Lune noire est un roman écrit durant la seconde guerre mondiale par
John Steinbeck, prix Nobel de littérature 1962. On y retrouve donc une certaine propagande et un appel à la résistance.
J'ai beaucoup aimé ce livre, et pourtant c'est un roman plutôt atypique pour Steinbeck, on n'y retrouve pas ses atmosphères habituelles. D'ailleurs, il s'apparente plus à une pièce de théâtre, presque une tragédie grecque, se terminant avec des extraits du procès de Socrate !
Une troupe de soldats Allemands envahit une petite bourgade du Nord de l'Europe pour exploiter ses mines de charbon. Les principaux personnages de la tragédie qui va prendre place sont ainsi présentés au lecteur, l'état-major Allemand, le maire et ses alliés, ainsi que le traître qui a aidé à la prise de la ville. Cette première partie n'est pas la plus intéressante, mais une fois les personnages en place, l'auteur fait monter très habilement l'intensité dramatique. D'escarmouches en représailles, de sabotages en exécutions sommaires, on arrive à la scène finale où le maire est pris en otage par l'ennemi et menacé d'être exécuté dès le prochain sabotage.
"Les gens n'aiment pas être conquis, colonel, et donc ils ne le seront pas. Les hommes libres ne déclenchent pas la guerre, mais lorsqu'elle est déclenchée, ils peuvent se battre jusqu'à la victoire. Les hommes en troupeaux, soumis à un Führer, en sont incapables, et donc ce sont toujours les hommes en troupeaux qui gagnent les batailles, et les hommes libres qui gagnent la guerre. Vous découvrirez qu'il en est ainsi, colonel."
Le maire cèdera-t-il ? Parlera-t-il à ses administrés ? Essaiera-t-il de négocier ? Quelle est sa marge de manoeuvre ? Et c'est là qu'intervient le très beau texte du procès de Socrate, car le maire a les idées claires même s'il ne se sent pas le plus courageux des hommes :
"Après cela, vous qui m'avez condamné, je veux vous prédire ce qui vous arrivera, …Je vous l'annonce donc, à vous qui m'aurez fait mourir ! Votre châtiment ne tardera pas, quand je serai mort, et, … il sera plus cruel que cette mort que vous m'infligez. En vous défaisant de moi, vous n'avez cherché qu'à vous décharger de l'importun fardeau de rendre compte de votre vie…
Il s'élèvera contre vous un bien plus grand nombre de gens qui vous reprendront ; ils étaient retenus par ma présence, et vous ne vous en aperceviez point ; mais après ma mort ils seront d'autant plus importuns et plus difficiles qu'ils sont plus jeunes, et vous en serez bien plus piqués ; car si vous pensez qu'il suffit de tuer les gens pour empêcher les autres hommes de vous reprocher que vous vivez mal, vous vous trompez."