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Jacques Lalloz (Traducteur)Patrick Honnoré (Traducteur)
EAN : 9782357613072
500 pages
FLBLB (02/09/2021)
3.34/5   16 notes
Résumé :
Sur son lit de mort, la belle Zéphyrus, déçue par les hommes, fait promettre à ses 7 filles de détruire l'argent et la morale afin de plonger le monde dans le chaos. Les 7 soeurs consacrent leurs vies à ce projet, se faisant appeler chacune Zéphyrus et manipulant sans remords les hommes obsédés par leur beauté. Elles utilisent le dermoïde Z, une fausse peau qui permet à n'importe qui de changer d'aspect. Le désir et le trouble se répandent dans un monde obnubilé par... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
L'oeuvre de Osamu Tezuka est immense. le "dieu du manga" doit son surnom non seulement à la renommée méritée de plusieurs de ses titres tels que La vie de Bouddha, L'histoire des trois Adolf, Black Jack, Phénix, etc..., mais aussi à la quantité astronomique de mangas publiés. Environ 700 oeuvres pour plus de 170 000 pages dessinées. de quoi intimider tout apprenti mangaka (appellation attribuée aux auteurs de mangas). Dans cet océan de titres, Avaler la terre m'est longtemps resté inconnu. Les éditions FLBLB (le format écrit de cet article m'épargne l'épreuve de la prononciation de cette maison d'édition), en republiant ce titre, m'ont permis de corriger cette erreur.

Publié à la fin des années 60, Avaler la terre raconte l'histoire de Zéphirus, déçue et humiliée par l'humanité, qui demande à ses sept filles, sur son lit de morts, qu'elles la vengent en détruisant les fondements de l'humanité : l'argent, le droit, la morale. La terre serait ainsi avalée et jetée dans le chaos.

UNE OeUVRE AMBITIEUSE AU RYTHME INEGAL

De manière générale, la lecture de ce manga fut agréable. Comme toujours avec Tezuka, on passe un bon moment, on sourit souvent, on s'attarde devant des planches, et le scénario est dans l'ensemble clair, entraînant et cohérent. Un scénario, même complexe, se conclue toujours clairement chez Tezuka. Il ne cède jamais à la facilité d'une fin ouverte. Une fin ouverte en dit davantage sur l'incapacité de l'auteur à résoudre efficacement les problématiques posées que sur sa volonté de faire réfléchir le lecteur. Une autre grande qualité de Tezuka est que chaque personnage a de l'importance. Cela n'est pas toujours vrai, mais j'ai tendance à reconnaître un grand roman ou un grand manga à la qualité et à l'utilité des personnages secondaires. Les traits d'humour dans Avaler la terre sont un peu plus rares que dans d'autres titres de Tezuka, mais ils sont présents et provoquent le rire du lecteur (par exemple lorsque Tezuka se dessine dans une case du livre dans un but précis. le passage est très drôle. Je vous laisse la surprise de le découvrir).

Toutefois, je ne classerai pas ce manga parmi les meilleurs d'Osamu Tezuka. Il l'admet d'ailleurs lui-même dans la postface publiée par l'ouvrage (au passage, un très bel objet). le format d'une série au long cours influe nécessairement sur le rythme de l'ouvrage lu en une seule fois (il vous faudra bien 4 bonnes heures pour le lire intégralement). Pour rappel, Avaler la terre a été publié sur une période longue de plus d'un an. Cela se ressent. le rythme est très irrégulier, les chapitres se terminent un peu abruptement. Tezuka développe des thèmes chers à ses yeux, l'oeuvre est ambitieuse, trop peut-être, car on a vraiment l'impression que l'auteur est frustré de ne pas pouvoir tout caser (le jeu de mot est involontaire !) dans le format qui lui est imposé.

Le dieu du manga a même décidé d'introduire, en plein milieu du récit principal, de courtes histoires sans rapport avec l'intrigue, mais liées aux thèmes abordés. Je peux comprendre que cela puisse perturber certains lecteurs, mais j'ai personnellement adoré ces deux histoires. Prises séparément, elles ont une véritable plus value et se lisent comme deux parenthèses remplies d'une charge émotionnelle majeure.

