DE L'INTERET D'AVOIR UNE BIBLIOTHEQUE : TCHEKOV
Tchekov, dramaturge..."L'
oncle Vania", "
les trois soeurs", "
la mouette"...L'envie de lire ses pièces n'était pas au rendez-vous ....
En fouillant dans ma bibliothèque, il y a de ça quelques jours, je tombe sur une nouvelle qui bullait dormant tranquille coincée entre deux pavés..."
La steppe"...Coup de tonnerre dans un ciel azuré...Un chef d'oeuvre...
Un merveilleux voyage sur terre dans parcouru, à l'époque, par des négociants, des charretiers transportant des cargaisons de laine.
Il s'agit donc du petit Iegor, dix ans, que son oncle emmène de Taganrog, ville située sur la mer d'Azov, à Rostov sur le Don. Il le laissera à la charge d'une amie de la mère du gamin ; iegor ira au lycée.
Iegor, d'abord en compagnie de son oncle et d'un prêtre, puis dans une caravane chargée jusqu'à la gueule du produit de la tonte, fait connaissance avec une auberge misérable perdue tenue par un couple de tenanciers juifs, aux petits soins pour le môme, s'enchante d'une découverte de la vie animale à l'état de nature, passe un moment merveilleux à nager dans une rivière poissonneuse, découvre les terreurs que provoque le tonnerre, meurt de peur aux récits des charretiers qui tiennent de "L'auberge rouge", croise un chasseur perdu et finit par arriver à bon port.
Ce voyage d'entrée dans la vie permet à Tchekov de déployer un immense talent de "peintre".
La steppe, véritable personnage principal de la nouvelle, déploie, dans une démesure touchant à l'infini, sa beauté, découvre une faune et une flore qui enchante le regard, savoure le chaud soleil, reçoit des orages monstrueux avant de retrouver son impassibilité de mer terrestre.
"Le soleil s'était déjà levé, derrière la ville, et, avec aisance, commença sa besogne. Au début, au loin, là où la terre et le ciel se rejoignent, près des tertres et du 8 moulin à vent qu'on prend, de loin, pour un petit homme agitant les mains, une large bande jaune vif se faufila au sol ; la minute d'après, la même bande brillait déjà plus près, rampant sur la droite, où elle s'empara des collines ; Iégorouchka ressentit une chaleur dans le dos, la bande de lumière, qui s'était furtivement approchée par derrière, s'infiltra dans la britchka et glissa sur l'équipage, partant vivement fusionner avec d'autres bandes apparues, et soudain la vaste steppe entière se défit de son manteau de pénombre matinale, et sourit, toute scintillante de rosée. Les seigles denses, les mauvaises herbes, les euphorbes, le chanvre sauvage — tout ce que la canicule avait roussi, bruni et presque fait périr, à présent baigné de rosée, sous la caresse du soleil, revivait, prêt à s'épanouir de nouveau. Avec de joyeux cris, les pluviers tournoyaient au-dessus de la route, les spermophiles leur faisant écho dans les herbes, au loin, sur la gauche, se faisait entendre la plainte des vanneaux. Une compagnie de perdrix, dérangée par la britchka, s'élança et voleta avec de légers frôlements — trrrr, trrrr — vers les collines. Sauterelles, grillons, criquets et courtilières entamèrent leur concert monotone et grinçant. Peu de temps après, la rosée s'évapora, l'air se figea et
la steppe, tirée de sa méprise, reprit le visage triste qu'elle arbore en juillet. L'herbe baissa la tête, la vie s'arrêta. Les collines brunies, dont le ton vert-brun tournait, dans le lointain, au lilas éteint comme une ombre, la plaine aux lointains brumeux, et, par-dessus, le couvercle du ciel, un ciel qui, ne rencontrant dans
la steppe ni forêts ni vraies montagnes, paraît si si profond et limpide, ce spectacle se déployait à présent dans son immense mélancolie engourdie…".
Une fabuleuse découverte ; un chef d'oeuvre.