AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur À l'est d'Éden (544)

(chapitre XIII)
Il arrive parfois qu'une sorte de grâce embrase l'esprit. C'est un phénomène assez répandu. Au début, c'est un crépitement de cordon Bickford qui se consume vers la dynamite, une joie dans l'estomac, un délice des nerfs et des avant-bras. La peau goûte l'air et chaque respiration est un accomplissement. Le corps entier s'étire et bâille de plaisir, le cerveau s'illumine et le monde entier resplendit devant les yeux. L'homme peu avoir vécu une vie grise dans un domaine de terres obscures et d'arbres noirs, les évènements les plus importants ont pu passer, alignés, anonymes, et dépourvus de couleur, cela ne compte pas. Car à la minute de la grâce, soudain le chant d'un criquet enchante l'oreille, l'odeur de la terre charme les narines et la lumière tamisée par un arbre régénère l'œil. Alors l'homme devient source et il est intarissable. Peut-être la place qu'il tient dans le monde peut-elle être mesurée par la qualité et le nombre de ses embrasements. C'est une fonction individuelle, mais elle nous unit à la collectivité. Elle est mère de toute création et elle définit l'homme par rapport aux autres hommes.
Je ne sais pas ce que nous réservent les années à venir. De monstrueux changements se préparent, des forces dessinent un futur dont nous ne connaissons pas le visage. Certaines d'entre elles nous semblent dangereuses parce qu'elles tendent à éliminer ce que nous tenons pour bon. Il est vrai que deux hommes réunis soulèvent un poids plus aisément qu'un homme seul. Et le pain qui sort d'une fabrique est moins cher et de qualité plus uniforme que celui de l'artisan. Lorsque notre nourriture, nos vêtements, nos toits ne seront plus que le fruit exclusif de la production standardisée, ce sera le tour de notre pensée. Toute idée non conforme au gabarit sera éliminée. La production collective ou de masse est entrée dans notre vie économique, politique, et même religieuse, à tel point que certaines nations ont substitué l'idée de collectivité à celle de Dieu. Il est trop tôt. Là est le danger. La tension est grande. Le monde va vers son point de rupture. Les hommes sont inquiets.
Aussi, il me semble naturel de me poser ces questions : En quoi crois-je? Pour quoi dois-je me battre? Et contre quoi je dois me battre?
Notre espèce est la seule créatrice et elle ne dispose que d'une seul faculté créatrice: l'esprit individuel de l'homme. Deux hommes n'ont jamais rien créé. Il n'existe pas de création efficace en musique, en poésie, en mathématiques, en philosophie. C'est seulement après qu'a eu lieu le miracle de la création que le groupe peut l'exploiter. Le groupe n'invente jamais rien. Le bien le plus précieux est le cerveau isolé de l'homme.
Or aujourd'hui le concept du groupe entouré de ses gendarmes entame une guerre d'extermination contre ce bien précieux: le cerveau de l'homme. Et le méprisant, en l'affamant, en le réprimant, en le canalisant, en l'écrasant sous les coups de marteau de la vie moderne, on traque, on condamne; on émousse, on drogue l'esprit libre et vagabond. Il semble que notre espèce ait choisi le triste chemin du suicide.
Voilà ce que je crois: l'esprit libre et curieux de l'homme est ce qu'il y a le plus de prix au monde. Et voici pour quoi je me battrai: la liberté pour l'esprit de prendre quelque direction qui lui plaise. Et voici contre quoi je me battrai: toute idée, religion ou gouvernement qui limite ou détruit la notion d'individualité. Tel je suis, telle est ma position. Je comprends pourquoi un système conçu dans un gabarit et pour le respect du gabarit se doit d'éliminer la liberté d'esprit, car c'est elle seule qui, par l'analyse, peut détruire le système. Oui, je comprends cela et je le hais, et je me battrai pour préserver la seule chose qui nous mette au-dessus des bêtes qui ne créent pas. Si la grâce ne peut plus embraser l'homme, nous sommes perdus.
Commenter  J’apprécie          20
Sous sa carapace de lâcheté, l'homme aspire à la bonté et veut être aimé. S'il prend le chemin du vice, c'est qu'il a cru prendre un raccourci qui le mènerait à l'amour.
Lorsqu'un homme arrive au moment suprême, peu importe son talent, son pouvoir ou son génie, s'il meurt haï, sa vie est une faillite et sa mort une froide horreur. Il me semble que vous ou moi, au moment de choisir entre deux voies, devons toujours penser à notre fin et vivre pour que notre mort ne fasse plaisir à personne.
