On découvre un cadavre sur le toit d'un hôtel à Vienne, dans une piscine, partiellement dévoré par un requin : voilà le point de départ d'une enquête pour le moins difficile qui s'annonce pour l'inspecteur Lukastik. Mais l'inspecteur ne croit pas au mystère. Il croit à la philosophie, à quelques principes simples qui le gouvernent et aux aphorismes pointilleux du Tractatus logico-philosophicus de Wittgenstein. le voilà parti dans une enquête curieuse dont l'intrigue n'est pas l'élément le plus surprenant, étant donné la personnalité hors-normes de l'enquêteur.
Requins d'eau douce est un roman policier tout à fait atypique. En fait, après l'avoir refermé, j'en suis venu à la réflexion que ce n'est pas un roman policier. L'enquête en elle-même est d'une rectitude navrante : le premier suspect est le bon. Ca tombe bien, il n'y en a pas d'autres. Quand il s'enfuit, il communique instantanément à l'inspecteur sa destination sous la forme d'une petite énigme résolue immédiatement par hasard et association d'idée. Une fois arrêté, le suspect se livre à des aveux et fournit obligeamment l'adresse de son improbable complice.
Bref, du point de vue thriller, offrez-vous plutôt un Club des Cinq ou un bon vieux Scouby-doo. Ce n'est finalement pas le propos du roman, qui utilise le policier comme un trame commode et familière. Ce qui motive le lecteur, c'est le plaisir de la lecture – car c'est très bien écrit, la joie des bonnes phrases et des aphorismes, des descriptions par le menu de personnage complexes et vraisemblables, possédants tous des traits particuliers fort bien décrits : le plaisir de la lecture comme une représentation de la vie.
C'est assez courageux de l'auteur de donner vie à des personnages aussi atypiques et bien souvent amoraux. Pas de bien ou de mal absolu, mais d'infimes variations autour du pacte social, le personnage principal de Lukastik se payant le luxe de briser avec nonchalance un ou deux tabous bien établis.
Cependant, je dois confesser un certain essoufflement du procédé : les cent premières pages sont enthousiasmantes, puis l'inanité sidérante de l'action finit par peser sur le récit. le climax final et attendu tombe complètement à plat, franchissant une barrière délirante dans l'invraisemblable qui fait un peu penser à » Miss Marple agent du MI6 « .
Faites-en ce que vous voulez, c'est un livre de poche que je ne regrette pas d'avoir acheté et lu, pour m'avoir emmené sur d'étranges rivages, mais je n'irais pas au-delà de cette découverte – sauf si l'auteur laisse tomber le policier.
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