Ingrid et Lola enquêtent : Ombres et soleil

Pour moi, il faut vraiment lire "guerre sale" avant d'ouvrir ce roman pour comprendre le déroulé complexe des magouilles de Richard Gratien et de la personnalité sulfureuse d'Arnaud Mars. Ce dernier est retrouvé mort à Abidjan et tout accuse Sacha Duguin, commissaire charismatique mais pas suffisamment pour échapper à la prison. Mais Lola Jost est là et Ingrid franchit l'océan pour le faire innocenter. Mais là, elles vont trop loin dans l'abnégation, se faisant tirer dessus, tabasser etc... sans pour autant cesser d'enquêter. Tenaces oui, mais quand même. Moins d'humour, moins de crédibilité, un peu de longueur, à mon avis et j'ai donc fait une lecture sans y trouver le plaisir des autres livres.

Cet épisode de la série "Ingrid et Lola" est la suite de "Guerre sale" dont la lecture ne m'a pas laissé un souvenir impérissable. Cela dit, Dominique Sylvain s'arrange pour faire de chaque opus une histoire à peu près autonome, au sein de laquelle, à côté des personnages récurrents, dans leurs espaces habituels ou dans des lieux singuliers, interviennent des nouveaux venus qui parfois ne font que passer. Les personnages récurrents, ce sont bien sûr Lola Jost, ex-commissaire, et son "amie américaine" Ingrid Diesel, danseuse de cabaret la nuit, masseuse le jour et accessoirement assistante de Lola dans des enquêtes de plus en plus officieuses, Lola étant maintenant retraitée. Et le meilleur élément de son ancienne équipe, Sacha Duguin, est dans de sales draps, accusé d'avoir assassiné leur supérieur, le divisionnaire Arnaud Mars, lui-même suspecté de forfaiture. Lola comme Ingrid (dont Sacha a été l'amant), convaincues de l'innocence du policier, vont remuer ciel et terre pour le sortir de la fâcheuse posture où il se trouve, et cette recherche de la vérité va les conduire en des lieux fort éloignés du Paris où elles exerçaient toutes les deux : Abidjan (c'est là que Mars avait fui et qu'il a été retrouvé mort), Hong Kong où réside un ancien journaliste américain en poste à Damas en 1998. Car cette enquête qui nous transporte sur d'autres continents nous fait aussi voyager dans le temps et nous immerge dans les dessous de la politique et de la diplomatie : recours à des intermédiaires occultes, rétrocommissions, des pratiques constantes mais peu avouables. Or quelqu'un tient à tout prix à ce que la divulgation de ces pratiques par le possesseur de certain carnet ou d'une copie de celui-ci ne ternisse pas la mémoire d'un président de la République qu'il a servi avec dévotion...
Au service d'un scénario actuel et bien ficelé, l'écriture de l'auteure est vive, parfois à la limite du style télégraphique, et ses métaphores, parfois aussi, hasardeuses ou absconses. Mais le roman se lit sans déplaisir.

Livre qui met un certain temps avant de rentrer dans cette histoire tirée de faits qui pourraient être réels.
Ce retard à l'allumage pour raconter trop longuement les liens tissés par le passé entre tous les personnages. On a l'impression d'avoir loupé un épisode.
Les voyages à l'étranger sont très superficiels.
Reste le style nerveux et une enquête qui ne manque pas d'intérêt.

Un titre bien banal pour un roman fort enlevé. Des enquêtrices qui s'assument, des femmes fortes, on sent bien l'intention de l'auteur, un tantinet militante, de revendiquer la pleine légitimité de la parité. Pas de surprise de ce côté mais un excellent voyage qui mêle assez habilement les services secrets, les rivalités policières, les boeufs-carottes, les hommes de l'ombre, face aux mouvements terroristes, en l'occurrence la piste syrienne semble avoir la côte ces temps-ci. Mais on pense évidemment à l'affaire dite Karachi et à certaines ventes d'armes.

Lola, flic en disponibilité et son amie Ingrid en rupture de Las Vegas se penchent, mais pas très officiellement, sur la mort mystérieuse du commissaire divisionnaire Mars en Côte-d'Ivoire, sur un chantier abandonné sous la pluie tropicale. Un avocat marron en taule semblerait être en possession de carnets compromettants. Un autre grand flic que tout accuse, et un monde parallèle d'ex-barbouzes ayant conservé un petit job, de mercenaires sans scrupules, un grand camé devenu serviteur zélé. On patauge dans la déliquescence, qui remonte très haut dans la sphère politique, mais on s'y trouve bien car la plume de Dominique Sylvain est alerte et conjugue fort bien rythme soutenu et humour percutant, les réparties entre Lola et son associé dans cette recherche, Berlin, fusant avec bonheur même pieds et poings liés.