Nous n'avons qu'une histoire. Tous les romans, tous les poèmes, sont bâtis sur la lutte incessante que se livrent en nous-même le bien et le mal. Le mal doit être constamment ressuscité, alors que le bien, alors que la vertu sont immortels. Le vice offre toujours un visage frais et jeune, alors que la vertu est plus vénérable que tout au monde.
Commenter  J’apprécie          20
Je sais qu'on utilise parfois le mensonge pour ne pas blesser, mais je ne crois pas que son effet soit bienfaisant. La douleur fulgurante de la vérité se dissipe, alors que la douleur lancinante du mensonge demeure. C'est un mal rongeant.
Commenter  J’apprécie          10
— Vous me donnerez de vos nouvelles ?
— Je ne sais pas. Il faudra que je réfléchisse. On dit qu’une franche blessure se cicatrise mieux. Je trouve qu’il n’y a rien de plus triste qu’une amitié qui ne tient plus que par la colle des timbres-poste. Quand on ne peut plus voir, entendre, ou toucher un homme, il vaut mieux rompre les amarres. »
Commenter  J’apprécie          30
Il y a un conflit qui depuis toujours nous effraie et nous inspire, un seul. Nous vivons un feuilleton où chaque numéro ressemble au précédent et où la réponse est toujours : " la suite au prochain numéro ". Les humains sont pris, dans leurs vies, leurs pensées, leurs appétits et leurs ambitions, leur avarice et leur cruauté, mais aussi dans leur bonté et leur générosité, au filet du bien et du mal. C'est leur histoire, la nôtre, et elle se répète dans tous les domaines des sens ou de l'intelligence. La vertu et le vice ont été la trame et la chaîne de notre première conscience, et ils formeront le matériau de notre dernière conscience, et cela malgré les changements que nous pourrons faire subir à la terre, à ses rivières et à ses montagnes, à son économie et à ses moeurs. Après qu'il sera débarrassé des poussières et des copeaux de sa vie, l'homme devra toujours affronter cette question, dure et sans ambigüité : " Etait-ce bien ou mal ? Ai-je agi bien ou mal ? "
Commenter  J’apprécie          00
Sous sa carapace de lâcheté, l'homme aspire à la bonté et veut être aimé. S'il prend le chemin du vice, c'est qu'il a cru prendre un raccourci qui le mènerait à l'amour. Lorsqu'un homme arrive au moment suprême, peu importe son talent, son pouvoir ou son génie, s'il meurt haï, sa vie est une faillite et sa mort une froide horreur. Il me semble que vous ou moi, au moment de choisir entre deux voies, devons toujours penser à notre fin et vivre pour que notre mort ne fasse plaisir à personne
Commenter  J’apprécie          10
A notre époque, lorsqu'un homme meurt, s'il a possédé la fortune, l'influence, le pouvoir et tous les attributs qui éveillent l'envie, et que les vivants font l'inventaire de sa vie, la question est toujours là : " A-t-il fait le bien ou le mal ? " Ce qui consiste à poser d'une autre façon la question de Crésus. La jalousie n'est plus, et la commune mesure est la suivante : " Fut-il aimé ou haï ? Sa mort est-elle une perte ou engendre-t-elle la joie ? "
Commenter  J’apprécie          40
Samuel se pencha au-dessus du panier et glissa un doigt dans une des petites mains qui se referma.
" Je crois que ce dont l'homme a le plus de mal à se débarrasser, c'est de donner des conseils.
- Je n'ai pas besoin de conseils.
- Personne n'en a besoin. Le conseil est un cadeau. Il faut faire les gestes, Adam.
- Quels gestes ?
- Les gestes de la vie. Imitez-les, comme au théâtre. Et, au bout d'un temps, d'un très long temps, le mensonge deviendra réalité.
- Pour quoi faire ? " demanda Adam.
Samuel regarda les jumeaux.
" Quoi que vous fassiez, quoi que vous refusiez de faire, vous transmettrez la flamme. Même si vous restez en friche, les herbes et les ronces pousseront. Vous ne pouvez plus être stérile. "
Commenter  J’apprécie          10
L'esprit de l'homme ne peut se contenter de vivre avec son temps comme le fait son corps.
Commenter  J’apprécie          20
Un médecin lui avait dit un jour : « J’aime mettre un enfant au monde car si je fais bien mon travail, il se traduit par de la joie. » Le shérif avait souvent pensé à cette remarque. S’il faisait bien son travail, il se traduisait par de la douleur pour quelqu’un. Et le fait qu’il fut nécessaire ne lui paraissait plus un motif suffisant. Il se retirerait bientôt, qu’il voulut ou non.
Commenter  J’apprécie          10






    Lecteurs (10244) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Des souris et des hommes

    En quelle année est paru ce roman de John Steinbeck ?

    1935
    1936
    1937

    10 questions
    909 lecteurs ont répondu
    Thème : Des souris et des hommes de John SteinbeckCréer un quiz sur ce livre

    {* *}