproche au juste à cette « poésie » ? Mais à peu près ce que M. Asensio en dit.
La poésie, décidément, ne devrait pas consister en l'expression libre et enthousiaste, à valeur collective ou sociale, d'une sentimentalité impudique et cliché qu'on épanche sans autre souci que de se comprendre soi-même : pour cela, il y a le journal intime, la psychanalyse ou le soliloque (il y a aussi l'ivresse de l'alcool et le fond des toilettes). Si vous cultivez le goût de l'incompréhensible, c'est que vous avez acquis une fierté d'être seul, oui mais pour une fois je ne vous en félicite point, parce que c'est alors une fierté factice : vous faites exprès de ne point être entendu, et vous prétendez ensuite que c'est parce que vous êtes profond – c'est si simple ! Qu'un philologue comme moi, si aguerri, en soit réduit à interpréter sans solution des morceaux de vers évanescents qui neutralisent le sens bien davantage qu'ils n'évoquent ou ne suggèrent techniquement, voilà qui devrait au moins donner à penser ce que vaut ce genre de « travail ». « Techniquement », voilà le mot : c'est peut-être la clé essentielle pour concevoir le véritable labeur inhérent à un véritable poème.
Dans ce recueil par exemple, même les poètes qui prétendent écrire en vers réguliers sont peu capables de tenir, suivant les règles, le mètre qu'ils ont initialement choisi : il faut bien compter, suivant la versification d'école, le statut des différents « e », et l'on trouvera que c'est plein d'approximations et de licences, de problèmes métriques, où même la rime ne se rencontre pas toujours – lire au moins, avant de vanter la « liberté caractéristique de notre modernité », l'excellence formelle d'un Léo Porfilio, que j'ai commenté ailleurs, pour reconnaître enfin qu'il n'existe pas de contradiction fondamentale entre l'exigence du vers classique et une juste vision portée sur le siècle contemporain, pour autant que ce soit ce « paradoxe » apparent qui fasse naître un soupçon et renoncer au vers académique. Quant aux poèmes en prose, la plupart ne signifient rien de net, au point qu'après les avoir lus, on en demeure à une espèce de perplexité que d'aucuns rehaussent en illumination et en divinité, comme si la preuve de l'inspiration résidait, ainsi que chez la Pythie de Delphes, dans un discours hermétique – demandez-leur, à ceux qui vénèrent ce genre d'absconseries, d'expliquer leur engouement, c'est sûrement drôle, comme toujours, et verbeux, « universel » ! Absence de forme parfois jusqu'à la ponctuation, sens livré à des associations indiscernables, pensée pas même perceptible dans l'embrouillamini de figures inspirées par l'instant et dont on suppose que le génie se situe dans la juxtaposition bizarre de termes disparates et plus ou moins rares…
– Je prends au hasard, si l'on ne me croit pas, et vraiment au hasard, je le jure, en-dehors des textes d'analyse et de Chénier : « J'ai mangé l'oiseau rare qui se niche dans le sexe du diable » (page 34), « Pitié pour moi mon Dieu, chantent les moines continents, dans ton amour et moi, qui psalmodie mon péché » (page 56), « Quel est ce blanc massé de peu de bleu / Ciel, qui t'englace au centre de mes yeux ? » (page 61) ou : « Toutes mes chairs me travaillent dans des sens contraires me disjoignent et me compressent comme les mouvements souterrains de la terre ma peau en est le lent résultat se tire et se ride mais soudain lâche dans une fissure d'où sourdent les litres de pus macéré dans les strates anciennes plus anciennes que ma peau plus anciennes que ma vie » (page 83) –
…, tout signale un manque de méthode, un manque d'effort appliqué à exprimer quelque chose de clair, un manque d'esprit de conséquence : c'est le fruit d'un élève qui n'a pas voulu apprendre la métrique ou s'y contraindre parce que c'est compliqué, c'est le règne du flou et de l'évaporation, c'est le royaume du penchant à raconter facilement son néant. On ne sait pas, on n'a aucun moyen de savoir, ce que ces auteurs ont à dire, à transmettre, quelle singularité de leur identité ils ont souhaité traduire, ce qu'ils désirent communiquer et, de façon ainsi concrète, ce qu'ils aspirent à enseigner par l'édification de leur « oeuvre » – mais on devine déjà qu'ils ne se différencient guère entre eux que par certains tics ou certaines poses, qu'ils font presque tous partie du fond indifférencié qui considère que la littérature, et même que la quintessence de la littérature que représente la poésie, se résout dans la contemplation de vagues humeurs dont l'écriture plus ou moins automatique indique particulièrement le refus de tout critère de valeurs, donc de tout manifeste circonscrit, et donc de tout travail d'art : on écrit de la poésie « comme ça vient », et on s'enorgueillit qu'il existe des lecteurs pour trouver cela magnifique et émouvant sans le moindre argument, parce que, sans doute, ça « parle directement à l'âme », ainsi : « Pas besoin d'explication » !
