Même au bout du monde, l'homme avait besoin de s'accrocher à des chaînes.
La mort des animaux est aussi déprimante que celle des humains, vous savez. Et ils la traversent seuls dans la plupart des cas. Une piqûre et hop... le grand saut vers le néant. On les incinère et on les rend à leurs propriétaires dans une petite boîte qu'ils finissent par oublier sur une étagère. Et puis un jour, d'un déménagement à l'autre, ils terminent à la benne à ordures.
Vous savez, les gens ont tendance à s'imaginer des trucs sur les écrivains, à idéaliser les choses, la vérité c'est qu'on est aussi paumé que les autres.
Comme dans un livre, mon gars...Robinson sur son île, peinard, même pas besoin de Vendredi...Sauf que ça dure pas.
Nous sommes comme ses cochons d’Inde enfermés dans leurs cages, condamnés à courir dans leur roue, à manger ce qu’on leur donne est à attendre que quelqu’un se décide à mettre fin à leur misérable existence.
Ne dit-on pas que la vie d’un homme se déroule entre sa première inspiration et son dernier souffle
Marin avait raison, ce lieu était chargé des souvenirs du monde. C'était un point de jonction où passé et présent pouvaient s'incarner. "Memento mori", tout ce qui est corporel doit mourir. Cet endroit faisait naître en lui le sentiment de cette fragilité primordiale censé nous libérer de l'inauthentique, des distractions nous voilant les véritables mystères de l'existence.
Le bruit des vagues montait jusqu'au sommet des falaises, rythmant le monde de sa lente et puissante respiration.
- Lorsque je viens ici, j'oublie tout de ma vie. Je n'ai pas besoin de mes souvenirs, ni de mes espoirs. Le passé et le futur disparaissent. Je fais un avec tout.
- Je comprends, répondit timidement yohan.
- Je pense que c'est ce genre de chose que nous sommes tous venus chercher ici. Dans ce sens, on peut dire que cette île est un paradis.
Une bonne tasse de café à la main, il avait alors décidé de se mettre au travail sur son roman. En quelques minutes, l’étrange connexion avec les zones d’ombre de son cerveau s’était activée, transférant des flots d’idées pour les transformer en mots, puis en phrases. L’inspiration était revenue, il se sentait enfin sortir de l’impuissance littéraire qui lui avait pourri la vie pendant des années.
Cette île lui apparut soudain comme un gigantesque tombeau dont les résidents perdaient lentement tout repère pour se laisser dévorer par les vagues de l’oubli.