Particulièrement réussie toute la partie africaine d'Ombres et soleil, où un patron de boîte de nuit et un conteur un peu griot renseignent Lola et Ingrid dans les gravats d'une résidence des beaux quartiers d'Abidjan. L'image d'un continent noir où la débrouillardise tient lieu de passeport et où la chanson Reine Pluie scande avec drôlerie les aléas de l'enquête au milieu des ingrédients naturels d'un bon thriller version Françafrique, trahison, violence, corruption, le tout venant de l'âme humaine tant à Treichville que dans l'Ile-de-France résidentielle. Remontent lentement les meurtriers souvenirs de la station Saint-Michel et d'un attentat à Damas. On s'y perd un peu,le labyrinthe parfois se complique de frénésie mais dans le monde du polar on sait bien que climat, ambiance et dialogues noient souvent l'intrigue la plupart du temps tarabiscotée pour des neurones moyens,je parle des miens. Qu'importe la façon pourvu qu'on ait la liesse.

Lola Jost, on la connaît grincheuse, teigneuse, voire carrément désagréable. Dans « Ombres et Soleil » on voit se développer son côté sombre, quasi dépressif.
Jugez-en : notre mamie commissaire ne quitte plus sa robe de chambre, ne se lave plus, picole plus qu'elle ne mange, déprime en cherchant la place d'une idiotie de pièce de puzzle dont finalement elle n'a pas grand chose à faire. Elle se remet mal de l'éloignement de son fils, de la disparition du charmant commissaire Dugain sans compter le départ de la belle Ingrid pour des cieux plus cléments. Car rappelez-vous : à la fin de l'opus précédent, Ingrid se trouvait soudain face à la mort. Depuis, elle a décidé d'aller se déshabiller sous le soleil de Las Vegas après que le jeune policier qui venait la retrouver pour lui donner des renseignements ait été abattu sous ses yeux.
Jusqu'à il y a peu, je visualisais notre Lola Jost comme une mamie à l'oeil fatigué mais capable d'éclats acérés. Une sorte de Simone Signoret en plus frais, si l'on veut. Pas celle de « Casque d'Or » évidemment, mais plutôt de « La Veuve Courderc ». C'est ainsi que nous la conte d'ailleurs Dominique Sylvain. Seulement la télévision s'en est emparée sous les traits improbables d'une blonde hirsute habituée des mimiques de commedia dell'arte… Sans compter l'épisode qui transformait notre sculpturale Ingrid en blackette de banlieue qui balançait des « fucks » de pacotille à l'accent aussi crédible que moi dans le rôle de Cruella (comment ça, l'exemple est mal choisi ?).
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De Dominique Sylvain j'ai lu jadis Passage du désir, mais pas Guerre sale. Ce qui explique sans doute pourquoi j'ai eu plus de mal à entrer dans celui-ci, puisque j'ai pris le train en route. Je vous conseille donc déjà d'emblée de ne pas faire comme moi, et bien les prendre dans l'autre. Ceci dit, j'apprécie toujours autant la fluidité d'écriture de l'auteur, et la densité de la plupart de ses personnages. Sans parler du plaisir, quand on connaît Paris, de suivre le duo d'enquêtrices dans leurs déplacements. Ici justement trop d'allers-retours sur l'étranger. Un p'tit tour aux USA, un saut à Hong-Kong, un détour par Kinshasa, tout cela fait perdre de sa crédibilité à l'ensemble. Et pourtant... J'ai cru les deux tiers du roman avoir tout compris, pour découvrir que la vérité est plus tordue qu'il n'y paraît. Et même si le dénouement est un peu tiré par les cheveux j'ai apprécié les allusions pas vraiment déguisées à notre récent passé politique.

Lecture enchaînée dès le tome précédent "Guerre sale" refermé, je me replonge avec plaisir dans les aventures de Lola Jost et son amie Ingrid.
L'enquête se poursuit, indices et rebondissements se succèdent, les dialogues et monologues sont toujours aussi piquants , le tout est très bien ficelé.

Dominique Sylvain est une bosseuse perfectionniste. Elle avoue travailler son style pour le plus grand plaisir de ses heureux lecteurs. « Ombres et soleil » est un pur roman policier aux dialogues incisifs et alertes. Même si je me suis un peu paumé dans ses méandres (c'est l'âge !), j'y ai trouvé un bon moment de lecture avec ce duo d'enfer.

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