Nous n'aimons pas le reconnaître mais l'idée de perdre contrôle est quelque chose qui fascine plus que tout...
Le classement chronologique de la mémoire est un exercice intéressant.
George Orwell – un observateur attentif de ce qu’on trouve derrière le clinquant des façades que nous nous construisons, sociales et autres – avait rencontré Julian à plusieurs occasions et il lui avait déplu, comme il l’a écrit à un ami : « En rencontrant Julian Morrow, on a l’impression que c’est un homme extrêmement sympathique et chaleureux. Mais ce qu’on appelle sa "sérénité asiatique" n’est à mon avis que le masque d’une grande froideur. Il vous renvoie invariablement le visage qu’on lui présente, créant ainsi une illusion de chaleur et de profondeur, alors qu’en fait il est creux et cassant comme un miroir…
« Les choses terribles et sanglantes sont parfois les plus belles. C’est une idée très grecque, et très profonde. La beauté c’est la terreur. Ce que nous appelons beau nous fait frémir. Et que pouvait-il y avoir de plus terrifiant et de plus beau, pour des âmes comme celles des Grecs ou les nôtres, que de perdre tout contrôle ? Rejeter un instant les chaînes de l’existence, briser l’accident de notre être mortel ? [...] Si nos âmes sont assez fortes, nous pouvons déchirer le voile et regarder en face cette beauté nue et terrible ; que Dieu nous consume, nous dévore, détache nos os de notre corps. Et nous recrache, nés à nouveau. »
Un œil sagace discerne toujours l'empreinte de la raison. Mais le hasard ? C'est invisible, capricieux, angélique.
Bunny, malgré son apparente stabilité, son aimable cynisme, était en fait un personnage totalement instable. Il y avait pour cela de nombreuses raisons, et avant tout sa totale incapacité à penser à quoi que ce soit avant d’agir. Il voguait de par le monde uniquement guidé par les faibles lueurs de l’habitude et du caprice, convaincu que sa course ne rencontrerait aucun obstacle qu’il ne puisse renverser par la seule force de l’inertie.
« Tu sais ce qui m’étonne ? […] Pas qu’il nous dise ce qu’on doit faire. Mais qu’on fasse toujours ce qu’il nous dit. » (p. 406)
J’ai cligné des yeux. Les volets étaient fermés, le couloir était obscur, et pour moi, titubant et encore à moitié drogué, elle n’était plus son personnage habituel, inaccessible et lumineux, mais plutôt une apparition un peu brumeuse et d’une tendresse ineffable, toute en poignets fragiles, en creux ombrés et en cheveux ébouriffés, l’adorable et pâle Camilla qui se cachait dans le boudoir de mes rêves mélancoliques.
- Nous n'aimons pas le reconnaître, mais l'idée de perdre contrôle est quelque chose qui fascine plus que tout, ou presque, les gens aussi contrôlés que nous le sommes.
- Je déteste Gucci, a fait Francis.
- Vraiment ? a dit Henry en sortant de sa rêverie. Vraiment ? Je trouve ça plutôt grandiose.
- Allons, Henry.
- Eh bien, c'est tellement cher, et tellement laid, n'est-ce pas ? Je crois que c'est volontairement laid. Et les gens l'achètent par pure perversité.
- Je ne vois pas ce que tu trouves de grandiose à ça.
- Tout est grandiose quand c'est vraiment fait à grande échelle.