Raconter l'adolescence, et sa fameuse crise, de très nombreux livres l'ont déjà fait, parfois avec talent. Mais la crise d'adolescence d'une vampire qui est coincée depuis 300 ans à l'âge de 17 ans, c'est beaucoup moins commun. Et si en plus on vous dit que c'est une histoire de
Joann Sfar, vous vous doutez bien qu'on plonge dans une histoire bien particulière et unique en son genre. Cette histoire, c'est
Aspirine.
Pas facile la vie quand on a 17 ans diraient certains, et encore moins facile quand ça dure depuis 300 ans et qu'on vit avec sa soeur (vampire elle aussi) qui elle a la chance d'être restée à l'âge de 23 ans et au sommet de sa beauté physique.
Aspirine, c'est l'histoire de cette adolescente qui a eu 300 fois 17 ans, et autant de crises d'ado.
Elle est étudiante à la Sorbonne, en philo, et semble blasée de tout, même de voler au dessus des toits de Paris. Un de ses rares plaisirs, c'est de dévorer au sens propre les amants d'un soir de sa soeur Josacine, qui elle est moins aux prises d'une crise existentielle. Quand
Aspirine va rencontrer Yidgor, l'un de ses rares camarades de promo, elle va apporter à ce jeune mi geek mi goth féru de jeux de rôles et des romans de
H.P. Lovecraft ce dont il rêvait pour rompre avec l'ennui de ce monde : de la magie.
Le problème, c'est qu'
Aspirine ne veut pas de
lui du tout. Mais sans être insistant, il ne va pas pour autant abandonner. Et quand finalement
Aspirine va s'intéresser vaguement à
lui pour rompre son ennui, ils vont finir par s'apporter bien plus qu'ils ne l'imaginaient.
Référencé mais accessible, et loin d'être une version bd d'une histoire mièvre pour ados à la Twilight,
Aspirine est une véritable aventure dans un monde peuplé de créatures fantastiques et mythiques, parfois même de personnages romanesques comme Cthulhu et
Sherlock Holmes, mais un monde pas si étranger que ça puisque l'histoire se déroule dans le Paris d'aujourd'hui, légèrement fantasmé. Et c'est l'une des particularités d'
Aspirine, c'est de traiter de thématiques fantastiques dans un univers bien réel.
Aspirine, plus encore que l'adolescence c'est la jeunesse d'aujourd'hui, qui, comme l'a déclaré
Joann Sfar il y a quelques mois sur France Inter, hérite de conflits qui ne sont pas les siens et d'un monde dévasté dans lequel elle ne se reconnaît pas. Sans tomber dans les clichés,
Joann Sfar insuffle plus qu'une part de sa personnalité à son ado vampire, il
lui insuffle sa conscience sociale et politique du monde actuel au travers de la colère, de la rage bouillonnante qui anime
Aspirine.
Mais surtout,
Joann Sfar oblige, on retrouve un trait dynamique qui entraine, une colorisation efficace et soignée, une histoire bien ficelée et des dialogues percutants pleins d'humour et de bon sens. Il n'édulcore ni n'exagère les traits de caractères et les pensées de ses personnages. Au contraire, ils sont tous entiers, très directs, complètement paumés mais animés par une envie d'autre chose, d'ailleurs.
Avec
Aspirine,
Joann Sfar nous offre encore un exemple de ses qualités de dessinateur mais aussi de son talent de conteur. Il délivre une histoire qui accroche assez vite, qu'on prendra plaisir à suivre, à relire mais aussi à collectionner car c'est aussi un beau livre.