"
La fille du Nil" de
Gilbert Sinoué qui en principe clôt la" Saga Égyptienne" est plutôt un abandon en catastrophe d'un projet qui a très évidemment besoin d'un troisième tome. "
L'égyptienne" , le premier tome, raconte l'histoire de la création de la nation d'Égypte effectuée par Mohammed-Ali à l'époque Napoléonienne. Au début du deuxième tome, on nous promet le récit du saisi du Canal de Suez par la Grande Bretagne et la mise en tutelle de la dynastie des Alaouites fondé par Mohammed-Ali. Ce que le roman fait par contre est d'expliquer comment l'Égypte a décidé de construire le canal et d'introduire les dirigeants du pays qui vont se faire jouer par les Britanniques. À la fin du roman,
Sinoué place une annexe qui tient lieu "de la rédaction d'un volume à part" qui décrit en dix pages le débâcle qui a suivi. C'est carrément pas assez.
Sinoué nous laisse une saga inachevée.
"
La fille du Nil" plaira quand même à ceux qui ont lu "L'Égyptienne" car il donne une suite au premier tome. Mieux encore, le roman décrit très bien les efforts de Mohammed-Ali faire reconnaitre l'Égypte par les pouvoirs européens (la Grande Bretagne, la France, la Russie, la Prusse et l'Autriche) comme un état indépendant et non un vassal de l'Empire ottomane (la Sublime Porte). Aussi,
Sinoué explique que la Grande Bretagne voulait empêcher la construction du canal de Suez parce qu'elle croyait que le canal compromettrait son monopole du commerce de l'Inde.
Sinoué fait plusieurs critiques des politique des pays de l'Europe qui sont très important. D'abord c'était immorale de la part de la Grande Bretagne qui cherchait à protéger ses intérêts économique d'appuyer l'Empire ottomane dans son bras de fer avec sa province égyptienne qui voulait sa liberté. Deuxièmement c'était très lâche de la part de la France de s'aligner avec la Grande Bretagne dans son opposition à l'indépendance égyptienne. Finalement, la Grande Bretagne, la France et les autres pouvoirs de l'Europe ont convaincu les peuples arabes qu'ils n'étaient que des impérialistes qui voulaient uniquement les exploiter. Les thèses de
Sinoué sont donc toujours très actuelles.
Malheureusement, la saga de la famille de Chédid qui est très intéressant dans "L'Égyptienne" devinent ennuyant dans "La fille de Nil". Shéhérazade Chédid, l'héroïne du premier tome, est une femme passionnée qui aura trois grands amours (avec deux maris et un amant). Giovanna, la fille de Shéhérazade et héroïne de "La fille de Nil" ne s'intéresse pas aux hommes de son âge pendant presque tout le roman. Elle choisit plutôt de lutter avec sa mère pour l'amour de son père. le mariage de Giovanna in extremis avec Saïd le fils de Mohammed Ali qui deviendra Pacha en 1854 est mal préparé et mal expliqué. Il sert seulement à placer un membre la famille Chédid au cour des événements de la construction du canal et la transformation d'Égypte en colonie (condominium) franco-anglaise qui surviendront après les événements de "La fille de Nil".
Aussi à signaler, il y a l'intrigue secondaire impliquant Corinne Chédid la nièce de Shéhérazade et cousine de Giovanna qui est très maladroite. Samara Chédid la mère de Corinne est séduite par un militaire francais pendant l'occupation Napoléonienne d'Égypte et le suit en France où il l'abandonne. Né dans la pauvreté extrême, Corinne sa fille devient membre du secte
Saint-Simon qui la ramène en Égypte. Là, Corinne retrouve sa famille et épouse son cousin. C'est une histoire bourrée d'improbabilités et peu intéressante qui sert seulement à relier la famille Chédid à mouvement saint-simonien qui a joué un très grand role dans l'histoire du canal du Suez.
Comme texte qui met de la lumière sur une époque historique importante, "
La fille du Nil" n'est pas mauvais. Comme roman qui raconte le parcours d'une famille, c'est une désastre.