Si Roger Stéphane n'avait fait que cela dans toute son existence, il faudrait tout de même lui rendre grâce. Son portrait de Marcel Proust date de 1961, il dure environ 55 minutes. On y voit et entend, vivants, des gens qui, depuis, sont à leur tout entrés dans la grande bibliothèque silencieuse de l'histoire : François Mauriac, Jacques de Lacretelle, Jean Cocteau (qui raconte visiblement n'importe quoi, comme s'il inventait à mesure ; et notamment la fameuse histoire des nouilles froides, qui fera bondir d'indignation Céleste Albaret, dans ses propres mémoires), Paul Morand et Madame, la princesse Soutzo, Emmanuel Berl, Daniel Halévy (le camarade du lycée Condorcet qui, à près de 90 ans, en paraît 20 de moins et qui devait mourir quelques mois après l'enregistrement). Et puis, bien sûr, Céleste. J'ai beau chercher, je ne parviens pas à trouver quelque chose dont je pourrais dire qu'elle me donne une impression de tristesse aussi poignante, aussi irrémédiable que le récit des dernières heures de Marcel Proust par Céleste Albaret. (Didier Goux).
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