C'est toujours compliqué de critiquer une bande dessinée de
Joann Sfar, on ne sait jamais trop définir ce que l'on en a pensé. Sans doute que son écriture et la structure de ses récits sont toujours assez évasifs. Il semble écrire ses scénarios en écriture automatique, se laissant guider par ses personnages, nous distillant des réflexions impromptues de ci de là. du coup, en ce qui me concerne, ça passe ou ça casse. En général, ça dépend beaucoup du personnage qu'il nous propose.
Aspirine est une vampire en pleine crise d'adolescence, une adolescence quasi éternelle qu'elle traîne comme une malédiction bien plus terrible que d'être une vampire : “Ça fait trois cent ans que je suis persuadée que tous les adultes sont débiles. Et du fait de mon grand âge, je mesure à quel point, moi aussi, je suis désespérante.”
Les répliques sont drôles, les réflexions totalement irrespectueuses, pas toujours très politiquement correctes, “
Aspirine, tu es désespérante. Et raciste.” Elle se revendique avant tout “rebelle”, se moque de notre époque : “Oui, bon, c'est un cours avec quatre élèves. Si au lieu de “Philo” vous mettiez “Religion”, ce serait plein. Époque de merde !” Et elle ne respecte rien, surtout pas les autres, comme ce pauvre Yidgor qui la suit comme un admirateur éperdu, ou le beau professeur de philo.
Le graphisme est très brut, presque agressif, avec quelques envolées lyriques, beaucoup de mouvement, ça tourbillonne, comme dans la tête d'
Aspirine, avec des couleurs vives et intenses, il y a une forme de violence dans le style, le graphisme aussi participe à la grosse crise d'ado.
L'histoire est totalement pétillante, un joyeux délire dans le monde de l'irrespect, c'est un récit sur les attirances, tourné autour de l'attrait de la marge. On dirait que
Joann Sfar traîne lui-même son adolescence éternelle au fil des pages.
J'ai aimé ce personnage, parce que c'est bon, même passé 50 ans, de se faire une petite crise d'adolescence de temps en temps, je dis ça pour moi, mais je suis sûr que je ne suis pas le seul.