Ne me demandez pas pourquoi ; j'ai lu cet ouvrage collectif dans le sens rigoureusement inverse de l'ordonnancement proposé des articles. Je ne sais donc pas pourquoi je l'ai fait mais je sais que ma lecture a fait tout aussi sens que si je l'avais menée dans l'ordre proposé. Sans doute peut-on y voir un gage de qualité dans la cohérence et la complémentarité des dimensions et des approches proposées pour traiter le sujet (qui vont de l'histoire à la thermodynamique en passant par la philosophie autant que les sciences écologiques et même la fiction). Un peu à l'image de Collapsus, l'ouvrage réunit de bons spécialistes. Mais il s'en distingue en ne proposant pas un état des lieux de la catastrophe (dont certaines dimensions sont ici ou là mentionnées) mais en proposant une véritable archéologie de la situation, mobilisant une somme de savoirs et d'éclairages intéressante. C'est un bon complément à Collapsus ou une confirmation de la fin de la megamachine (quoi que ce dernier soit le résultat d'un seul auteur et reste pour moi, à ce jour, la meilleure - et pour tout dire excellente - synthèse sur le sujet : comment a-t-on pu en arriver là ?)
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Je remercie tout d'abord Babelio et les Editions Les Liens qui libèrent pour l'envoi de ce livre dans le cadre de l'opération Masse critique.
Cet ouvrage réunit de nombreux spécialistes dans différents domaines (économie, histoire, littérature, philosophie, physique, journalisme, agronomie...) qui vont faire un état des lieux de notre société en analysant ses défauts, son évolution et son devenir et en proposant parfois des solutions pour un meilleur avenir de l'humanité.
Cet éclectisme des auteurs et des sujets est plutôt intéressant et, dans l'ensemble, les textes sont très abordable. Évidemment, chaque auteur a son style et sa qualité d'écriture, et puis on ne se passionne pas forcément sur tous les sujets, alors on pioche, ici et là, les textes qui nous interpelles et nous intéresse.
Les sujets sont classés en grandes thématiques qui nous permettent de mieux comprendre les problématiques de notre société. J'ai été particulièrement intéressé par les sujets sur l'environnement (les énergies fossiles, la perte du sauvage, la surpopulation), sur l'économie (la croissance, le capitalisme, la finance débridée, la dette), et sur l'histoire et l'Homme (l'invention de l'agriculture, les religions, l'individualisme). Certains sujets étaient plus complexes ou trop philosophiques pour moi pour m'y attarder mais dans l'ensemble, sur ces 25 textes (+ intro et bilan), j'ai été agréablement surpris par leur accessibilité pour la majeure partie d'entre eux (j'avouerai qu'à l'ouverture du livre, j'ai imaginé des textes trop complexes et abstraits).
Un livre qui nous permet de découvrir notre société à travers de nombreux spécialistes et de se forger notre propre opinion sur l'avenir de l'humanité...
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Un livre foisonnant et divers, tout à la fois utile pour l'analyse plurielle des causes de la catastrophe et incomplet quant aux solutions envisageables. Ouvrage indispensable mais qui appelle un « à suivre », tant le « tissage final » des auteurs laisse le lecteur sur sa faim.
Au-delà des généralités, on attendrait des propositions non seulement concrètes mais réalistes et mobilisatrices. Des pistes d'action permettant d'ouvrir quelques perspectives pour un avenir humain aujourd'hui plus que menacé, alors qu'a déjà débuté, en divers lieux de la planète, le cycle des catastrophes climatiques annoncées (records absolus de chaleur, inondations dévastatrices, feux de forêt incontrôlables …). Et qu'on voit poindre ce que pourraient en être les conséquences politiques : les pays autoproclamés « démocratiques » évoluant vers des régimes de moins en moins libéraux, l'autoritarisme et la répression prenant progressivement le pas sur la concertation et le dialogue. Un avenir qui semble, lui aussi, avoir commencé.
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(…) ce que la crise du Covid-19 illustre par ailleurs, c'est qu'une baisse de la production et des transports telle qu'elle devrait se faire constituerait, au sein du cadre capitaliste, un désastre économique et social pour des milliards de personnes.
Par conséquent, ce constat vise à pointer deux choses : d'une part, les différents défis qui se posent, tels que le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources, la destruction de la biodiversité et des milieux naturels, la perte d'autonomie et de résilience, la fragilité des chaînes d'approvisionnement et les conséquences en cascade en cas de choc externe, sont bel et bien causés et/ou grandement favorisés par les principes mêmes du capitalisme, tels que l'accumulation sans limites, la focalisation sur le profit à court terme, la concurrence généralisée et surtout la mainmise de l'économie sur l'ensemble de la société.
