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Françoise Maurel (Autre)
EAN : 9782748537864
304 pages
Syros (01/02/2024)
4.65/5   105 notes
Résumé :
- /!\ réécriture du roman paru sous le titre 'Raisons obscures' -
Ce roman choc explore la mécanique qui enferme une élève dans le rôle de la victime, tandis qu'une autre s'est muée en bourreau.
Elles sont dans la même classe de troisième. Elles auraient pu être amies. Mais Sarah, élève populaire qui aime dominer, décide de cristalliser les regards et la haine sur Orlane, une nouvelle à l'allure sage. Sans raison particulière : peut-être parce que Orla... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (46) Voir plus Ajouter une critique
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Une histoire qui parle du harcèlement scolaire, un sujet , malheureusement d'actualité; Ce livre met en avant la violence de Sarah face à Orlane. Cette jeune fille vient de quitter Toulouse , avec sa famille . Nouvelle vie , , se trouver de nouveaux amis , elle qui respire la joie de vivre , une élève brillante, et fière de sa passion de la magie. Ce nouveau départ va s'avérer être une véritable catastrophe , un véritable cauchemar. Dés la rentrée, Sarah star du collège, s'en prend à Orlane, son physique son apparence sont objets de moquerie pour elle et ses amis. Nous assistons, impuissants, face à la détresse d'Orlane, nous assistons à sa descente aux enfers ,dans les méandres de la folie de Sarah et sa clique A travers ce récit, l'auteure donne la parole à plusieurs personnes qui auraient du ouvrir les yeux face à ce drame. Pour Sarah , il n'y aura aucune limite, elle la harcèlera de sms, de messages via les réseaux sociaux, jusqu'à téléphoner tard dans la nuit chez elle. Orlane n'en peut plus, elle est épuisée, elle a peur, elle est prête à mettre fin à ses jours pour que ce cauchemar cesse. Arrivera t-elle à prendre la bonne décision? Un roman révoltant, bouleversant, comment ne rien voir venir lorsqu'un enfant est en perdition totale, voir une mélancolie s'installer, comment ne pas voir le changement physique et psychologie d'une victime. Un roman qui fait mal, qui fait peur. Il faut rester à l'écoute le milieu scolaire , doit ouvrir les yeux et détecter les premiers symptômes, ils sont le mieux placés . On ne peut pas dire si ce roman est une pépite, un coup de coeur , c'es impossible. Un roman à mettre entre toutes les mains, à roman que les adolescents et parents doivent absolument lire. Il faut arriver à éradiquer ce fléau. le titre du roman est assez explicite , résumé du cauchemar qu'Orlane subit.
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Venant d'apprendre qu'elle souffre de diabète, Sarah compte bien garder cette information secrète en ce début d'année scolaire. Très populaire au sein du collège, elle tient à conserver son taux de popularité, ainsi que la mainmise sur ce troupeau d'amies prêtes à tout pour faire partie de sa bande. Lorsqu'elle repère une nouvelle élève un peu paumée, qui se tient à l'écart du reste, elle décide de détourner l'attention de sa propre maladie en pointant du doigt celle qui deviendra bien malgré elle le souffre-douleur de toute la classe… Orlane !

Sarah et Orlane ne sont pas des inconnues pour ceux qui ont déjà lu « Raisons obscures », roman dont je conseille d'ailleurs vivement la lecture. « Ne vois-tu rien venir ? » s'avère en effet être une sorte de réécriture de « Raisons obscures », proposant la même histoire mais sous un angle différent. Si la version précédente se concentrait principalement sur les tracas des parents, allant de soucis professionnels à des problèmes de couple, invitant les lecteurs à découvrir les détails annonciateurs du drame qu'Amélie Antoine laissait entrevoir dès les premières pages du récit, cette nouvelle version qui vise des lecteurs plus jeunes relègue les parents au second plan, propulsant les lecteurs au milieu du combat inégal entre cette harceleuse et sa victime… là où de nombreux drames se construisent, dans la cour de récré !

