Julien enseigne le français dans un collège de banlieue parisienne dite 'difficile'. Il est prof agrégé, issu de la bourgeoisie 'bien introduite' - ses parents côtoyaient des incontournables des 80's. Est-ce en raison de ces origines que ses anciens camarades sont surpris lorsqu'il leur annonce son métier ?
■ « 'Je t'imaginais devenir acteur, ou journaliste, devenir comme une espèce d'Antoine de Caunes sur Canal +...' C'est un uppercut. Donc, aujourd'hui, il est plus valorisant d'être speakerine que professeur ? ».
Julien approche de la quarantaine, sa vie sentimentale chaotique ne le satisfait pas, son boulot lui pèse - impression de reproduire les erreurs des adultes qui l'ont (mal) éduqué, gamins difficiles et Principal d'établissement minable, aussi teigneux avec les profs qu'inefficace avec les parents et leurs adolescents...
Le comportement d'un des élèves inquiète Julien (un gamin de 3e en marge, mutique, probablement harcelé) et éveille en lui des souvenirs oubliés et peu glorieux de ses années de lycée. Souvenirs qui nous montrent que si c'est pire maintenant, c'était pas tellement meilleur avant !
En abordant ce roman, j'ai craint de lire un clone de 'Entre les murs' de François Bégaudeau, ou de 'Présent ?' de Jeanne Benameur, ou de l'un des multiples romans de Jean-Philippe Blondel sur son expérience de prof et sur sa jeunesse dans les années 80. Ça y ressemble, en effet. Mais Laurent Torrès a un style personnel et riche. Il alterne savamment flash-backs (années Mitterrand et émergence du FN) et questionnements actuels sur l'éducation, l'enseignement, le rôle des adultes, la démotivation des jeunes, les pièges de notre société, les lâchetés entre adolescents, la cruauté et les lois implicites au sein d'un groupe...
Un roman captivant, bien construit, qui, sans tomber dans les sujets racoleurs, invite à réfléchir. En plaçant cette intrigue avant la vague d'attentats qui décuple la paranoïa occidentale, Laurent Torrès propose des réflexions subtiles sur le mélange des cultures et l'intolérance, sans avoir besoin d'évoquer le grand méchant islamisme.
• Bon courage aux ados et aux profs, en ces jours de reprise...
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Julien est professeur agrégé de français dans un collège de banlieue. Issu d'un milieu social favorisé, sa situation sociale n'est pas à la hauteur de ce que sa famille attendait de lui.
Lui, ce qui le désespère le plus est de constater son incapacité à changer le destin des jeunes auxquels il enseigne. Bien que Julien ait été scolarisé dans les meilleures écoles, il fait un parallèle entre ce que vivent certains de ses élèves et ce qu'il a connu lorsqu'il était adolescent. D'ailleurs, des épisodes entiers de ses années de lycée semblent s'être effacés de sa mémoire. Intrigué par cette amnésie, Julien décide de mener l'enquête auprès d'anciens camarades de classe. Ce qu'il retrouve de son passé n'est guère à son honneur…
En alternant le récit de la jeunesse de Julien, et celui de son actuelle expérience d'enseignant, l'auteur dresse un portrait désabusé et cynique du système éducatif français. Au lieu d'être un lieu d'apprentissage des savoirs et de la culture, il reproduit les inégalités sociales et écrase les plus faibles ou les plus inadaptés. L'appartenance à un minorité s'y révèle être un handicap majeur.
Cette image du système scolaire français reflète une partie de la réalité. Elle me semble néanmoins trop pessimiste. Certes, la carte scolaire, les méthodes d'enseignement, l'évaluation permanente des élèves par des notes et les disciplines étudiées facilitent l'accès au savoir puis l'insertion sociale des enfants issus des milieux favorisés. Les autres enfants ne sont cependant pas nécessairement tous exclus : l'université reste un moyen efficace de diffusion de la connaissance. Le système éducatif français ne saurait être tenu pour seul responsable de difficultés d'accès à l'emploi ou de l'incapacité de notre société à accepter certaines différences (raciales ou religieuses). Le racisme ne naît pas à l'école mais y reste présent comme dans le reste de la société.
Malgré cette réserve sur l'un des messages de ce roman, j'ai trouvé cette lecture agréable.
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Si j'ai bien compris, ce livre est un pamphlet dont le but est de démontrer l'échec de l'Éducation Nationale, en racontant l'histoire d'un professeur de français d'un collège de banlieue parisienne qui pète les plombs.
Sauf que, si on peut admettre la situation catastrophique de l'éducation de nos jours, les flashbacks de l'auteur dans l'époque de sa jeunesse tendent à démontrer qu'il en était déjà de même dans les années 80's.
L'école est présentée comme un carcan traumatisant de tous temps les élèves, à coup de notes aléatoires et de méritocratie avilissante.
Il est regrettable que ce professeur ne remonte pas aux années 60's (qu'il n'a toutefois pas connues) afin de constater que la cause originelle de cette catastrophe annoncée se situe en Mai 68 qui a justement libéré l'école du carcan dont il se plaint...