Pire, j'y ai bien songé, et j'ai trouvé à la fin de la revue que plusieurs de ces « poètes » ont déjà publié deux ou trois recueils : donc ces gens écrivent, comme cela, en série, depuis des années ? Donc il y en a d'autres pour les encourager à faire ça ? Donc on finit par leur supposer, puisqu'il y a au moins la vague réunion d'un auteur et d'un public, une sorte de vertu dans ce type d'ouvrage, comme si tout cela ne se résumait pas à une absolue vanité de l'inanité de leur forme et de leur fond ? Donc il existe des individus qui font moyennement du scrap-booking et qui sont encouragés dans cette « compétence », et peut-être même admirés pour ça ? C'est, pour quelqu'un comme moi, vertigineux, sidérant, malsain, le signe abominable d'une décadence de l'esprit critique : on verse du Cécile Coulon à des sentimentalités stéréotypées et sans moindre connaissances de la poésie, et notre époque en boit, et notre époque s'en enivre, et notre époque veut tout à coup, naturellement, qu'il n'y ait plus que l'avis de notre époque qui ait de la valeur et que les autres soient des grincheux, même si cet avis général ne présente jamais le caractère tangible d'un argument !…
Enfin, je ne dirais tout de même pas que tous les poètes contemporains de cette revue se « dévalent » à égalité, et c'est toujours intéressant au critique que je suis, penché sans cesse vers des découvertes, de constater ce qui représente la Contemporanéité versifiée, même si j'avoue que j'ai eu du mal à finir les dix dernières pages – l'inutilité, fût-ce de lire, me coûte, on le sait bien. Je ne me suis point résolu à ne pas acquérir le second numéro de Points&Contrepoints dont je vais parcourir la couverture pour vérifier si j'y peux puiser quelque intérêt ; je ne m'en suis pas dégoûté comme la revue Daïmon: c'est que le manifeste de M. Scotto d'Apollonia – c'est-à-dire son principe – ainsi que sa méthode – c'est-à-dire sa recherche de variété – sont bien meilleurs, et je ne le condamne pas à ne jamais pouvoir trouver d'auteur de mérite, même si, en l'occurrence, je crois qu'il est ressorti bredouille. Peut-être la sorte de notoriété que peut lui avoir conféré, ainsi qu'à sa revue, la curiosité d'un lectorat plus vaste, lui amènera-t-elle enfin des plumes de poètes : c'est ce que je lui espère et souhaite !
(Même si, il faut bien s'en rendre compte à présent, mes chances d'y figurer après cet article critique sont extrêmement réduites : c'est ma faute aussi : pourquoi ma véracité ne peut-elle s'empêcher de contrarier les auteurs auxquels je m'adresse ? Eh bien ! tant pis : je n'aurais jamais à me reprocher, du moins, d'avoir flagorné pour obtenir des places... que définitivement je ne trouve nulle part !)
Lien : http://henrywar.canalblog.com
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