« Ne vois-tu rien venir ? » propose en effet un récit à deux voix, celle de Sarah, véritable star de l'école et peste de service, et celle d'Orlane, gamine passionnée de magie, qui aimerait bien devenir invisible au fil des pages, afin de pouvoir échapper aux persécutions des autres élèves. Cette descente aux enfers qui s'étale sur une année scolaire complète et qui conduit inévitablement au drame est entrecoupée de témoignages de ceux qui n'ont rien vu venir. du corps enseignant aux parents, en passant par les autres élèves, tous viennent expliquer après les faits pourquoi ils n'ont rien vu, voire rien pu ou voulu faire.

« Ne vois-tu rien venir ? » est un récit insoutenable, qui remplit le lecteur d'un mélange de colère, d'impuissance, de frustration, d'écoeurement et d'effroi au fil des pages et lui donne constamment envie de crier « STOP »… il faut absolument que le harcèlement scolaire cesse !

« Ne vois-tu rien venir ? » est un cri d'alerte indispensable, visant à sensibiliser les adolescents au harcèlement et invitant les témoins directs ou indirects à tendre la main à ces victimes, de plus en plus nombreuses, qui n'ont plus nulle-part où se mettre à l'abri au coeur d'une société où les réseaux sociaux amplifient encore ce fléau… un harcèlement scolaire qui se prolonge malheureusement loin en dehors des établissements scolaires, poussant de trop nombreux jeunes au désespoir. STOP !
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Limiter Amélie Antoine à la rédaction d'un unique roman serait une grave erreur. Mais à l'instar de plusieurs de ses lecteurs, je trouve que Raisons obscures est probablement son livre le plus abouti. C'est celui que j'ai le plus prêté ou offert autour de moi, et tous les retours que j'ai pu avoir ont été presque unanimement enthousiastes. Je ne vais pas en refaire l'entière chronique ici mais j'en retiendrai toute ma vie le concentré d'émotions et la construction d'une grande intelligence.
Si vous êtes passés à côté et que vous ne voulez rien connaître de plus sur son intrigue, alors précipitez-vous chez votre marchand de journaux. le numéro 1 est disponible en poche chez Pocket pour 8,60 € seulement !
Si vous n'avez aucune intention de le lire, réfléchissez encore un peu quand même, avant qu'il ne soit trop tard.
Si vous avez déjà eu la chance d'en tourner les pages ou du moins que vous en connaissez déjà le thème, rendez-vous au second paragraphe.

Raisons obscures fait aussi partie de ces rares livres qui ont amélioré des vies, et qui en ont même sauvées. Et ça n'est pas juste une façon de parler.
Avec le titre de l'album de Louis Chedid de 1985, Anne, ma soeur Anne, Ne vois-tu rien venir ? vient compléter les célèbres paroles de Charles Perrault dans Barbe bleue. Il est encore temps de se rendre compte et d'agir en conséquence, mais la situation prête au pessimisme. Qu'il s'agisse d'empêcher un féminicide, de prévenir des dangers de la montée de l'extrême droite ou, comme ici, de prévenir les témoins directs ou indirects du harcèlement scolaire.

Raisons obscures était d'abord axé sur le quotidien des parents d'Orlane et Sarah, la proie et celle qui s'en amuse, trop absorbés par leur propres soucis pour se rendre compte de ce qui se passait juste sous leur nez, incapables de voir que les arbres devant eux cachaient une forêt.
Une première partie qui était parfois jugée plus faible ou moins intéressante pour un lectorat plus adolescent.
Ce qui ne m'avait pas empêché de le prêter à ma nièce après qu'elle se soit confiée à moi sur son isolement à l'école, pour qu'elle se rende compte que ce qu'elle endurait n'avait rien d'anodin, rien de justifiable, et qu'elle ne devait pas laisser empirer la situation sans se confier.
Elle a adoré, que ce soit le point de vue des parents ou celui des deux collégiennes.
Et elle a rapidement retrouvé sa place auprès de ses copines, quittant la statistique de dix pour cent d'élèves victimes de harcèlement scolaire en France.

