AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
356 pages
PAUL OLLENDORFF, ÉDITEUR (01/01/1896)
5/5   1 notes
Résumé :
Nous n’avons pas encore dans notre base la description de l’éditeur (quatrième de couverture)
Ajouter la description de l’éditeur

Vous pouvez également contribuer à la description collective rédigée par les membres de Babelio.
Contribuer à la description collective
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Grand consignateur des petits drames bourgeois et provinciaux de la Belle-Époque, André Theuriet est l'archétype de l'écrivain désuet, à la rhétorique fleurie et excessivement romanesque, qui dépeint un (beau) monde à jamais disparu. de ce fait, on peut le juger comme un auteur totalement dépassé (ce qui n'est pas faux), ou au contraire un écrivain tellement soucieux de fixer les moeurs de son époque qu'il en demeure le chroniqueur le plus instructif (ce qui n'est pas faux non plus).
Car tout ce qui fait la qualité littéraire d'André Theuriet, c'est que parfois, là où beaucoup d'autres écrivains de son temps posaient un simple décor de province pour camper une histoire d'amour, lui faisait exactement l'inverse : il saisissait le prétexte d'une histoire d'amour impossible ou contrariée pour parler, à travers elle et par le biais des différents personnages, d'une région de France, de la mentalité qui y règne, des enjeux sociétaux de l'époque où se tient le récit.
Comme on le devine, « Fleur de Nice » se déroule dans la banlieue immédiate de Nice, principalement entre Beaulieu-sur-Mer et la presqu'île Saint-Jean qui ne s'appellait pas encore Saint-Jean-Cap-Ferrat. C'était en 1896 une région idyllique, déjà peuplée par la meilleure société niçoise, noblesse locale et haute bourgeoisie, à laquelle se mêlait, depuis quelques années une société nouvelle dite "cosmopolite", des familles bourgeoises issues d'autres grandes villes, nouvellement installées à Beaulieu, et qui y importaient leurs moeurs un peu débridées. Ils se liaient à l'élite locale par des mariages intéressés, la plupart des familles nobles étant surtout riches de leurs propriétés héritées, tandis que les nouveaux venus étaient principalement des fortunes colossales de l'industrie ou de la diplomatie, soucieuses d'accorder à leurs filles une particule prestigieuse.
Le héros de cette histoire, Vital de Saint-Pons, est précisément l'un des derniers rejetons d'une famille de haute lignée, mais devenue assez pauvre. C'est un bel homme qui a du succès avec les femmes, mais ne s'en préoccupe guère. Grand voyageur, âme égoïste et secrètement blessée par un ancien chagrin d'amour, Vital est surtout préoccupé par le devenir de sa propre lignée, qu'il projette dans la personne de son frère Honorat, petit être disgracieux et misanthrope, innocent et partiellement autiste, qu'il tente de marier avec quelques jeunes filles de la bonne société niçoise. Honorat lui-même s'amourache de la jeune Violette Castellar, qui a récemment fait son entrée dans le beau monde local, et dont la beauté et la fraîcheur font qu'on la surnomme "Fleur de Nice".
Sachant son frère empoté et tout à fait incapable de faire la cour à cette jeune fille, Vital de Saint-Pons approche et sympathise avec Violette Castellar, et lui propose quelques promenades romantiques en compagnie d'Honorat. La jeune femme, évidemment, prête à peine attention au frère cadet, et suppose que c'est Vital lui-même qui lui fait la cour. Au fil des semaines, elle tombe très logiquement amoureuse de cet homme charismatique, dont le côté vieux jeu et le souci permanent de droiture lui semblent un attrait puissant en comparaison à sa propre nature pulsionnelle et fantasque.
Enfin, un matin, Vital de Saint-Pons vient faire une demande de mariage officielle, mais lorsque Violette réalise que c'est au nom d'Honorat, c'est pour elle une épouvantable douche froide, et dans la terrifiante perspective de ne plus jamais voir l'homme qu'elle aime si elle refuse, elle accepte d'épouser ce frère qui lui fait horreur.
Violette espère que Vital vivra avec elle et son mari dans leur propriété, mais Vital au contraire repart en voyage aussitôt le mariage de son frère prononcé. Pour Fleur de Nice, c'est la révélation de tout ce qu'induit la décision sinistre qu'elle a prise, et dont elle ne peut se défaire (le divorce n'est pas autorisé à cette époque).
