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Citations sur Le Roi des Aulnes (187)

Le bonheur ? Il y a là-dedans du confort, de l'organisation, une stabilité construite qui m'est tout étrangère. Avoir des malheurs, c'est sentir l'échafaudage bonheur ébranlé par les coups du sort. En ce sens, je suis tranquille. Je suis à l'abri du malheur, car je n'ai pas d'échafaudage. Moi, je suis l'homme de la tristesse et de la joie. Alternative tout opposée à l'alternative malheur-bonheur. Je vis nu et solitaire, sans famille, sans amis, exerçant pour survivre un métier qui est tellement au-dessous de moi que j'y satisfais sans plus y songer qu'à ma digestion ou à ma respiration. Mon climat moral habituel est une tristesse d'ébène, opaque et ténébreuse. Mais cette nuit est souvent traversée par des joies fulgurantes inattendues et imméritées, qui s'éteignent aussitôt, mais non sans me laisser les yeux pleins de phosphènes dorés et dansants.
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En vérité je m'acquitte de mes fonctions – comme j'ai été soldat, comme j'ai eu des femmes, comme je paie mes impôts – en homme éteint, en somnambule, rêvant sans cesse d'un éveil, d'une rupture qui me libérera et me permettra d'être enfin moi-même. Cette rupture, ce n'est plus assez dire que j'en rêve. Je l'ai dit, le masque tremble sur ma face. Et il y a surtout cette main gauche, première émergence du nouveau Tiffauges, qui écrit, depuis maintenant trois mois, des choses neuves avec des mots que n'aurait pas trouvé à coup sûr mon écriture adroite. Il y a du printemps dans l'air. Du printemps, du dégel, de la débâcle...
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En réalité notre société a la justice qu'elle mérite. Celle qui correspond au culte des assassins qui fleurit à la lettre à chaque coin de rue, sur les plaques bleues où sont proposés à l'admiration publique les noms des hommes de guerre les plus illustres, c'est-à-dire des tueurs professionnels les plus sanguinaires de notre histoire.
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_ À force de frapper à coups redoublés sur la même porte, elle finit toujours par s'ouvrir. Ou alors c'est une porte voisine, qu'on n'avait pas vue, qui s'entrebâille, et c'est encore plus beau.
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_ J'ai planté toutes mes graines dans ce petit corps. Il faudra que tu cherches un climat favorable à leur floraison. Tu reconnaîtras la réussite de ta vie à des germinations et à des épanouissements qui te feront peur.
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C'est comme ce prénom d'Abel qui me semblait fortuit jusqu'à ce jour où les lignes de la Bible relatant le premier assassinat de l'histoire humaine me sont tombées sous les yeux. Abel était berger, Caïn laboureur. Berger, c'est-à-dire nomade, laboureur c'est-à-dire sédentaire. La querelle d'Abel et de Caïn se poursuit de génération en génération depuis l'origine des temps jusqu'à nos jours, comme l'opposition atavique des nomades et des sédentaires, ou plus précisément comme la persécution acharnée dont les nomades sont victimes de la part des sédentaires. Et cette haine n'est pas éteinte, bien loin de là, elle se retrouve dans la réglementation infâme et infamante à laquelle les gitans sont soumis – on les traite comme des repris de justice – et elle s'affiche à l'entrée des villages par les pancartes « Stationnement interdit aux nomades ».
Il est vrai que Caïn est maudit et son châtiment, comme sa haine pour Abel, se perpétue également de génération en génération. Maintenant, lui a dit l’Éternel, tu seras maudit de la terre qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère. Quand tu cultiveras la terre, elle ne te donnera plus ses fruits, tu seras errant et fugitif sur la terre. Voilà donc Caïn condamné à la pire des peines ses propres yeux : il doit devenir nomade comme l'était Abel. Il a des paroles de révolte contre ce verdict, et d'ailleurs il n'obéit pas. Il se retire loin de la face de l’Éternel, et là, il construit une ville, la première ville, qu'il appelle Hénoc.
Eh bien, j'affirme que cette malédiction des agriculteurs – toujours aussi endurcis contre leurs frères nomades – nous la voyons s'exercer de nos jours. Parce que la terre ne les nourrit plus, les culs-terreux sont obligés de plier bagage et de partir. Par milliers, ils errent d'une région à l'autre – et on savait au siècle dernier qu'en faisant d'une certaine sédentarité l'une des conditions de l'exercice du droit de vote, on excluait du corps électoral une masse fluctuante importante, et en principe mal-pensante, parce que déracinée. Puis ils se fixent dans des villes où ils forment la population prolétarienne des grandes cités industrielles.
Et moi, caché parmi les assis, faux sédentaire, faux bien-pensant, je ne bouge pas certes, mais j'entretiens et je répare cet instrument par excellence de la migration, l'automobile. Et je prends patience parce que je sais qu'un jour viendra où le ciel, lassé des crimes des sédentaires, fera pleuvoir le feu sur leurs têtes. Ils seront alors, comme Caïn, jetés pêle-mêle sur les routes, fuyant éperdument leurs villes maudites et la terre qui se refuse à les nourrir. Et moi, Abel, seul souriant et comblé, je déploierai les grandes ailes que je tenais cachées sous ma défroque de garagiste, et frappant du pied leurs crânes enténébrés, je m'envolerai dans les étoiles.
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Il est établi que d'un conseil ministériel, d'un conclave, d'une conférence internationale au sommet se dégage une odeur de charogne qui fait fuir les vautours les plus blasés.
A un niveau plus modeste, un conseil d'administration, un état-major, la réunion d'un corps constitué quelconque sont autant de ramassis crapuleux qu'un homme moyennement honnête ne saurait fréquenter.
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12 février 1938 . Une cliente vient me voir accompagnée d'une petite fille de cinq à six ans. Au moment de partir, l'enfant se fait rabrouer parce qu'elle me tend la main gauche. Je m'avise soudain qu'en effet le plupart des enfants de moins de sept ans -l'âge de raison !- nous invitent spontanément à leur tendre la main gauche . Sancta simplicitas ! Ils savent dans leur innocence que la main droite est souillée par les contacts les plus dégoûtants, qu'elle se glisse journellement dans la main des assassins, des prêtres, des flics, des hommes de pouvoir comme une putain dans le lit des riches, alors que la sinistre, l'obscure, l'effacée demeure dans l'ombre, comme une vestale, réservées aux étreintes sororales. Ne pas oublier la leçon.Toujours la main gauche désormais aux enfants de moins de sept ans.
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La vie n'est tolérable qu'en état d'ébriété. Ébriété alcoolique, amoureuse, religieuse. Créature de néant, l'homme ne peut affronter l'inconcevable tribulation qui lui advient - ces quelques années d'être - qu'en se saoulant la gueule.
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Chaque homme doit avoir ainsi toute sa vie un "âge essentiel" auquel il aspire aussi longtemps qu'il ne l'a pas atteint, auquel il s'accroche quand il l'a dépassé.
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