J'avoue que j'appréhendais la lecture de ce roman qui, s'il a été énormément retravaillé, repensé et réactualisé, respecte totalement la trame originale. N'aurais-je pas du garder le souvenir de ma première lecture, si marquante ? Ne risquais-je pas d'avoir simplement droit à une version édulcorée par rapport à la violence et à la noirceur de l'original ?
Absolument pas.
C'est à peine à vrai dire si j'ai remarqué que Ne vois-tu rien venir ? était adressé à des lecteurs plus jeunes. J'ai juste trouvé dommage dans cette version que rien de précis ne nous soit révélé sur la crise de couple des parents d'Orlane, devenue certes très secondaire. Les émotions avaient toujours autant d'impact, en particulier la colère et l'angoisse. Je me rappelais très bien du dénouement de Raisons obscures. Très vite différents témoignages viennent s'intercaler au fur et à mesure que les mois de l'année scolaire s'écoulent et laissent s'exprimer tous ceux qui n'ont rien vu venir. Les parents bien sûr, mais aussi le corps enseignant ou les différents élèves du collège des Horizons. Autant de témoins ou parfois d'acteurs d'une inexorable tragédie.
Peut-être la même.
Ou pas.
Et même si le roman a pour héroïnes deux filles de troisième et qu'il se déroule essentiellement au collège, je dirais qu'il s'adresse cette fois autant aux adolescents - harcelés ou non - qu'aux parents ou à un corps enseignant pas toujours préparé mais souvent aux premières loges. Et j'ai envie de généraliser parce qu'après tout, la mécanique du harcèlement est souvent la même. Qu'il soit moral, sexuel, conjugal, professionnel ou scolaire, c'est l'art épouvantable de dévaloriser, de pousser quelqu'un à se sentir inutile, au mieux un objet d'amusement.

Il n'y a aucune raison cohérente pour qu'Orlane devienne la cible de Sarah. La façon dont elle porte son sac le jour de la rentrée, comme l'illustre joliment la couverture. Un nez légèrement busqué. Son statut de nouvelle élève. En tout cas pas sa faiblesse : Orlane est joyeuse, optimiste, courageuse et s'intègre normalement facilement. Rien ne la prédestinait à devenir le point de mire de la peste de service.
Sarah est quant à elle atteinte de diabète, ce qui doit rester un secret et ce qui est en gros la seule parcelle d'humanité de cette jeune femme populaire, arriviste, égoïste, superficielle qui choisira la petite nouvelle comme exutoire à sa maladie.
Je précise au cas où je n'aurais pas été clair qu'elle m'est sortie par les trous de nez.
L'affrontement aurait été plus équilibré si toutes les amies de Sarah n'avaient pas également participé aux humiliations d'Orlane, devenue insecte englué dans leur toile d'araignées. Isolée dans la souffrance et les idées noires.
Les enfants peuvent rivaliser d'imagination quand il s'agit d'être cruels entre eux.

Au-delà d'une descente aux enfers comme tant d'adolescents peuvent en vivre, Ne vois-tu rien venir ? est surtout un message d'alerte. le drame annoncé aurait pu être évité et Amélie Antoine donne même quelques armes aux enfants harcelés murés dans le silence pour qu'ils puissent envisager de s'en sortir seuls.