Elle n'a évidemment aucun mal à gâcher sa lune de miel, et à imposer à ce mari faible et lâche, incapable de la moindre autorité, de faire chambre à part. Elle n'a aucun mal non plus à l'abandonner tous les soirs pour rejoindre le milieu cosmopolite afin de s'y faire courtiser par des hommes plus attrayants. Livré à lui-même, replié sur son chagrin, Honorat de Saint-Pons parvient à trouver la force d'écrire une lettre à son frère pour le supplier de revenir mettre de l'ordre dans son ménage. Vital revient donc en urgence, et arrache Violette à sa vie de débauche, mais celle-ci lui révèle alors la passion amoureuse qu'elle a pour lui. L'immense sacrifice qu'elle a fait au nom de son amour en exige un autre de la part de Vital : elle se comportera comme une épouse modèle qu'à la seule condition que Vital vienne vivre avec eux, et qu'implicitement, il soit son amant. Tiraillé entre sa rigueur morale qui lui fait honte de coucher avec la femme de son frère et l'émotion que lui inspire un amour aussi puissant, Vital de Saint-Pons se retrouve piégé par celle qu'involontairement il avait lui-même piégée quelques mois plus tôt, et c'est de justesse qu'il parviendra à imaginer un échappatoire, qui ne sera pas non plus pour lui sans sacrifice...
Si ce mélodrame est d'une facture assez classique pour l'époque, André Theuriet en fait un roman poignant, d'un réalisme extrême, car il se garde bien de tout manichéisme. Chaque personnage ici participe, de par ses défauts, son égoïsme et son orgueil, à une situation oppressante qui ne peut être déliée du fait des convenances, et c'est en partie ces convenances-là que l'auteur dénonce par l'exemple, tout en se montrant lucide sur la passion irraisonnée qui unit la très pulsionnelle Violette Castellar au glacial et rationnel Vital de Saint-Pons. Si la situation et les circonstances de ce drame semblent aujourd'hui bien dépassées, cette incompatibilité de caractères entre une femme dominée par l'émotion et un homme obsédé par son désir de garder le contrôle sur son ressenti en toutes circonstances demeure, encore aujourd'hui, un tourment amoureux intemporel, récurrent et insoluble.
Malgré sa duplicité et son inconséquence, Violette, la "Fleur de Nice", figure centrale de ce roman, projetée à seulement 22 ans dans une romance contrariée qui gâchera tout le reste de sa vie, est un personnage extrêmement touchant, fortement attendrissant, de par son incapacité à tenir le rôle qu'on attend d'elle et à renoncer à sa passion brutale. Ce sublime portrait féminin, brossé par un écrivain qui connaissait étonnamment bien l'âme féminine dans ce qu'elle peut avoir de plus retors, nous apparait encore aujourd'hui d'un incroyable réalisme. La mise en scène de ce drame sentimental dans une région ensoleillée, sublime, invitant à l'hédonisme, ne rend que plus intense le piège amoureux dans lequel Violette noiera sa dignité, ses espoirs, sa jeunesse et sa liberté.
Si le style bucolique, désuet, d'André Theuriet peut sembler souvent un peu trop vieillot à nos yeux, « Fleur de Nice » n'en compte pas moins parmi ses meilleurs romans, et représente une variation "bovarienne" pertinente et convaincante sur la douleur morale d'être une jeune femme de la bonne société au coeur sensible, en cette lointaine Belle-Époque, où, même en étant riche et fort jolie, une jeune fille pouvait très tôt gâcher son existence en se soumettant aux exigeances de conventions morales qui ne laissent aucune place aux sentiments romantiques.
Victime des circonstances, d'une passion imbécile pour un homme soucieux seulement de sa respectabilité, la triste destinée de cette "Fleur de Nice" - d'autant plus triste qu'elle devait être au fond assez semblables à beaucoup d'autres - laisse le souvenir durable et affligé du récit bouleversant d'une grande amoureuse précocement fanée, dont les élans du coeur ne pouvaient être, en ce milieu où elle était née, que des inconvenances sans espoir et sans issue.
Commenter  J’apprécie          20


Livres les plus populaires de la semaine Voir plus
Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs (1) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Amants de la Littérature

Grâce à Shakespeare, ils sont certainement les plus célèbres, les plus appréciés et les plus ancrés dans les mémoires depuis des siècles...

Hercule Poirot & Miss Marple
Pyrame & Thisbé
Roméo & Juliette
Sherlock Holmes & John Watson

10 questions
5274 lecteurs ont répondu
Thèmes : amants , amour , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}