Amatrices, amateurs de littérature calme, pondérée et convenue, passez votre chemin...
Nick Tosches se raconte avec une verve haute en couleur, un vocabulaire sans aucune censure, à travers une histoire où le qualificatif loufoque est faible pour décrire cet ouvrage atypique. Mais quel plaisir à lire !
Sur l'initiative de la mafia, une opération est montée afin de mettre la main sur le manuscrit original de «
La Divine Comédie » de
Dante (rien que ça), qu'un curé détaché auprès de la bibliothèque du Vatican a par hasard découvert.
Nick Tosches est recruté par les malfrats pour authentifier le document et fournir une liste d'éventuels acquéreurs. Des millions de dollars sont en jeu... Mais Tosches ne se contente pas d'une banale histoire de gangsters, il raconte tout le cheminement du poète (
Dante Alighieri) qui le conduit à l'élaboration de son oeuvre magistrale et intemporelle : «
La Divine Comédie ».
Si le début de cette fiction est particulièrement déstabilisant car on ne sait où son auteur veut nous emmener, on savoure sa prose triviale, ses réflexions choquantes et son vocabulaire obscène.
Nick Tosches écrit par exemple : « Merde, voilà que ça me reprend. Chierie d'écriture. Même moi, je suis incapable de résister aux conneries genre « ne m'apportant d'autres offrande qu'un fruit ou une fleur en plus d'elle-même ». Mon cul, oui. Cette pétasse taillait des pipes convenables, c'est tout ». mais il n'est pas question de résumer le roman à ces quelques mots un peu verts, ils n'illustrent qu'une toute petite part de liberté que s'octroie l'auteur de temps en temps, c'est anecdotique. La majeure partie de l'ouvrage est remarquablement bien écrite. Ainsi : « Renonce à ta quête. Sors du tombeau de ton étude. Elève-toi dans la lumière et emplis-toi de l'odeur de chaque brin d'herbe de ton âme, de chaque brin d'herbe de tous les instants de la vie. Sors du tombeau et embrasse Sa cause. » Tosches sait manier les belles lettres et nous fait aussi étalage de son érudition (qui l'aurait cru ?).
On apprécie ses digressions notamment à propos du milieu de l'édition aux Etats-Unis, cette course effrénée au fric, cette volonté d'éditer les auteurs bankable souvent au détriment de la qualité, mais aussi concernant ses connaissances étendues des grands auteurs américains comme
Faulkner, Selby jr, Pound... Et bien sûr
Dante !
C'est un roman « fourre-tout ». le lecteur est souvent éconduit, malmené.
Nick Tosches s'assied sur le petit confort des anagnostes que nous sommes. Il écrit avec beaucoup de talent ce qui lui passe par la tête et en profite pour régler ses comptes.
Le titre, « La main de
Dante » est l'appât, l'histoire sur le thème du polar est le piège. Et quand il nous a bien embrouillé l'esprit avec la confusion et l'absence de lien entre les premiers chapitres, il nous a à sa merci. Il peut faire de nous ce que bon lui semble. C'est brillant !
C'est sous l'éclairage de la transgression et de la rébellion qu'il faut lire ce roman. Ce n'est pas un texte tout public.
Traduction de
François Lasquin.
Editions Albin Michel, le Livre de Poche, 473 pages.