Et puis la romancière insiste grandement sur la part de responsabilité de chacun.
Il y a toute proportion gardée celle des parents, qui doivent assez culpabiliser et se refaire le film dans leur tête, qui regrettent de ne pas avoir su communiquer avec leur enfant en le voyant plus renfermé, avec des notes en chute libre.
Il y a tous ces adultes qui ont bien vu que quelque chose n'allait pas et ont essayé de tendre la main à Orlane, à l'instar de son professeur d'anglais ou de sa bienveillante conseillère principale d'éducation. On peut leur reprocher de ne pas avoir assez insisté mais au moins ont-ils essayé.
Et puis il y a ceux qui ont participé ou, dans une moindre mesure, ceux qui savaient mais qui n'ont rien dit.
Incapables d'imaginer que de simples moqueries puissent avoir ce genre de répercussions.
"Enfin bref, je n'ai rien à voir avec toute cette histoire, moi."
"Pourquoi ça aurait été à moi de m'en mêler, au juste ?"
Parce que souvent, tous se feront exactement la même réflexion et qu'il serait dérisoire d'attendre que quelqu'un d'autre témoigne.
Parce que l'adolescence n'est pas un facteur dédouanant les individus de toute responsabilité.
Chaque témoin doit se considérer comme acteur du drame qui se joue potentiellement sous ses yeux.
Les futurs lecteurs de Ne vois-tu rien venir ? en prendront d'autant plus conscience.


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Sarah Mariani entre en 3ème et pour l'adolescente de 14 ans, cette rentrée est ultra importante. Déjà, elle appartient aux grands du collège, aux plus « puissants ». Très populaire auprès de ses camarades, elle s'est construite une réputation qui lui vaut une cour de loyaux et fidèles amis. Cette réputation, rien ni personne ne doit l'entacher. Mais il y a 3 mois, une nouvelle a tout bouleversé pour Sarah. Elle souffre de diabète, avec des conséquences sur sa santé et sur son humeur. Mais pour Sarah, hors de question de paraître différente. Elle ne veut surtout pas que cela se sache et est prête à tout pour que cela reste un secret.
Orlane Kessler, elle, est la petite nouvelle de la rentrée. Sa famille, qui vivait avant à Toulouse, à décidé de déménager pour tenter d'arranger les choses entre les parents d'Orlane. Pour la jeune fille, c'est donc la découverte d'un nouveau collège et de nouveaux camarades. Orlane se retrouve dans la même classe que Sarah mais dès le premier jour, Sarah prend Orlane pour cible de moqueries...

« Ne vois-tu rien venir » aborde le thème du harcèlement scolaire, déjà maintes fois traité dans la littérature ado avec plus ou moins de succès. Ce que l'on peut d'ores et déjà dire, c'est qu'Amélie Antoine nous présente ici un récit vraiment très réussi et ce, pour plusieurs raisons.
La construction narrative tout d'abord, est très bien maîtrisée. L'alternance des chapitres consacrés à Sarah et Orlane mois par mois, tel un double journal intime, nous fait partager les pensées de chacune des adolescentes en vis à vis l'une de l'autre. Ensuite, dès le début, le lecteur sait que quelque chose de grave s'est produit en fin d'année avec les entretiens d'enquête qui là, font intervenir l'entourage des deux jeunes filles : enseignants, parents, CPE, camarades… le processus du harcèlement, mois par mois, est donc parfaitement décrit et c'est un compte à rebours angoissant qui se déclenche.
Les personnages de Sarah et d'Orlane sont ensuite très loin des clichés habituels. Tout d'abord, le fait de découvrir Sarah dans sa vie familiale nous dresse le portrait de la jeune fille hors cadre scolaire. Est-ce que son diabète est là pour la « dédouaner » de ses actes ? Pas du tout selon moi puisque l'on sait très vite qu'elle est une harceleuse depuis déjà longtemps. Au contraire, son attitude envers sa maladie révèle surtout son obsession de toujours tout contrôler et de ne jamais perdre la face, ne jamais détruite l'image d'elle-même qu'elle a mis tant de temps à construire. Même au sein de sa famille, qui est tout ce qu'il y a de plus « normal »,elle est extrêmement égoïste.
Quant à Orlane, on est là aussi très loin des clichés de la petite adolescente timorée victime de harcèlement. C'est une ado joyeuse et optimiste, suffisamment sûre d'elle pour participer à une émission télé. D'ailleurs, au début des premiers signes de harcèlement, elle est bien décidée à ne pas se préoccuper de tout cela. Sa situation familiale ne va sûrement pas l'aider à trouver l'écoute dont elle aurait eu besoin mais c'est une situation que vivent beaucoup d'ados… Ce qui en fait nous apparaît le plus habituel dans cette histoire est l'attitude de « moutons » des autres élèves, qui préfèrent se mettre sous la coupe de la harceleuse plutôt que de devenir sa prochaine victime.
Enfin, l'entourage lui-même est cerné avec discernement. Pas d'accusation chez Amélie Antoine. Surtout des gens, qu'ils soient parents, éducateurs, camarades, qui n'ont pas vu les proportions que cela prenait, chacun préoccupé par ses problèmes, son travail, sa vie… Qui n'ont rien vu venir malgré quelques légères tentatives d'Orlane pour parler.
Et pourtant, pourtant,… le lecteur, lui, voit tout venir avec effroi avec le changement qui s'opère progressivement chez Orlane. Une Orlane qui jamais ne veut apparaître comme une victime et qui serre les dents, ravalant sa souffrance quand le moment où enfin elle aurait pu trouver de l'aide est passé.