UNE ESTHÉTIQUE DES COULEURS ET DES CASES

Si Osamu Tezuka est considéré encore aujourd'hui comme le plus grand mangaka de tous les temps, ce n'est pas uniquement pour l'émotion qui se dégage de ses personnages, pour sa capacité à sonder l'âme humaine, pour l'humour décapant de ses mangas, ou encore pour la quasi perfection de ses scénarios. C'est aussi et surtout pour la qualité esthétique de ses dessins. Certaines âmes chagrines disent que son dessin est "simpliste", "peu détaillé", "vieillot". Je n'invente aucune de ces critiques.

Il faut se pencher et se poser quelques secondes devant certaines de ses cases pour pouvoir admirer le travail qu'il y a derrière. Les traits sont très précis. le noir et le blanc constituent des outils parfaitement adaptés pour le talent de Tezuka, qui parvient à jouer avec pour arriver aux effets dramatiques, comiques, tragiques, etc. Admirez par exemple le jeu des couleurs en page 28 où les corps sont tout de noir ou de blanc, afin de montrer la banalité commune de l'être humain. le paysage dessiné à la page 14 ainsi que le débarquement de la page 32 contredisent par ailleurs toute critique quant à la simplicité des dessins de Tezuka. Ou encore l'incroyable dessin d'une ville illustrée dans toute la complexité abusive des transports et des logements (pages 36-37).

Autre caractéristique de Tezuka qui en fait un mangaka unique, il a une capacité impressionnante à jouer avec les cases. Il ne décompose que rarement ses planches de manière classique. Les dessins se superposent parfois sur plusieurs cases (page 144). Il effectue un effet d'éloignement ou au contraire d'agrandissement de la même image en jouant avec le découpage de la planche (page 102 par exemple). Une autre de ses techniques consiste parfois à ne dessiner qu'une partie du corps, afin de concentrer l'attention sur cet élément très précis, et d'ignorer tout le reste du corps (pages 114-115 ou page 412 par exemple). Toutes ces méthodes fascinent le lecteur que je suis, et m'émerveillent dès que je lis un de ses mangas. Aucun autre n'y parvient ainsi.

UN MANGA ENGAGE DANS SON TEMPS

Cette oeuvre était l'une des plus importantes aux yeux de Tezuka, de par son ambition. Zéphirus demande à ses filles de la venger de l'humanité. Pour cela, elles vont semer le chaos en détruisant le droit, la morale et l'argent. La vente de peaux synthétiques, tout en permettant de déstabiliser le système pénal, démontre la superficialité de l'âme humaine. La vénalité de l'humanité est également dénoncée par l'exemple de la dévalorisation globale de l'or. Par ailleurs, Tezuka en profite pour condamner des problèmes sociétaux graves comme la ségrégation envers les noirs aux Etats-Unis (tout en dessinant les personnes noires de manière peu subtile).

L'auteur montre les accointances entre industries de l'armement, des transports, l'immobilier, les banques et les industries de divertissement. La toute puissance de ces industries a provoqué l'émergence d'un monde où règne la superficialité, la loi du plus fort, du plus riche, du plus apte à écraser les autres. Tezuka semble idéaliser à l'inverse un monde où le troc remplacerait l'argent dans les échanges entre les hommes. Un des passages puissants du manga est l'indignation d'un personnage à qui on oppose un respect nécessaire de l'ordre public :

"Mais votre ordre public, c'est quoi, sinon que les riches sont toujours riches et les pauvres toujours pauvres ?"

Malgré cet apparent pessimisme de Tezuka quant à l'espèce humaine, il se dégage de son oeuvre quelques motifs d'espoir : la résistance de certains personnages insensibles aux superficialités du pouvoir et de l'argent, l'histoire de la famille dont chaque membre a été progressivement remplacé par un inconnu adoptant son apparence (cette histoire est incroyable, en particulier la dernière image !), la permanence du remords, comme particularité de l'âme humaine, en dépit des crimes commis.