Et d'autre part, l'essentiel des facteurs considérés comme déterminants de la catastrophe en cours, tels que la croissance économique, la surconsommation, l'agriculture industrielle ou la combustion des énergies fossiles découlent en fait intrinsèquement des logiques capitalistes. Par conséquent, toute politique radicale (au sens étymologique du terme) ne peut que pointer ce système moribond comme le facteur fondamental du désastre en cours.
(Renaud Duterme - sous l’entrée « Le capitalisme » - p. 66)
« Sixième extinction de masse d'espèces », « écosystèmes durablement pollués par des toxiques », « réchauffement climatique », « perturbations des équilibres physico-chimiques », « menace des conditions de vie des habitants humains et non-humains », « pandémie du COVID-19 », voici quelques expressions couramment utilisées pour désigner l'état catastrophique du monde aujourd'hui dans de nombreuses arènes écologistes.
Comment en est-on arrivé là ? Par quels changements, choix politiques, orientations économiques ou inventions technologiques la surface de la planète se retrouve entraînée le long d'une pente destructrice qui paraît sans fin ?
Depuis les années 2000, des chercheurs se confrontent à ces questions à travers les thématiques de l'effondrement et le concept de I'Anthropocène. L'Anthropocène désigne cette ère géologique dans laquelle nous serions aujourd'hui, où les êtres humains sont devenus l'une des forces géologiques majeures laissant des traces dans les strates de la planète.
À quand donc remonte l'avènement de cet âge, de cet « Anthropos » ? (…) les trois principales dates proposées font peu de cas de l'histoire coloniale et impériale du monde : 1610 pour le point de concentration de carbone dans l'air le plus bas précédant l'augmentation ; 1800 suivant la révolution industrielle et le recours massif à la machine à vapeur ; et 1950 de par les traces laissées par les bombes nucléaires . En l'occurrence, la mise en esclavage de Noirs africains, les génocides des Amérindiens, la contribution de l'esclavage et la traite négrière au développement du capitalisme, tout autant que les violences imposées aux peuples colonisés pour les essais de bombes nucléaires, sont au mieux présentés comme négligeables, au pire, passés sous silence. En résulte l’idée qu’il ne serait pas nécessaire de prendre en compte les expériences coloniales et esclavagistes pour faire face aux bouleversements destructeurs des équilibres écosystémiques de la planète. Tel est l’impensé colonial de l’écologie.
(pp. 85-86)
Solitude, égoïsme, vulgarité insigne de l’homme blanc : Regardez ! J’ai tué ça ! Tirée à cent mètres, la balle est fatale ; décochée à dix mètres, la flèche empoisonnée ne fait souvent qu’affaiblir. Alors que les risques sont réduits par la technologie, l’orgueil, lui, enfle, gonfle, se boursoufle à l’infini. Les non-humaines ne transforment pas en trophée la tête ou le corps des animaux qu’ils tuent. De manière générale, ils ne tuent que ce qu’ils peuvent consommer.
Il suffit en effet que le taux de croissance soit constant (disons 2%) pour que la quantité ajoutée chaque année soit supérieure en valeur absolue à la quantité ajoutée l’année précédente. Le « gâteau PIB » grossit dont chaque année […], et chaque année d’un montant plus grand.
Une telle dynamique économique paraît d’emblée insoutenable dans la durée. Il n’existe en effet pas, à notre connaissance, de processus « naturel » de croissance d’une population (d’animaux ou de végétaux) ou de toute autre variable, qui soit à la fois exponentiel et infini.
Lorsqu’elles croissent trop et trop vite, les populations animales sont ramenés à des dimensions plus petites par les maladies, la raréfaction de leur subsistance ou la prolifération induite de leurs prédateurs.
[…]
L’économie des humains échapperait-elle à cette fatalité ?
Aucun réseau ne dépassera jamais le stade d'un tissu de solitudes reliées. Entre solitaire et solidaire, il y a le "t" de technologie à enlever pour y jeter à la place le dé des rencontres joyeuses.
Alain Damasio (p. 26)
Entretien Pablo Servigne, L'effondrement expliqué à nos enfants et à nos parents au 35 e Festival du Livre de Mouans-Sartoux