Amélie Antoine nous offre ici un récit intelligent, glaçant et bouleversant… jusqu'à la toute dernière ligne. Des numéros d'urgence et une présentation du travail d'Emmanuelle Piquet, thérapeute française spécialiste de la thérapie brève stratégique selon l'École de Palo Alto, complètent le roman.

Un livre d'utilité publique, à faire lire à nos jeunes.
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« Ne vois-tu rien venir ? » nouveau roman d'Amélie Antoine propose un récit à deux voix, celle de Sarah, et celle d'Orlane, deux adolescentes qui auraient pu être copines, mais sont devenues ennemies jurées. La première entre en troisième, dans un collège où elle a fait toute sa scolarité et où elle est « populaire ». La seconde a déménagé de Toulouse avec sa famille et s'apprête à faire sa rentrée dans ce même collège. le texte alterne les voix des deux gamines, qui, chacune à leur tour, raconte ce qu'elles vivent au quotidien. le roman couvre une année scolaire complète dans laquelle Amélie Antoine glisse des entretiens liés à une enquête à la fin de chaque mois, où différentes personnes prennent la parole, comme si un drame terrible avait eu lieu.

Quelles sont les origines de la haine et quelles sont ses motivations ? Comment naît-elle et pourquoi ? Quels éléments se cachent derrière cette émotion intense et de quoi se nourrit-elle ? « Ne vois-tu rien venir ? » commence par l'annonce d'une mauvaise nouvelle pour Sarah. Ce qui surgit dans sa vie pourrait mettre sa popularité à mal auprès des autres collégiens et la rendre « différente » aux yeux de tous. La meilleure défense étant l'attaque, c'est assez naturellement qu'elle décide de prendre Orlane en grippe pour dévier l'attention de tous. Procédé facile, classique, mais redoutablement efficace. « Être populaire et faire partie des filles qui sont respectées et admirées, c'est du boulot ; et maintenant que je suis en troisième, j'ai bien l'intention de profiter de cet avantage. » Sa proie est toute désignée, une nouvelle dans l'école qui a l'air perdu, s'agrippe aux sangles de son sac à dos, et aurait une bosse sur le nez. « Y en a qui ne sont pas vraiment gâtés au départ, c'est quand même pas de pot d'avoir l'air nickel de face et d'être un monstre de profil, quoi ! Je sens qu'on va bien s'amuser avec elle. J'ai l'instinct pour ça. » Reste à convaincre la meute qui tourne autour d'elle de l'aider dans son entreprise de destruction massive, chose plutôt aisée lorsque l'on est si populaire. Lentement, la haine est instillée dans l'esprit de tous les « suiveurs » qui prennent chaque mot sortant de la bouche de Sarah comme parole d'évangile.

