C'est sans grand enthousiasme que je suis entrée dans ce polar viennois du début du XXe siècle que j'imaginais austère et poussiéreux. À tort ! Je me suis régalée.
Tout d'abord il répond parfaitement aux attentes d'un excellent polar, avec son intrigue à rebondissements et des suspects nombreux.
Et surtout il balaye plusieurs sujets annexes captivants :
L'antisémitisme non dissimulé dans la capitale autrichienne à cette époque,
les débuts de la
psychanalyse - Max Lieberman, le personnage principal, est un disciple et ami de
Sigmund Freud, et mène des expériences fort intéressantes.
Une réflexion sur la condition de la femme : c'est l'époque où la fac de médecine s'est ouverte aux élèves femmes, ce qui n'est pas du goût de tous ! Notre héros psychanalyste fait preuve d'une grande modernité quand il dit "Dans notre Vienne moderne, les femmes intelligentes et courageuses n'ont guère le choix pour se faire une place dans le monde. La plupart renoncent à leurs ambitions et se résignent au mariage et à la maternité... ou alors elles se rebellent et se font traiter d'hystériques."
Passionant !
Et enfin quel plaisir de suivre des personnages si mélomanes dans la capitale de la musique classique ! D'imaginer Gustav Mahler à l'époque de sa splendeur, d'entendre parler de Schumann et de Beethoven...
Max est un excellent pianiste, et avec son ami enquêteur Oskar Rheinardt, chanteur à ses heures, ils interprètent le répertoire germanique avec bonheur. Cette description du voyage d'hiver de
Franz Schubert rend particulièrement bien hommage à cette magnifique oeuvre : "C'était une musique qui vous donnait des frissons - forte, sans pathos. Même la rareté des notes sur la portée suggérait la blancheur dénudée d'un paysage gelé."
Cette lecture m'a donné très envie de découvrir de nouvelles enquêtes de Max Lieberman, un des "grands détectives" de la collection 10/18 !