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sur 245 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Andreas Egger a plus ou moins quatre ans lorsqu'il est adopté par le fermier Hubert Kranzstocker. Les yeux de l'enfant se tournent immédiatement vers les sommets enneigés des Alpes autrichiennes qui surplombent le petit village. Il est élevé à la baguette de coudrier : des coups pour du lait renversé, d'autres, plus forts, pour une vache qui s'est échappée. Toutes les occasions sont bonnes. Et puis, un jour, crac, son fémur est cassé. Un rebouteux s'en charge et remet tout en place, enfin presque. La jambe reste tordue. D'autres souvenirs de son enfance ? Une secousse de la montagne, la disparition d'une vieille aïeule morte étouffée la tête dans sa pâte à pain et la menace lancée au fermier : « Si tu me frappes, je te tue ! ». Après ces mots, il faut partir et trouver du travail…
C'est ainsi que commence une vie, la vie d'un homme qui n'a jamais quitté sa vallée sinon pour aller à la guerre, en Russie. Il a observé la modernité s'immiscer sur ce petit versant du monde : l'entreprise Bittermann & Fils abat des arbres afin d'installer des pylônes d'acier et de béton pour soutenir les téléphériques. « Tu boites… un gars qui boite ne nous intéresse pas. » assène sèchement le fondé de pouvoir de l'entreprise. « Dans la vallée peut-être. En montagne, je suis le seul qui marche droit. » Egger est embauché : il connaît parfaitement la montagne et n'a pas le vertige. Et pourtant, c'est dur l'hiver. Certains hommes tombent et meurent. Mais c'est la vie, c'est comme ça, pas la peine de se poser des questions. Il y en a bien un qui ose un peu râler : « C'est une saloperie, la mort. On diminue tout bêtement avec le temps. Il y en a pour qui ça va vite, d'autres qui font durer. de la naissance à la mort, tu perds un truc après l'autre : d'abord un orteil, puis un bras ; d'abord une dent, puis ta denture ; d'abord un souvenir, puis toute la mémoire et ainsi de suite jusqu'à ce que t'aies plus rien. Alors ils balancent ce qui reste de toi dans un trou, un coup de pelle là-dessus et terminé. »
Et ça n'empêchera pas le pavot blanc de repousser la belle saison venue et les jeunes hirondelles de quitter leur nid.
La modernité, c'est aussi la radio qui annonce la guerre : en novembre 42, il faut partir, dans le Caucase. On ne sait pas où c'est mais il faut y aller. Et y rester huit ans. Huit années de gel, de faim, de douleur et de mort.
Et puis, il y a Marie, son unique Marie…
Une vie entière, tendue entre deux tiges, la naissance et la mort. « Il avait bâti une maison, dormi dans d'innombrables lits, dans des étables, sur des plates-formes et même quelques nuits, dans une caisse en bois russe. Il avait aimé. Il avait pressenti où l'amour pouvait mener. Il avait vu une poignée d'hommes se promener sur la lune. Il ne s'était jamais trouvé dans l'embarras de croire en Dieu, et la mort ne lui faisait pas peur. Il ne pouvait pas se rappeler d'où il venait, et en fin de compte ne savait pas où il irait. Mais à cet entre-temps qu'était sa vie, il repensait sans regret, avec un petit rire saccadé et un immense étonnement. »
Robert Seethaler signe ici un très beau texte, à la fois conte et poème, qui nous parle de la vie qui, bien qu'éphémère et souvent douloureuse, offre des moments de pure beauté : l'éclat blanc d'une lune dans un ciel nocturne, un pommier sauvage près d'un petit ruisseau, « un érable sycomore isolé, d'un jaune éclatant », les premiers flocons de neige, telles des fleurs portées par le vent, et l'amour, le chuchotement de l'être aimé qui confie des secrets que l'on comprend à peine mais dont on devine qu'ils sont porteurs d'avenir, « de quelque chose d'absolument merveilleux. »
Une vie entière, une simple vie, cabossée, dure comme du pain sec et fêlée parfois mais si pleine, si ronde…
« Tellement de choses à raconter »…

Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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La vie entière, c'est celle d'Andreas Egger. Orphelin de mère, sans père connu, il est amené dans un petit village de montagne autrichien chez son oncle fermier, qui lui donnera le gîte et le couvert jusqu'à sa majorité, mais aussi beaucoup de coups et pas d'amour. On est au tout début du XXe siècle, la vie est encore très rude dans ces montagnes.

