Shaman King s'affirme au fil des tomes comme un nekketsu extrêmement solide, mais aussi des plus classiques. Mais si vous avez l'habitude de me lire, vous savez que le classicisme n'est pas un soucis pour moi. D'autant plus que l'on pourrait quand même y trouver certains traits plus ou moins originaux, dont un qui est plus contextuel. En effet, la série ayant déjà 20 ans derrière elle, son esthétique marquée par son époque devient aujourd'hui un signe d'originalité. On y trouve en effet un character design et un découpage qui peuvent sembler désuets aujourd'hui, mais qui sont marqués par leur époque (cela me rappelle parfois Hunter X Hunter) et qui ne manquent pas de charme.
Et le charme est le maître mot concernant mon rapport à cette série. Je trouve en effet qu'il se dégage une ambiance particulière à Shaman King qui me met en joie à chaque fois que j'ouvre un tome. Et ce sixième volume ne déroge pas à la règle, bien au contraire. Je trouve que Takei nous donne toujours un bel os à ronger, que ce soit via un travail de ses thématiques, sur ses personnages ou l'enrichissement de son univers.
Pour ce qui est des thématiques, j'ai déjà évoqué dans mes précédents articles le rapport au monde des esprits et à la nature qui est induit par la nature même de l'univers, mettant en avant ce rapport au sein de diverses ethnies, que ce soit les amérindiens, les ainous, etc… Et sur ce point, on a droit à une sous intrigue sur plusieurs chapitres centrée sur Horohoro, qui contribue à étoffer le personnage dans la grande tradition du nekketsu.
En effet, très tôt dans le volume, il se retrouve séparé de ses camarades et va rencontrer une jeune femme qui protège un ours nommé Appolo. Horohoro va aller à la rencontre de l'ours, expliquant que le rapport entre l'homme et la nature est au coeur de sa culture. Je ne dévoilerai pas les tenants et aboutissants de cette sous-intrigue car elle est assez étonnante dans son déroulement. Mais ce qui est certain, c'est qu'elle représente une pause dans le récit principal qui vient en étoffer les thématiques et la richesse, en développant un personnage secondaire. Et si la question du lien entre l'homme et la nature est loin d'être nouvelle dans la fiction, y compris dans les mangas, je trouve que Takei développe cet aspect avec une grande pertinence, d'autant plus qu'il est parfaitement en lien avec l'identité de la série.
Et surtout, cette petit intrigue arrive à éviter un écueil trop fréquent sur la thématique, qui est un rapport un peu simpliste du genre « nous les hommes avons la responsabilité de la nature et devons la préserver ». En présentant un personnage féminin qui fait finalement du mal sans le vouloir à l'ours, Takei prend un peu de hauteur sur le sujet et arrive, l'air de rien, à dire des choses vraiment pertinentes sur la question.
Et c'est vraiment un des points que j'apprécie dans certains nekketsu. En reprenant des structures de récit ultra classiques et des thématiques éculées, certains auteurs arrivent parfois à nous prendre un peu à revers et à proposer une réflexion finalement plus subtile que ce à quoi on s'attendait de prime abord. Et en l'occurrence, avec cette histoire centrée sur Horohoro, Takei arrive parfaitement à cela, et c'est pour moi le genre de détail qui élève le niveau de la série.
Mais il n'y a pas que ça à retirer de ce tome, loin de là. le mangaka n'oublie pas de nous offrir nos petits plaisirs simples de fans de nekketsu, en rendant un personnage badass et stylé comme il se doit, et en l'occurrence ici, il s'agit de Bokutou no Ryu, qui n'a pas la couverture pour rien !
Je l'avais déjà évoqué rapidement précédemment, mais Ryu est clairement le personnage qui m'a tout de suite parlé. Que ce soit son look à la Elvis, avec le running gag des cheveux qui se font couper et repoussent de façon étrange, ou son rêve de trouver son « best place » et sa fidélité vis-à-vis de ses amis, il dégage vraiment quelque chose que j'aime tout particulièrement. Et dans ce volume, il a droit à son heure de gloire, puisqu'on aura un flashback montrant son entrainement, pour justifier sa montée en puissance dans un combat franchement réussi… contre un vampire !
C'est un autre élément qui me plait dans cette série. Takei exploite vraiment bien son univers et son système de pouvoir afin de mettre en scène des personnages aux allures fantastiques. Après Faust VIII le nécromancien, on a ici droit à Boris Dracula le vampire, sachant que le pourquoi du comment de ses aptitudes est aussi justifié par son Over Soul. Cela permet d'avoir encore une fois un antagoniste haut en couleurs qui a un style qui lui est propre.
Enfin, le tome n'oublie pas d'étoffer l'univers ainsi que l'intrigue, nous en apprenant davantage sur le principal antagoniste et mettant en avant une organisation sensée être du côté du bien, les X Laws. C'est l'occasion de mettre en avant l'ambiguïté morale chère au nekketsu, qui si elle est souvent simpliste, est toujours bienvenue malgré tout. Ici, on questionne le fait de tuer ses adversaires, Yoh étant totalement contre cette idée, comme la plupart des héros du genre.
Encore une fois, cet aspect, et tous les autres évoqués précédemment finalement, sont assez classiques du genre. Takei ne cherche à aucun moment à réinventer la formule du shonen nekketsu. Au contraire, il cherche à s'ancrer totalement dans les codes du genre, afin de se les approprier et les traiter de la façon la plus scrupuleuse et efficace possible. Et ça marche étonnamment bien dans le sens où son récit est un parfait véhicule des valeurs positives transmises par le nekketsu, les prenant d'ailleurs très au sérieux.
Ainsi, sans réinventer le genre, Shaman King s'affirme encore et toujours comme une série des plus solides, dégageant un charme certain et considérant avec sérieux et déférence les codes du genre. On a droit à des moments forts très bien dosés, des réflexions vraiment pertinentes et qui parfois élèvent un peu le débat, et surtout, une maîtrise de chaque instant de son storytelling qui fait qu'on a toujours envie d'aller de l'avant en compagnie de Yoh et ses camarades. Car je n'ai évoqué dans cet article que les points qui ont le plus retenu mon attention, mais il y aurait encore bien des choses à dire. Définitivement une série que je suis heureux de découvrir, 20 ans après ses débuts !
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