Tezuka écrit ce manga durant les événements de 1968 ayant eu lieu partout dans le monde. Son optimisme un peu naïf quant à l'émergence d'une société heureuse débarrassée du droit et de la morale s'explique sans doute par ce contexte.

LE CHAOS EST K.O.

Attention, cette ultime partie de la chronique révèle quelques points essentiels de la fin du manga !!

La dernière partie du manga est très intéressante car elle aide à mieux comprendre la conviction d'Osamu Tezuka. Elle m'a également permis d'éclaircir les raisons du choix de ce titre. le système critiqué par Tezuka dans son livre a d'immenses défauts. Mais la fin du manga montre que la morale, le droit, la monnaie, sont inhérents au fonctionnement de l'espèce humaine. C'est ce qui le distingue de l'animal. Si l'on supprime ces concepts, la terre verra disparaître cette invention si magnifique qu'est l'être humain. Ce ne sont pas ces concepts en tant que tels qui humilient et exploitent, mais le choix et la mauvaise utilisation de ces concepts. Toute morale n'est pas à rejeter. de même, le droit est indispensable, y compris l'existence d'un système de monnaie, le troc ayant révélé ses limites dans son histoire ("le troc, c'est plus compliqué qu'avec l'argent", se lamente un commerçant à la fin du manga).

La fin du manga me fait penser à la citation de Henri Jeanson : "le capitalisme, c'est l'exploitation de l'homme par l'homme. le communisme ? C'est le contraire". La disparition de l'ordre moral et juridique ne rend pas les hommes meilleurs et plus heureux. Une autre forme d'exploitation prend place. Un personnage s'en plaint, vers la fin du livre : "La victoire revient toujours au plus fort, à quelque époque que ce soit. Et nous faisons partie des faibles".

La nouvelle société est même pire. Il n'y a plus d'ordre, plus de valeurs respectées. Les individus ayant grandi dans ce monde déconstruit ne respectent plus rien ni personne. le fils de l'une des filles de Zéphirus n'écoute même pas sa mère, au seuil de sa mort, qui le supplie de rétablir les valeurs anciennes. Il n'a aucun respect pour sa mère car la morale a disparu, et avec elle l'importance des transmissions et du respect du passé. La république des filles de Zéphirus ayant détruit l'ancien ordre des choses finira même par exploser. Tout un symbole.


Pour aller plus loin

Si vous souhaitez lire un roman lié au thème de la vengeance, qu'aborde le manga analysé dans cet article, je vous conseille l'excellent roman d'Alexandre Dumas, le comte de Monte-Cristo, auquel fait directement référence le nom d'un des personnages du manga, d'ailleurs. Un livre palpitant, mouvementé, très bien écrit, et plein de rebondissements.

L'oeuvre de Osamu Tezuka est immense. Si vous souhaitez découvrir un très bon titre de cet auteur, en dehors de ses plus grands succès, le manga Gringo est un de mes préférés parmi ses oeuvres moins connues : il raconte l'épopée en forme de descente aux enfers d'un japonais nommé responsable de sa société en Amérique du Sud. Malheureusement, Osamu Tezuka n'a pas eu le temps d'achever ce manga, puisqu'il décède en 1989 avant d'y parvenir, mais en nous laissant une bibliothèque entière de mangas à découvrir. Merci, Sensei !
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Chez Tezuka, il n'y a jamais rien à jeter, ainsi quand les éditions FLBLB se proposent en cette rentrée de ressortir deux titres moins connus de l'auteur, ça donne de suite envie de les découvrir. Ayant feuilleté les deux et trouvé Debout l'humanité moins à goût d'un point de vue esthétique, je me suis jetée sur Avaler la Terre, qui avec son récit légèrement teinté science-fiction avait tout pour me plaire.

Le titre est paru originellement au Japon en 2 tomes en 1968 après avoir été publié dans le magazine Big Comic, qui publiera ensuite mes titres préférés de l'auteur : Kirihito, Ayako, Barbara ou encore MW. C'était la première fois que la revue faisait appel à l'auteur qui engageait alors son tournant vers les récits et sagas plus adultes. C'était aussi le premier auteur à qui la revue demandait une série en épisodes à suivre alors qu'il était plutôt habitué à des chapitres indépendants dans un même univers. L'auteur va s'en sortir avec un certain brio malgré quelques maladresses inévitables.

