Irina Teodorescu est une conteuse hors pair. Son roman -
La malédiction du bandit moustachu - est une belle fable qui retrace un siècle d'histoires, à travers les péripéties funambulesques de la famille Marinescu. Un «Cent ans de solitude» roumain si vous voulez, où il pleut beaucoup moins mais les coups du sort s'abattent comme des coups de tonnerre magiques. Une épopée roumaine écrite de main de maîtresse directement en français, s'il vous plaît. Et quel français ! Imagé, dynamique, prenant, rocambolesque, sensuel, voguant allègrement entre poésie et théâtralité, entre merveilleux et coutumes autochtones, entre le fil des générations et l'inanité de la temporalité. Comme le «bien mal acquis ne profite jamais», le destin met sa petite queue dans les affaires de la famille Marinescu et nous suivons, happés par la plume de l'auteure, les aventures hors-normes de ses membres, dans cet espace oriental fascinant où tout peut arriver à tout moment puisque les superstitions y règnent et le destin n'en fait qu'à sa tête.
On entre avec étonnement dans ce livre atypique et cet étonnement nous accompagne, fidèle, tout le long, pour atteindre le paroxysme à la fin. Rien que la galerie de portraits, pittoresques à souhait, vaut le détour, pour ne pas mentionner les clins d'oeil narratifs, les croyances et les couleurs locales, la sexualité et la fabrique d'eau-de-vie qui ne servent, finalement, que les desseins capricieux de la mort.
Ça m'arrive rarement de ne pas voir où le récit d'un roman mène, vers quel dénouement. Même s'il s'agit d'une histoire inhabituelle, on sent presque toujours les intentions de l'auteur. Dans «
La malédiction du bandit moustachu», je ne l'ai pas vu et la lecture m'en a été joliment bonifiée.
Un premier roman parfaitement maîtrisé, aux portes de l'Orient et de la Providence.
Radu Bata