Ce court essai de
Jean-Roch Siebauer – moins d'une centaine de pages ponctuées par quelques illustrations – est une singularité, un objet littéraire difficilement identifiable, l'un de ces bijoux d'étrangeté sur lesquels on ne tombe que trop rarement et de ceux qu'on relit. le texte est morcelé et progresse par associations d'idées, comme on complète, un objet après l'autre, un cabinet de curiosités ; le titre en est à lui seul annonciateur.
L'auteur présente dans la préface son texte comme « [u]n chaos d'objets, d'images, de textes, de mots – des fragments de lectures, de regards de trucs et de machins – (bric-à-brac, érudition ? – cabinet d'amateur, plutôt« . le livre constitue en effet un étonnant, et parfois déroutant, travail de compilation. Mythologie, anatomie, entomologie, art, littérature… les domaines correspondant aux objets, oeuvres et anecdotes évoqués sont nombreux.
Si l'accumulation de ces fragments suffit à rappeler le travail patient du collectionneur constituant son cabinet de curiosités, la thématique est également présente à travers les objets dont il est question et qui auraient physiquement leur place dans une vitrine : insectes, poupées, préparations anatomiques, modèles en cire…
Pêle-mêle sont confrontés ici notamment le mythe de Diane et Actéon, les sirènes, la petite Alice Liddell mise en scène par
Lewis Carroll, la
Lolita de
Vladimir Nabokov, Mélusine, Barbie, ainsi que les poupées d'
Oskar Kokoschka et
Hans Bellmer. L'auteur, à travers ces évocations, explore, décortique, dissèque l'obsession pour la jeune fille, la vierge, l'image féminine idéalisée, fantasmée, fabriquée, source de danger… Il tourne autour d'un vide, celui de la chrysalide, de l'incision réalisée par l'anatomiste, de l'intérieur creux de la poupée, du sexe féminin et, en se jouant des acceptions et étymologies, du stade de transition que constitue la nymphe, entre chenille et papillon.
Jean-Roch Siebauer prend un malin plaisir dans ce texte à pointer, souligner et exacerber les ambiguïtés. le propos est noir, ironique, non dénué d'un certain humour et sait piquer à propos : l'auteur met fréquemment le doigt où ça dérange. Entre les fragments juxtaposés, dont l'association à première vue improbable ne manque jamais d'être significative, il trace en pointillés des liens lourds de sous-entendus. L'essai s'achève par un glossaire qui n'en est pas exactement un, où l'auteur prolonge ses thématiques, continue de distiller des images et du sens dans des définitions partielles et biaisées. Là encore, il montre, suggère et laisse le lecteur à sa réflexion, le propos de ce bref essai se déployant autant, si ce n'est moins, sur la page qu'entre ses lignes.
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