Une -rumeur s'élève : les snack-bars d'un grand magasin à succursales sont disposés à servir les Noirs, mais on fait de la discrimination dans la façon de les servir. Ils trouvent, dit-on, des noisettes véreuses dans la crème glacée, et on leur sert des steaks hachés dont la viande est frelatée. On le raconte, certains le croient, d'autres ne le croient pas, mais cela se répète. En un temps très court, le bruit peut circuler à travers tout le pays.
Ce sont toutes ces médisances ! On parle, on parle, et on n'aboutit à rien ! Cela ne résout rien ! Et, ces temps-ci, nous ne cessons de craindre que cela puisse nous arriver, à nous ! Vivre ainsi, en parlant des malheurs d'autrui, en redoutant que notre tour puisse venir... Qu'y a-t-il de pire, mon Dieu?
N'empêche qu'on en parlerait ! Il suffisait que le bruit fût lancé, et qu'on le répétât, pour que le mal fût fait. Vrai ou faux, le fait qu'une histoire pareille pouvait circuler" dans Bayard suffisait à vous remplir d'horreur.
Pendant la guerre, il circulait beaucoup de rumeurs semblables. Certaines d'entre elles étaient d'origine ennemie, nous avons pu le constater ; mais on n'a pas besoin d'une guerre et de ses psychoses pour que les rumeurs se répandent...
Dès leur entrée dans les classes supérieures du lycée, les jeunes filles aspiraient à beaucoup plus de mondanités que leurs familles ne le jugeaient bon pour elles. Les soirées dansantes au cercle constituaient un compromis. Il n'était pas nécessaire d'y être conduite par un cavalier ; le fait de passer une danse n'était pas signe d'un échec social, et les jeunes filles se confondaient sans peine dans la masse.