En commençant cette lecture assez longue, l'éditeur ayant sorti une intégrale de plus de 500 pages, j'ai d'abord été fascinée par le contexte de l'histoire. En effet, l'auteur donne un verni mythologique fort séduisant et surprenant ici, proposant ainsi une sorte de fable à charge contre notre société patriarcale, consumériste et capitaliste. C'est vivifiant. Graphiquement, en plus, c'est porté par un trait très puissant et marquant, notamment dans son dessin des corps féminin et de l'aura mystique qu'il leur confère, rappelant un peu les sylvidres de Leiji Matsumoto imaginée 10 ans plus tard. C'est donc assez fascinée que j'ai commencé.

Malheureusement, comme l'avoue le maître, il a eu du mal à gérer ensuite le format épisodique à suivre de son histoire. Ainsi, si le début de l'histoire est prenant, maîtrisé et bien construit autour de la mystérieuse et fascinante Zéphyrus, interprétation moderne du mythe de la Vamp, la suite s'effiloche très vite et on tombe alors sur des chapitres non ennuyeux mais décousus qui font qu'on cherche quel est l'intérêt et le sens de l'histoire par moment. C'est dommage.

Le fond de l'histoire est pourtant très intéressant. Il n'y a que sa grammaire narrative qui pêche un peu, sa grammaire graphique étant incroyable. En effet, l'on suit un drôle de héros, Gohonmatsu Seki, un pochtron de première qui ne vit que pour l'alcool qu'il peut ingurgiter. On l'a missionné pour surveiller et enquêter sur une femme mystérieuse qui fait perdre la tête à tous les hommes qu'elle croise : Zéphyrus. En allant à la rencontre de ce duo improbable, le lecteur va découvrir un groupe de femmes prêtent à tout pour venger leur mère et exaucer ces trois derniers souhaits : renverser l'ordre patriarcal, renverser l'ordre capitaliste et renverser l'ordre tout court. A travers des chapitres qui parfois se suivent et font sens, nous allons assister à la mise en route, à l'accomplissement et aux conséquences de ce terrible plan.

J'ai beaucoup aimé les thèmes cachés derrière : la critique de la façon dont les hommes traitent les femmes (femmes mariées sous tutelles, absence d'espace politique, absence d'espace au travail, maltraitance...) ; la critique de notre société capitaliste (l'amour démesuré de l'argent, la déshumanisation de notre société...) ; la critique des injustices de notre société (le racisme, racisme anti-pauvre, ...). J'ai aimé la teinte SF que cela donne au récit avec cette volonté ouverte de détruire tout ce qui existe et le fait qu'on y assiste littéralement. C'est fascinant de voir le plan des soeurs se mettre en branle autour des richesses qu'elles lancent aveuglément pour détraquer notre monde et des peaux en latex qu'elles démocratisent pour rendre chacun anonyme. Cela préfigure magistralement certains pans de notre société de manière glaçante. J'ai aimé que les héroïnes soient en grande partie des femmes qui affrontent les hommes mais avec un traitement moins binaire qu'annoncé grâce à la nuance apportée par l'auteur avec la relation surprenante : Gohonmatsu - Zéphyrus. C'est très inspiré.

Il se dégage en plus une vraie modernité de la narration graphique composée par l'auteur pour l'occasion. On sent clairement qu'il s'inspire de la BD franco-belge à la Hergé pour tout ce qui est trait humoristique ou scène de bagarre comique. C'est très vivant. Mais il puise aussi beaucoup dans le cinéma hollywoodien et chez Hitchcock pour le côté plus thriller / polar de son histoire et c'est bluffant. On vibre lors de chaque scène de fuite ou de course-poursuite. On en prend plein la poire lors des explosions et des coups pris. Et on est profondément remué lors des scènes touchants plus à l'intime où les métaphores graphiques sont aussi bien envoûtantes que malaisante (plongées dans le psyché, viol, torture...) grâce à un trait tourbillonnant qui accompagne vraiment dans la lecture des planches. J'avoue que je trouve fou qu'il ait pu composer tout ça à l'époque et encore plus fou que ce soit toujours autant avant-gardiste quand je vois la timidité de bien des auteurs actuels en comparaison...