Puis arrive l'entreprise de construction du téléphérique, l'électricité, le ski, les touristes. Puis la guerre. On suit Andreas Egger du début à la fin de son existence fruste, secouée par les changements, les drames parfois, mais tenant son cap tant bien que mal.

La vie de cet homme simple et touchant tient en a peine 150 pages et pourtant on a l'impression d'en avoir bien perçu toute l'ampleur. Robert Seethaler nous la retranscrit dans un exercice d'écriture brillant : on se balade entre les époques et les âges d'Andreas sans jamais être malmené, mais juste assez pour prendre la mesure d'une vie, avec ses espoirs, ses projets, puis ses points de bascule, et le moment où on ne fait plus que regarder en arrière.

La prose est limpide, légère, pure comme le ciel des Alpes autrichiennes. Méditation sur le sens de la vie, sur ce qui en reste à la fin, le récit est traversé par des images de mort et de violence mais aussi la présence magnifique de la nature, de la montagne, ambivalente dans sa capacité à tuer mais aussi à soutenir la vie et lui donner de la beauté. Difficile de ne pas être ému par ce texte au propos intemporel et magistralement exécuté.

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Quel roman!!!! Une pure beauté!!! Je n'ai pas réussi à lâcher ce récit de la vie d'un homme; ces 150 pages m'ont fait vivre au rythme des évènements de la vie du héros, Andreas Egger, comme si mon souffle et le sien ne faisaient qu'un.
Et quelle vie que celle de cet homme! Abandonné, battu, mal-aimé, le voilà qui aborde la vie d'adulte avec une force extraordinaire, assombrie pourtant d'une claudication qui engendre la méfiance chez les autres quand elle n'est pour lui qu'une cicatrice inévitable du destin. Ainsi, il prend part à la construction des périphériques qui transformeront les pâturages des alpages en pistes de ski, puis sera envoyé au front durant la seconde guerre mondiale, et enfin, reviendra vivre dans les montagnes de son enfance, en tant que guide de montagne, à jamais meurtri par la disparition de Marie, l'amour de sa vie, celle pour qui il illuminera la montagne "comme par magie".
Robert Seethaler possède le don des mots bien agencés qui captent et ancrent le lecteur dans un peau à peau avec son héros. On lit les dernières lignes lentement, regrettant par avance le moment où il faudra refermer ce roman...
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Que de poésie dans ce livre, quelle belle écriture. Chaque phrase se lit, se relit et se déguste avec douceur comme autant de flocons qui tombent du ciel en hiver, comme le bruit des skis sur la poudreuse ou comme le vent qui souffle sur la forêt.
Quel beau personnage qu'Egger! Quelle représentation de la montagne et du caractère de ses hommes.
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Une vie entière, ou la vie d'Andreas Egger né dans les Alpes autrichiennes à la toute fin du XIXème siècle, orphelin à quatre ans, confié à une famille d'accueil au père brutal. Il rencontrera Marie, traversera deux guerres et verra les transformations des vallées avec la naissance du téléphériques et l'émergence des stations de ski.

Dans ce livre, on suit la vie entière d'Andréas, homme simple, à l'intelligence et la curiosité somme toute très ordinaires mais sachant profiter de chaque bonheur de la vie (tout ces petits riens qui font le sel de la vie) et surtout surmonter les malheurs de l'existence. Robert Seethaler dresse avec talent le portait saisissant d'un homme au destin à la fois ordinaire et si fort.

Le style est sobre, discret, proche du dépouillement, les mots justes et précis et cela sert tellement bien l'humilité du taiseux Andreas. C'est empreint de tendresse et de mélancolie mais également très poétique (la scène de la déclaration d'amour à Marie est un pur moment de bonheur et d'émotion toute en retenue). Ce livre est d'une simplicité désarmante, fluide et limpide et il y a tellement d'humanité dans cet homme que le résultat est bouleversant sans jamais être mélodramatique.

Je suis une nouvelle fois très enthousiaste mais ce roman est magnifique, c'est un petit bijou, de ceux dont j'ai envie de parler, d'offrir tant c'est une belle leçon de vie !!
Lien : http://www.instantanesfutile..
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J'ai découvert Robert Seethaler, l'année dernière. Son premier roman le Tabac Tresniek m'avait séduite et j'attendais avec impatience son second roman.

Comme pour son premier roman, l'auteur autrichien a su me séduire.

J'ai trouvé beaucoup de charme à ce roman. L'auteur a le don de nous faire voyager et nous replonger au siècle passé. Il a le don de nous faire ressentir les ambiances d'un endroit qui nous est totalement inconnu.