Sur la forme, le récit succombe au formatage fastidieux des aller-retour entre le passé et le présent, tant et si bien qu'on ne sait pas toujours où se situe l'action.
Autre formatage fastidieux, les dialogues de début de chapître où l'on ne sait pas qui parle...
Sans parler du style de phrase très courtes commençant par "je... je... je...", pitoyable pour un prof' dît de français !
Franchement : aucun intérêt !
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J'ai eu ce livre à mon anniversaire car je suis enseignante. Il ne m'a pas du tout plu. le professeur n'est pas du tout intéressé par son métier. Il tente de recomposer le puzzle de ses souvenirs de lycéen. Or, il a oublié jusqu'au caractère de son meilleur ami, ce qui me semble bien improbable puisqu'il n'est pas très âgé et qu'il n'a pas de souci de santé. de plus, il s'intéresse à un de ses élèves et va donc le suivre jusqu'à son appartement. Je trouve que tout cela n'a aucun sens...
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Un peu plus tard, sur internet, je trouve toutes les explications sur 'World of Warcraft'. Des millions d'utilisateurs, des inventeurs milliardaires... bref, encore une fois, je ne suis pas dans le coup. Je décide de m'abonner et entre dans tous les méandres du jeu, équipement, guildes... Je comprends également qu'il me sera impossible d'y retrouver S., qui porte comme tout le monde un pseudonyme.
Dans ce jeu, tous les hommes sont des héros, des guerriers. On ne vous demandera pas si vous avez passé l'aspirateur ou pensé à faire les courses... Inutile aussi de vous conseiller de mûrir, "tu sais que c'est pour toi que tu travailles à l'école". Non, on est au-dessus de ces basses contingences quotidiennes. Vous êtes un chevalier, votre imaginaire est totalement accaparé et démultiplié.
J'ai à peine le temps de débuter, d'essayer de m'intégrer, cinq heures ont déjà passé. Il est trois heures du matin. Violemment, dans un accès de rage, j'éteins mon ordinateur sans me déconnecter du jeu. [...] Mes yeux sont secs et me font mal. Mes pensées vaquent et retrouvent un chemin un peu plus humain. Ces milliers de garçons rivés à leur écran connaîtront-ils un jour une vie moins artificielle ? Qu'est-ce que la vie réelle leur propose ? Cette vie parallèle leur procure bien plus d'émotions.
(p. 191-192)
Madame Rossignol nous raconte son voyage en Egypte et l'épisode cocasse qu'elle y a vécu avec quelques amis. L'une des membres de son groupe de voyage, habillée en débardeur léger, épaules nues, s'est fait cracher dessus par un passant âgé, en pleine rue.
Notre professeur de conclure :
« C'est normal. »
Elle engage ensuite un discours sur le respect des différences culturelles. Des élèves approuvent avec vigueur. D'autres ne disent rien. J'adhère plutôt au commentaire du professeur. Cela m'ennuie car j'aurais aimé ne pas être d'accord avec elle.
Dans cette harmonie générale, une petite voix faible se fait entendre :
« Et donc, en France, si je vois une femme en boubou, je lui crache dessus ? »
C'est Louis.
Nous n'avons presque jamais encore entendu le son de sa voix. La sonnerie vient de retentir. L'attention des élèves n'est plus à la discussion. Ils rangent leurs affaires, il y a du bruit. Madame Rossignol entend distinctement sa remarque, mais feint de l'ignorer. Deux ou trois autres élèves réagissent vigoureusement :
« Mais non. Ça n'a rien à voir !... »
(p. 51-52)
- [...] Sinon, tu pourrais leur faire écrire une rédaction dans laquelle ils devraient décrire leur passion, ou ce qui les intéresse le plus dans la vie. Parfois, certains se dévoilent.
- J'ai déjà fait cela avec d'autres classes. Mais la moitié des élèves sont tellement obnubilés par la note qu'ils se demandent quelle est la bonne chose à raconter pour optimiser leurs chances. D'autres ne veulent pour rien au monde soumettre au regard extérieur le coeur de leur intimité. Je les comprends, d'ailleurs. Mais bon... tu as raison, il faudrait essayer.
(p. 183)
Moi aussi, j'ai tendance à prendre la fuite rapidement [après les cours]. Qui peut vouloir rester dans le lieu de concentration de toutes les violences ? L'abrutissement, l'ennui, les comportements pulsionnels, la hiérarchie, l'initiation au consumérisme sexuel, la racialisation de l'identité, la soumission aux modes..., l'école ne les enseigne pas. C'est pourtant là que cela s'apprend.
Mais je reste, je fais comme les autres. Il faut bien se sentir vivre. Il y a les filles, le coeur qui palpite. C'est par là qu'on nous tient.
(p. 66)
L'adolescence est un âge de feinte, on veut être un adulte dans un corps d'enfant. Les parents le savent, ils l'ont vécu, mais ne peuvent se mettre à la place des jeunes. Leur point de vue est irrémédiablement extérieur. Certains, les pires, ont la prétention de comprendre leurs ados et de se mettre à leur niveau, au lieu de les laisser s'opposer frontalement.
(p. 100)