Que se passe-t-il pour Orlane ? Rapidement, dès septembre, Orlane a « la désagréable conviction qu'ici, cette fille fait la pluie et le beau temps. » Elle a conscience que Sarah a une influence énorme sur les élèves de sa classe. « Être acceptée d'elle, c'est être accepté de tout le monde. Être dans sa ligne de mire, c'est se retrouver seule en plein désert, à errer en vain pour trouver une oasis. » Orlane tente plusieurs scénarios pour échapper à l'acharnement de Sarah. C'est d'ailleurs extrêmement bien pensé de la part d'Amélie Antoine, de dérouler tous les mécanismes de défense qu'utilisent les élèves harcelés : se fondre dans la masse, essayer d'être transparents, ne pas se faire remarquer, tenter de faire ami-ami, et se rendre vite compte que cela ne fonctionne pas. Après moult tentatives, lorsque le palier de l'humiliation devant témoins est franchi, Orlane cesse d'imaginer comment elle peut lui échapper, elle ressent simplement de la peur. Cette peur, sourde, omniprésente et extrêmement vicieuse, devient malheureusement l'émotion la plus présente dans la vie d'Orlane.

Et toi, « Ne vois-tu rien venir ? » Les insultes sur les réseaux sociaux depuis différents comptes sous différents pseudos, l'obligation de quitter le groupe classe créé sur WhatsApp, les centaines de SMS d'insultes reçus, les appels la nuit ?

« Ne vois-tu rien venir ? », les adultes englués dans leurs propres problèmes qui ne savent plus voir ou sentir le mal-être terrible qui ronge leurs enfants, le corps enseignant qui a peut-être manqué d'attention, les camarades de classe qui choisissent leur camp ? « Je sais que c'est lâche, mais je ne suis pas comme toi, moi. Je ne pourrais pas endurer tout ce qu'elles te font subir depuis des mois. »

« Ne vois-tu rien venir ? », la souffrance, la honte, la culpabilité, pour l'une. le sentiment d'invincibilité, la supériorité, la fierté pour l'autre. La souffrance des deux côtés, même si elle naît de raisons obscures

En tant que mère d'une enfant qui a été harcelée à l'école, il est très difficile de prendre ce temps de réflexion pour analyser posément les choses, écouter la souffrance de son propre enfant, et savoir ouvrir suffisamment son esprit (et son coeur) pour analyser ce qui a pu se passer dans le camp adverse. C'est un exercice extrêmement difficile, car, en tentant de comprendre le bourreau, on a l'impression de trahir son propre enfant. Et pourtant, ce que démontre Amélie Antoine dans ce texte, appuyé par Emmanuelle Piquet dans la postface, est bien qu'il n'existe aucune situation où tout est noir ou blanc, et qu'il faut sérieusement se pencher sur toutes les nuances de gris, comprendre les motivations qui se cachent derrière les mots et les actes pour mieux les combattre. Aborder « Ne vois-tu rien venir ? » en mettant de côté son vécu, donc ses émotions n'est pas aisé, mais c'est nécessaire pour entendre la souffrance d'Orlane et celle de Sarah.

Le harcèlement scolaire est un fléau de notre société, générateur de drames. Je suis les travaux d'Emmanuelle Piquet depuis quelques mois. Son intervention à la fin du roman est une vraie chance parce qu'il est un réel éclairage. À travers la voix de la CPE, c'est un peu sa voix à elle que j'entends (si vous la suivez sur les réseaux, vous savez de quoi je parle) « Mais, parfois, il ne suffit pas que les adultes interviennent, j'en sais quelque chose. Notre rôle, c'est d'accompagner les enfants en souffrance, de leur montrer qu'ils ont les moyens de s'en sortir par eux-mêmes. Qu'ils ont la force de gravir des montagnes et de clouer le bec à tous les salauds qui se mettront, en travers de leur chemin. » Parfois, il suffit d'un camarade qui s'oppose, d'humour ou d'autodérision pour que les choses s'arrêtent. Dans tous les cas, cela demande un immense courage…