J'aime la poésie de ce court roman qui nous fait découvrir la vie simple d'un homme simple dont la dureté de la vie ne lui a pas été épargnée.

C'est un second roman dans la même veine que le premier, réaliste et mélancolique mais qui ne sombre jamais dans le pathos.

Les descriptions des Alpes Autrichiennes, de l'environnement quotidien de Andreas Egger sont sublimes.

L'écriture de Robert Seethaler est élégante et sobre, le ton est juste.

Robert Seethaler est un écrivain que je vais continuer à suivre.

Une Vie Entière de Robert Seethaler est un court roman magnifique que je conseille aux amoureux de LA Belle Littérature.
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Ces écrivains de l'alpe ont quelque chose de particulier. Au-delà de l'amour des grands espaces, d'une vie rude et simple, ils partagent cette perception aiguë des choses, comme si l'altitude et le froid aiguisaient le regard et la vue, si ce n'est la conscience. Il y a du Mario Rigoni Stern dans le récit de la vie de cet homme ordinaire, se satisfaisant de peu, ayant perdu beaucoup, mais toujours debout malgré la dureté du passé et du quotidien. Avec ce focus et cette précision, cet homme n'apparaît plus si ordinaire qu'il le dit. Pourrions-nous garder cette fraîcheur, saurions-nous le faire avec cette volupté, accepterions-nous de l'être avec cette innocence malgré les renoncements, la perte brutale des êtres chers, l'abandon, le changement, l'adaptation nécessaire et sans concession. Ce récit est comme une eau fraîche prise à la source, fraîche de la montagne dont elle sort, de la neige dont elle est issue, si fraîche qu'elle en brûle presque les lèvres. Et pourtant, on en redemande, car elle apaise, car elle soulage, car elle étanche la soif. A lire, notamment quand autour de soi, on a la sensation que tout s'effondre ou change, que tout va mal ou de mal en pis, non pas pour être cocooné ou revigoré, juste pour partager, le temps d'une lecture, une vie entière.
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Egger face Nord.
Encadré en début et fin de roman par le chevrier Jean des Cornes, apparition hallucinée, mourant vivifié et mort vitrifié, Andreas Egger va dérouler sa vie dans les Alpes autrichiennes de 1902 à 1981. Il ne quittera la montagne que pour rejoindre le front de l'Est dans le Caucase durant deux mois avant d'entamer une longue détention dans un camp russe pendant huit ans. Elevé à la dure par un fermier, tuteur armé d'une baguette de coudrier, Andreas sera roué de coups pour un reproche infondé et conservera à vie une claudication invalidante. Après s'être loué pour de durs travaux mal rémunérés, il sera employé par l'entreprise Bittermann investie dans la construction de téléphériques. La vallée va drainer un tourisme vert et un développement économique conséquent. Egger participe modestement en tant qu'ouvrier à l'« ouverture » de son village et acquiert son autonomie en vivant modestement. Il découvre enfin l'amour à travers Marie, jeune serveuse à l'auberge du village mais la nature va frapper aveuglément. A travers les coups et les blessures, Andreas Egger continue sa trace stoïquement, s'adaptant aux circonstances, à la limite du dénuement.
Livre mince de 144 pages mais dense par son contenu, « Une vie entière » se lit d'une traite et frappe l'imagination tant le style épuré de l'auteur met en relief le moindre événement. Sans pathos mais avec force, le récit dessine la geste immémoriale des hommes de peu, grands par leur humanité mais mis au ban de la modernité, du business et du clinquant.
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La vie d'un homme modeste : assez proche de "Joseph"de Marie-Hélène Lafon, je pense aussi évidemment, à cause du contexte montagnard, à Ramuz
Mais ici, pas de travail direct sur la langue comme dans les deux références précitées : des images, des visions, des instants de "grâce".
Passionnant !
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Une merveille...l'histoire simple d'Andreas Egger, un homme simple qui a mené une vie simple dans son petit village de montagnes. Vie magnifiée par l'écriture simple de Robert Seethaler, mais tellement vraie, tellement naturelle, tellement humaine, tellement touchante...
L'auteur nous montre par ce récit qu'il n'est nul besoin de conter des exploits, ni des aventures extraordinaires, ni encore de dépeindre des personnages hors du commun, pour capter le lecteur, le charmer, l'envoûter. Bravo à Elisabeth Landes pour cette belle traduction !
La couverture de ce Folio n'attire certes pas le regard, mais ce récit est absolument grandiose, magique... alors aucune hésitation, foncez !!!...
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