Tina Modotti est une femme fascinante, dont les engagements ne cessent de susciter les passions.
Pour les uns, elle est cette belle Italienne amoureuse et passionnée qui a fui l'Europe et sa misère et construit sa vie au gré de ses rencontres avec les hommes qu'elle a aimés: le poète canadien Roubaix de l'Abrie Richey, qu'elle rejoint à Los Angeles où elle tourne quelques films, le photographe
Edward Weston, qui lui enseigne son art, l'emmène au Mexique et lui fait côtoyer Rivera, Orozco, Kahlo, Maïakovski, l'opposant cubain Antonio Mella et l'Italien Vittorio Vidali, agent du Komintern, qu'elle suit en Europe en 1930.
Pour les autres, elle est une communiste fanatique à la beauté sombre, qui de 1930 à 1935 oeuvre pour le Secours Rouge International, de Moscou à Vienne, puis en Espagne dès 1936 sous le nom de Maria Ruiz. Là elle rencontre
Robert Capa, Gerda Taro,
Malraux, mais oeuvre aussi comme agent de renseignement pour la Tcheka. Son compagnon Vidali devenu quant à lui Carlos Contreras, est un des leaders du mythique Quinto Regimiento où il chasse les trotskystes et les anarchistes.
Mais
Tina Modotti est surtout une photographe, auteur de quelques 225 clichés pris entre 1923 et 1930. C'est peu et pourtant l'Italienne, fascinée par le Mexique a su mieux que quiconque saisir la réalité des années post-révolutionnaires, les femmes indiennes, la pauvreté, le travail, les manifestations et les attributs de la "mexicanité".
La préface de
Riccardo Toffoletti, photographe lui aussi originaire de Udine est très claire. Las des polémiques suscitées par les choix politiques de
Tina Modotti, il a souhaité faire de
Tina Modotti. Une flamme pour l'éternité un guide pour le lecteur "voyant" curieux de connaître l'art et la personnalité de Modotti à travers une centaine de photos et quelques documents. Si on retrouve avec plaisir les clichés les plus célèbres, Roses (1924), Femme avec drapeau (1928), Femme enceinte avec enfant dans les bras (1929), on peut lire également les poèmes de
Neruda, "
Tina Modotti est morte" (1971), d'Alberti "Présence de
Tina Modotti" (1978), ou un extrait de Manifeste publié dans la revue Mexican Folkways, dans lequel Modotti exprime son désir de donner à la photographie un rôle essentiel dans la révolution sociale.
Malheureusement pour les amoureux de son art, le combat social prit rapidement le pas sur la photographie. A 34 ans, Tina jetta son appareil dans la Moskova, tournant ainsi le dos à la photo pour se consacrer uniquement au militantisme. Celle qui avait été formée par Weston pour lequel la valeur formelle prévalait avait pourtant su se démarquer de son mentor, et trouver son propre langage, un langage marqué par ce qui l'avait façonné depuis l'enfance, l'exil, la pauvreté et une grande sensibilité aux problèmes sociaux. Quelle ironie lorsque l'on connait aujourd'hui les sommes indécentes atteintes par plusieurs de ses photographies chez Sotheby's...