Enfin, je tenais à saluer le travail d'éditeur des éditions FLBLB qui en plus de proposer une traduction très inspirée où les références et traits d'humour m'ont semblé parfaitement trouvés (merci Jacques Lalloz et Patrick Honoré !), offre un objet de fort belle facture pour un prix modique vu le format, la qualité du papier et le nombre de pages. On aimerait qu'ils éditent plus de titres patrimoniaux ou que les autres éditeurs les imitent !

Ainsi, malgré ses maladresses dont l'écriture au long court de cette histoire, j'en ai beaucoup apprécié le cadre original et sa teinte mythologique dans une ambiance de SF. J'ai beaucoup aimé les critiques pleines de nuances de l'auteur sur la société d'alors (mais aussi encore sur la nôtre actuellement...). C'était surprenant de suivre un tel duo de héros / anti-héros. Mais surtout, j'ai été bluffée par l'inventivité graphique du maître qui propose encore ici des planches qui auraient dû faire date tant elles sont magiques, envoûtantes et inspirantes. La preuve que vraiment il n'y a que du bon chez Tezuka, même dans les titres plus confidentiels chez nous. Merci à FLBLB d'avoir réédité ce titre dont l'ancienne édition devenaient extrêmement dure voire impossible à trouver.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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Avec la réédition, j'ai enfin eu le plaisir de lire cette série que je convoitais depuis un moment mais dont les tomes en occasion faisaient claquer un PEL à eux seuls. Ce qui m'intéressait surtout, c'est ce pitch de base qui semble ô combien moderne alors qu'il accuse l'âge honorable de 54 ans. Pour le resituer, il faut se dire qu'il sort en 1968, et pourtant semble déjà bien en avance : une femme victime de la société humaine et des hommes veut abolir l'argent, les lois, la morale et faire payer aux hommes. Ça sent le récit anti-capitaliste et féministe, non ?

Et c'est ce que j'ai trouvé dedans. Même si, comme l'a souligné très justement Gaston, le récit semble un peu décousu et manque parfois de liens directs. C'est une caractéristique qu'on retrouve souvent chez Tezuka, dû notamment à des impératifs de production. Mais malgré cette sensation de naviguer entre différents épisodes de séries, je trouve que l'ensemble se tient et reste cohérent. C'est une prouesse, vis-à-vis de ce qu'il nous détaille, mais c'est souvent très juste. Les épisodes intercalés, présentant simplement des moments de vide dans un monde qui change brutalement, sont déchirants et bouleversant. Je reste encore touché par l'une de ces histoires, à la fois belle et tragique.

Je suis souvent très positif sur les BD de Tezuka, que j'aime énormément. Ce n'est pas pour autant que je suis fermé sur les défauts bien réels qu'il a : le dessin peut aujourd'hui rebuter, la façon dont ses personnages se déforment, les passages très cartoonesques qui font parfois tâche au milieu. Personnellement j'y suis habitué et je vois ça comme un souci de communiquer au plus vite et au plus efficace. Par les déformations, il permets de comprendre tout les enjeux et les émotions rapidement. Un autre reproche que je peux entendre concerne les personnages qui sont parfois caricaturaux et stéréotypés. Ici, le personnage principal est défini comme un alcoolique peu intéressé par la gente féminine. Ce qui ne me gêne pas non plus, puisque je vois le procédé comme un usage narratif : on représente un personnage hédoniste qui n'aime que boire, dans une simplicité de vie totale.
Bref, même si je comprends les critiques que peuvent soulever les récits de Tezuka, je dois bien le dire : je passe largement outre.