« Ne vois-tu rien venir ? », titre un brin provocateur encourage le lecteur à regarder au-delà des apparences et de la vie qui suit son cours derrière les préoccupations parfois anodines de chacun. Il s'agit de comprendre la mécanique du harcèlement scolaire : comment il naît, dans quelle spirale il grossit, avec quelles armes il est nourri. L'énorme point fort de ce roman réside dans la narration à deux voix, sur un laps de temps relativement court, entre septembre et juin. La tension monte au fil des mois qui s'égrène, jusqu'à ce dénouement d'une très grande intelligence. Ce qu'il m'en reste en refermant le livre, c'est l'aveuglement dont nous, adultes, faisons souvent preuve, tellement persuadés que nos enfants nous parleraient dans une telle situation. Or, comme ils nous connaissent parfaitement, ils savent aussi très bien nous mentir pour éviter que l'on déboule à l'école. Parce que, ne nous mentons pas, c'est ce qu'un parent normalement constitué fait d'instinct. Or, les expériences montrent que nos interventions desservent plus qu'elles ne servent, et qu'il faut désormais utiliser d'autres outils pour combattre le harcèlement scolaire. « Ne vois-tu rien venir ? » est un roman, très éclairant, très juste, et très émouvant. À lire, et à faire lire à vos enfants pour déclencher une discussion et tenter de libérer la parole.

Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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critiques presse (3)
Ricochet
29 février 2024
Un roman dur, sans concession qui, je l’espère, aidera tous les acteurs (victimes, bourreaux, professeurs, parents…) à dire stop à ces violences dévastatrices.
Lire la critique sur le site : Ricochet
Liberation
29 février 2024
Un livre qui navigue avec pertinence dans la jungle du collège, avec ses amitiés complexes.
Lire la critique sur le site : Liberation
OuestFrance
02 février 2024
À partir des témoignages croisés d'une harceleuse et de sa victime, Amélie Antoine a composé un roman utile et percutant.
Lire la critique sur le site : OuestFrance
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Les adolescents peuvent être tellement stupides.... et surtout tellement méchants les uns envers les autres. A les écouter, c est comme si rien n était jamais grave, avec eux. Comme si leur âge les rendait intouchables.
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Je suis CPE ici depuis pres de 15 ans, si je n aimais l'as mon métier, si je n aimais pas ces enfants, ça ferait longtemps que j aurai démissionné, croyez moi.
Travailler dans l éducation nationale, vu tout ce qu on vois et tout ce qu on nous empêche de faire, vu ce qu on exige de nous et ce qu on est estimés en retour, c est une vocation ....
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Cette année c est Orlane qui a obtenue direct le rôle de la strange de la classe. Moi, je ne l aurais peut être pas particulièrement remarquée, mais dès la rentré, Sarah l'a choisie. Parce qu elle l'a trouvée faible, fuyante, pitoyable. C est un peu comme les tributs dans Hunger Games; il faut que quelqu un paie, que quelqu'un se sacrifie oour que les autres aient la vie sauve, c est comme ça.
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Le collège, c est un monde à part. Notre monde. Il y a les élèves populaires, les sportifs, les intellos, les beaux gosses, les clowns. On a tous un rôle. Et, chaque année, dans n importe qu elle classe, il faut toujours qu il y ait quelqu'un de bizarre.
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Machinalement, je range mon jeu de cartes. Je me repasse la scène, en essayant de comprendre pourquoi cette fille s'en est prise à moi avec autant d'agressivité. Qu'est-ce que je lui ai fait ?

Moi qui pensais parvenir en un clin d'oeil à impressionner les autres et à me faire apprécier, il faut croire que je me suis plantée sur toute la ligne. Même si je reste de marbre, ça me laisse un goût amer dans la bouche.

Parce que j'ai la désagréable conviction qu'ici cette fille fait la pluie et le beau temps.
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