L'étiquette "Prix nobel de littérature" me fait toujours un peu peur. Mais ce roman, annoncé comme un polar à la mode polonaise avait tout pour m'attirer : une ambiance forestière aux odeurs de champignons, de brume matinale, de fantômes hantant les sous-bois, une intrigue sur la mort de méchants braconniers et des animaux majestueux, sur la couverture du roman et en personnages principaux du roman.
C'est donc un peu rassurée que j'ai entamé sa lecture un beau soir d'automne à 1500 mètres d'altitude dans un petit village de la Vallée d'Aoste en Italie. Instantanément, j'ai été attirée au coeur de la forêt par la vieille dame qui prend soin des maisons du hameau lorsque ses propriétaires ne sont pas présents, celle qu'on appelle à voix basse "la folle".
Moi, je ne sais pourquoi, j'ai eu envie de lui faire confiance instantanément. Je n'ai pas écouté les ragots au village. J'ai senti qu'elle avait tout à m'apprendre, sur les beautés de la nature, sur les animaux dont la vie vaut autant que celle des hommes, sur les forces du mal toujours à l'oeuvre où que l'on soit, sur les esprits qui hantent nos maisons et nos vies. C'est qu'elle en sait des choses la Vieille. Elle enseigne l'anglais aux petiots, confectionne les soupes les plus délicieuses, manie l'astrologie avec talent et peut ainsi prédire l'avenir. Elle a du respect pour les êtres sans défense, ne supporte par l'injustice et s'engage corps et âme pour dénoncer la barbarie.
Oui, elle me plaît cette femme dont j'ai partagé un coin de chaumière l'espace d'une lecture.
Et puis, j'ai apprécié le talent immense de la romancière
Olga Tokarczuk dont on devine l'attachement pour son pays et ses paysages habités par les créatures les plus majestueuses, sauvages, intelligentes et fascinantes.
L'intrigue de son histoire prend racine dans l'humus des Sudètes à la frontière de la Tchéquie et plonge le lecteur dans une forme de mystère contemplatif et de suspense haletant. L'expérience est mystique et nous invite à nous taire, à vénérer l'indicible, à devenir humble.
Je referme ce livre avec le sentiment de rentrer chez moi, après une longue randonnée de plusieurs semaines, éreintée mais heureuse, le sac à dos chargé de rencontres, de nouvelles expériences, l'âme purifiée et la conscience tranquille.
J'ai dansé, j'ai prié, j'ai été émue, j'ai frémi
Sur les ossements des morts et, ma foi, je ne suis plus tout à fait la même.