Je ne veux pas être adulte, je veux seulement grandir.
J’allume la lampe. J’ouvre le livre que j’ai commencé à lire aujourd’hui dans le bois. Le médecin de l’histoire rendait régulièrement visite à tous les villageois afin de constater leur état de santé. Il n’attendait pas que les gens tombent malade. Il félicitait ceux qui étaient en bonne santé et leur demandait d’expliquer aux autres leur recette. Il n’a pas gagné d’argent car le nombre de malades diminuait de plus en plus (p. 63).
Je marche quelques pas derrière ma mère pour aller à l'église. Je vois sa jupe évasée s'agitant au rythme de sa marche et de ses longs cheveux noirs. Les couleurs des fleurs d'hortensia. Le bruit de la pluie, qui tombe sur le parapluie de papier huilé. Les escargots. La barbe noire de l'homme étranger. La silhouette de la petite fille s'éloignant avec son père. Et le bruit du coquillage.
Je fixe les deux photos dans la main de ma mère. Je prends celle de Yukiko avec le petit garçon « moi ». Ma main tremble. La photo est tombée, sur la face. Là, je vois quelques mots ajoutés, à l’écriture incertaine. Je lis: « Mon fils, tu m’es plus cher que tout au monde ». (p. 111)
Je regarde de nouveau le visage de ma mère et je prends sa main, qui refroidit peu à peu. Mes larmes tombent sur nos mains.
Elle lève les yeux au ciel : "Je pense à ce qui arrive à la mémoire après la mort. Ce qu'on a dit, ce qu'on a pensé, ce qu'on a appris... Où ça va après la mort ?"
Je réponds: "Je ne pense pas à la vie après la mort. Je crois que la mémoire disparaît au moment de la mort."
Elle demande : "Comment peut-on savoir que la mémoire disparaît ? On sait que le corps, incinéré ou enterré se décompose, parce qu'il possède une forme matérielle. Mais la mémoire, qui n'a pas de forme, comment peut-on savoir qu'elle disparaît ?"
ELLE chuchote à mon oreille :
— Je pourrai être ta femme quand je serai grande ?
Je dis à voix basse :
— Oui, bien sûr ! Mais pourquoi aimerais-tu être ma femme ?
ELLE dit :
— Parce que tu es gentil comme mon père. Tous les garçons que je connais sont méchants. Ils se moquent des filles.
Et tout à coup, ELLE se lève :
— J'oubliais !
ELLE sort de son sac à dos deux coquilles de hamaguri, jointes avec une bande de papier. Le coquillage est si grand qu'ELLE le tient des deux mains. ELLE dit en me le tendant :
— C'est pour toi. J'ai écrit ton nom et mon nom aux creux des coquilles et j'ai mis un petit caillou dedans.
Je dis :
— Merci. Mais je ne sais pas lire.
ELLE dit : — Ce n'est pas grave. Tu apprendras bientôt à l'école. Moi, j'ai déjà commencé à la maison avec ma mère.
La lecture enrichit l'esprit.
Je demande à mon père :
Les Américains ont massacré tous les soldats jusqu'au dernier ? Comment ?
Il répond :
- C'est le gyokusaï. On se suicide avant d'être capturé.
Je marche quelques pas derrière ma mère pour aller à l'église. Je vois sa jupe évasée s'agitant au rythme de sa marche et de ses longs cheveux noirs. Les couleurs des fleurs d'hortensia. Le bruit de la pluie, qui tombe sur le parapluie de papier huilé. Les escargots. La barbe noire de l'homme étranger. La silhouette de la petite fille s'éloignant avec son père. Et le bruit du coquillage. (p. 81)