Car ce récit dépasse son simple pitch pour nous proposer une histoire de vengeance qui ne se finit pas bien (comme souvent) mais pas pour ceux qu'on imaginait. C'est une dénonciation du capitalisme sauvage et globalisé, de l'attrait de l'argent, du racisme et de l'absurdité du genre humain, toujours plus prompt à descendre son voisin qu'à l'aider. Là où le récit fait vraiment mouche, c'est qu'en dehors de grosses ficelles scénaristiques nécessaire (l'or extrait du continent, par exemple, où le matériel qui permets de faire une seconde peau), le récit ne fait que développer ce qu'il fournit de base, sans jamais ajouter à outrance pour relancer la machine. L'exemple de cette peau qui permets de se faire passer pour n'importe qui permets de montrer à la fois la propension de l'humain à la criminalité lorsque les conséquences disparaissent, parler de racisme, mais aussi montrer une superbe et émouvante histoire de famille qui remet en question le modèle classique (ce que l'auteur refera à la fin du livre d'ailleurs). Comme si l'auteur voulait montrer que le capitalisme qui se fait abattre dans le récit est aussi une question de société et de domination permanente.
A cet égard, le traitement des femmes est remarquable : la violence sexiste omniprésente, les conventions sociales qui nécessitent de toujours être plus belle, la violence sexuelle (suggérée très fortement à plusieurs reprise dans le récit) servent à mettre en lumière l'origine de cette vengeance. Même si Tezuka semble condamner les actes de ces femmes qui vont tout faire imploser, il ne condamne pas pour autant ce qu'elle font. Les motivations sont mauvaises, mais le combat semble louable. Encore une fois, il ne se contente pas d'un récit manichéen et l'étire en tout sens pour montrer les limites de chaque chose. C'est intelligent et menée de façon assez crédible (je n'ai pas dit réaliste).

En fin de compte, je dois dire que la lecture m'a perturbée. Déjà par la façon d'aborder ce sabotage en règle du capitalisme qui est présenté. Mais aussi par la violence qui baigne l'oeuvre. Que ce soit autour du sexe, des femmes, de l'argent, des militaires ... Une violence que l'auteur condamne à chaque fois. Mais qui reviendra pourtant sans cesse.
Je suis toujours ébahi par ce que l'auteur peut nous proposer. Autant de beauté et de noirceur dans une seule oeuvre, autant de dégout de l'humanité et autant d'amour en même temps. Je sais que l'auteur à vécu la guerre et en est très clairement ressorti traumatisé, ce qui se sent dans toutes ses oeuvres. Mais comment fait-il pour faire d'aussi belles histoires aussi violentes et aussi tristes ? Vraiment, Tezuka, j'ai beau essayer, je ne m'en remets pas.
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Si Tezuka est généralement reconnu comme e « Dieu du Manga », tout n'est pas de qualité égale dans sa riche production, loin s'en faut.

De son propre aveu, cette oeuvre de « jeunesse » qu'est Avaler La Terre, si ambitieuse et riche thématiquement (la présence de l'Homme sur la Terre étant une cause de nuisance pourquoi ne pas l'éradiquer), est aussi inégale et non dénuée de défauts.



Commandée par un magazine pour publication mensuelle, cette histoire de vengeance d'une fort belle femme par l'intermédiaire de ses 7 filles sur le genre masculin, via ses plus riches individus, part sur d'intéressantes bases et possède de belles scènes d'action et de philosophie mais se voit alourdie de séquences annexes souvent quasiment hors sujet qui, si elles éclairent tel ou tel élément de l'histoire, n'amènent rien à son développement.
Un peu plus et un conseil d'écoute musicale ici: http://bobd.over-blog.com/2022/08/a-boire-et-a-manga/avaler-la-terre-vs.the-andromeda-nebula.html
Lien : http://bobd.over-blog.com/20..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Vengez-moi ! Du monde entier !! En premier, de l’argent !! L’argent asservit l’humanité, faites-le disparaître.

Ensuite, des lois. Semez le désordre dans le droit et la morale, sur la terre entière. Ne négligez aucun moyen…

Enfin… des mâles !! Ridiculisez les hommes du monde entier, écrasez-les de votre mépris.

Et surtout, ne vous mariez pas. N’oubliez jamais ces trois points… jamais… au grand jamais…
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Vidéo de Osamu Tezuka
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