« Tout ce qui peut être imaginé est réel », disait Picasso. Le Catalan Daniel Torres l'a pris au mot et imagine un passé qui n'a pas existé, crée une machine à remonter le temps avec crayons et feuilles de papier, se réincarne en son père en 1953, rencontre Picasso et l'envoie combattre dans les rangs de l'armée Républicaine.
Fiction sur une vie possible, Picasso s'en va-t-en guerre est une bande dessinée pleine charme.
En 1953, Francisco Torres un jeune dessinateur réfugié en France lors de la guerre civile espagnole, quitte Bordeaux pour Vallauris. Un mystérieux Ruiz, intéressé par son travail souhaite lui commander une bande dessinée.
Pour Torres, la surprise est de taille: Ruiz n'est autre que Pablo Picasso Ruiz, 71 ans, fatigué, usé, en proie aux critiques de la presse, et qui a un rêve. Avoir 25 ans, se battre sur le front de l'Ebre, et tirer sur Franco.
Car si le dessinateur était enfant lors de la guerre, Picasso, lui, avait 55 ans. Et ce que la vie ne lui a pas donné, le 9ème Art va le lui offrir.
C'est ainsi qu'à sa demande, Torres va s'attacher à dessiner en 80 pages, une « vraie vie de Pablo Ruiz », qui quitte Barcelone (très belles pages sur la ville qui survit malgré les bombes), et le syndicat des dessinateurs dans lequel il est très impliqué, pour la 35ème Division, fusil à l'épaule, sur le front de l'Ebre.
La-bas, Picasso prendra conscience de l'importance de son art (il signe Pegasso) au service de la propagande dans la zone républicaine. Il y dessine des fanzines envoyées dans les tranchées ennemies pour leur miner le moral…
Picasso s'e va-t-en guerre est l'histoire d'une très belle rencontre, entre un jeune dessinateur sidéré et émerveillé face à une légende vivante, et un géant fatigué qui veut lire une vie qu'il n'a pas vécue.
Entre admiration muette, colères épiques, échanges, des liens intimes se nouent entre les deux hommes.
Picasso s'en va-t-en guerre est aussi une mise en abîme qui se décline en trois styles graphiques distincts, un comic, dans un comic, dans un comic, une oeuvre originale qui fait la part belle à l'imagination, à la création, à l'art de l'Affiche, au graphisme. Torres toujours fidèle à la ligne claire retro fait un clin d'oeil aux comics de type Hazañas Bélicas qu'on produisait dans les années 40. Certaines planches sont superbes.
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C'est un album passionnant, servi par un dessin absolument sublime ! Une nouvelle preuve que Daniel Torres reste une vraie référence, un peu trop injustement boudé par le grand public français !
Lire la critique sur le site : Sceneario
Un « documenteur » pertinent, sérieux et drôle à la fois sur une période difficile de l'Espagne qui propose également une discussion intelligente sur l'Art, ses incidences et la manipulation de la Vérité.
Lire la critique sur le site : BDGest
Picasso a Francisco Torres :
La dans cette revue se trouve ce que je voulais te montrer. Je lis « toute l’œuvre de Picasso s’inscrit dans une dynamique unique, le rejet des règles. »
Et c’est bien ce que je vais faire, bazarder toutes les règles. On dit que toute œuvre est une biographie. Mais il manque quelques pages à ma biographie. Je veux ces pages.
Tout ce qui peut être imaginé est réel.
je veux avoir vingt-cinq ans ! Et je veux brandir un fusil pour tirer une balle sur Franco !
Tu sais ce qu'a dit Oscar Wilde, non? Donne un masque à l'homme et il te dira la vérité.