Jirô Taniguchi n'est évidemment plus à présenter en France (“Le Sommet des Dieux”, “Quartier Lointain”, “
Le Journal de mon père”) mais force est de constater que “
L'Orme du Caucase” est l'une de ses oeuvres les plus confidentielles. Il s'agit pourtant d'un recueil de huit nouvelles illustrées, adaptées des oeuvres de Ryūichirō Utsumi (un auteur de nouvelles unanimement acclamé et reconnu au Japon) qui ont été initialement publiées dans le bimensuel Big Comic au Japon de mai à août 1993, avant d'être rééditées plus récemment par Casterman avec un essai de Ushio
Yoshikawa en guise de postface.
“
L'orme du Caucase”, première nouvelle qui donne le titre à ce recueil, regroupe 8 courts récits illustrés emplis d'émotions et poétiques. Il y reprend les thèmes qui lui sont chers comme la nature, les relations familiales, la séparation et la solitude.
On y suit notamment un arbre condamné à être abattu, une petite fille boudeuse qui ne veut monter sur aucun manège, un homme d'affaires ravi du succès de sa fille qu'il n'a pas vu depuis 23 ans, deux frères qui ne conçoivent pas la vie de la même façon, les retrouvailles touchantes d'un frère et de sa soeur sous la pluie, la rencontre inattendue de deux personnes âgées sur le banc à côté du musée, deux frères dans la forêt à la recherche de leur chien et une jeune veuve française qui rend un bel hommage à son défunt mari...
Chacune des nouvelles de ce recueil retrace une tranche de vie. Avec cette délicatesse qui lui est propre,
Jirô Taniguchi campe des portraits de jeunes, de vieux, d'enfants à un moment difficile de leur existence.
Le pari du format court est parfaitement réuss
i car en seulement quelques planches, le tandem Taniguchi/Utsumi parvient à toucher le lecteur, forcément ému face à ces personnages qui ont tous en commun d'etre des individus tourmentés par leur passé.
À chaque fois, Ryūichirō Utsumi semble surprendre ses personnages à un moment crucial de leurs vies. Il lève subtilement le voile sur les failles, les malentendus et les blessures secrètes au coeur des relations familiales (« le Parapluie », «
La Vie de mon frère », « Son pays natal »), des amitiés inattendues entre un homme et l'arbre de son jardin («
L'Orme du Caucase »), des enfants et leur chien (« Dans la forêt »), deux retraités étrangers l'un à l'autre liés par un banc dans un parc (« Les environs du musée »).
En quelques pages seulement, on devine les séquelles profondes, les renoncements d'une vie... avec toujours la touche
Jirô Taniguchi : des histoires mises en images avec beaucoup de talent, de finesse et de subtilité, qui entraînent le lecteur dans la peau des personnages.
Les récits sont simples mais efficaces, tout comme ses dessins qui sont à l'aune de ce qu'on connait de lui. La seule réserve vient du fait que parfois certains personnages se ressemblent beaucoup physiquement d'un récit à l'autre. Pour le reste, le lecteur termine sa lecture enchanté par les ambiances douces et mélancoliques propres à la littérature japonaise et l'art de
Jirô Taniguchi.
Ce recueil est un bel échantillon de ce que peut proposer Ryūichirō Utsumi. On y retrouve des thèmes qui lui sont chers, comme les relations familiales, la nature, les amours d'une vie simple, sublimés par le coup de crayon empreint de poésie de
Jirô Taniguchi. Un tandem nippon qui fonctionne à merveille.
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